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peut pas plus l'attribuer à la raison qu'à la folie. Comment se serait-elle répandue parmi tous les peuples sans la vérité du fait? Est-il possible que tous se soient concertés sur ce point unique? Quelle que soit la variété des fictions, la différence des mœurs, des religions, des époques de l'existence des nations, une seule idée reste uniforme, invariable : l'idée de la déchéance du genre humain.

En Orient, berceau des Chaldéens, des Assyriens et des Perses, l'histoire de Moïse ne subit d'autre altération que celle des noms. « Meschia et Meschiané, le >> premier homme et la première femme, étaient d'abord >> soumis à Ormuzd, leur créateur. Ahrimane les voit ; » jaloux de leur bonheur, il les aborde sous la forme d'une » couleuvre, leur présente du fruit et leur fait de trom»peuses promesses; ils le croient. Ahrimane devient leur >>> maître ; leur nature est corrompue, et cette corrup>>tion infecte toute leur postérité. » Ainsi, dit Zoroastre (1), le péché ne vient point d'Ormuzd, mais il vient de l'être caché dans le crime (2).

Tout est renfermé dans ce passage: Origine du mal, idée d'intelligences antérieures et supérieures à l'homme, idée de la chute de plusieurs de ces sublimes intelligences, tentation, chute, altération de l'homme et transmission de cette altération. Ahrimane, comme

(1) « Le seul homme, dit saint Augustin (Cité de Dieu), qui soit venu au monde en riant. » Il y apparut, en effet, comme une ironie; il est l'inventeur de la magie.

(2) Vendida Sado, p. 305, 428.

Satan, emprunte les traits du serpent. Cette figure de serpent, emblème ou réalité qui a tant égayé les beauxesprits du dernier siècle, se retrouve partout, elle est de tous les temps, de tous les lieux, et l'on dit encore de nos jours, pour exprimer le suprême degré de la perfidie dans le langage, une langue de vipère.

Le fruit, l'arbre, le serpent, les bons et les mauvais anges, la rébellion de l'ange, source du mal, se reproduisent dans toutes les traditions avec des analogies surprenantes. Ainsi, les Caraïbes se croient sortis des vers qu'engendre le cadavre du serpent immolé par le fils de Dieu (1); les Moluquois se disent issus du crocodile; les Perses (2) enseignent que, long-temps avant la création de l'homme, eurent lieu les révoltes des Daints (mauvais génies) contre les Déiotas (bons génies). Les Izeds d'Ormuzd livrent bataille au Dews d'Ahrimane (3). Les divinités inférieures de l'Asgard combattent les Daints, issus d'Ymir (4). Chez les Egyptiens, les premiers instituteurs de l'univers, c'est la lutte de Typhon et d'Osiris (5). « Typhon, ajoute Plutarque, remplit de maux le ciel et la terre; il en fut puni; >> et ailleurs « La partie de l'âme passionnée, violente, déraisonnable, folle, est Typhon, ou vient de Typhon,

(1) Ipsa conteret caput tuum, et le mot ipsa se traduit bien iei par le fils de Dieu.

(2) Mythologie des Hindous, par M. Polier.

(3) Zend avesta de Zerathochstòr. Zoroastre. tion d'Anquetil DUPERRON.)

(4) L'Edda.

(5) Hérodote, Plutarque.

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(Traduc

comme l'interprétation du mot égyptien l'indique; car ils appellent Typhon seth, qui veut dire supplantant, dominant, forçant (1). » Typhon est représenté, tantôt sous la forme du crocodile, tantôt sous la forme du serpent (2). Chez les Scandinaves, c'est la lutte des Ases et des Loki, des bons et des mauvais génies (3), et les hommes sont alternativement objets de leurs soins et victimes de leur envie (4). Sauf la magnificence naturelle du langage, sublime privilége de l'historien sacré, le récit de Moïse se retrouve au fond de toutes les théogonies connues. Dans les Indes, les Brahmines enseignent que l'homme est déchu et dégénéré. Pour se purifier, outre les ablutions et les lustrations dans le Gange, ils recourent à des superstitions révoltantes, brûlent les femmes sur les cadavres de leurs époux et font écraser une foule de victimes sous les roues pesantes du char qui porte le dieu Djag-Gernath, ou les livrent, dans les pagodes, à des tortures sanglantes. Ces usages, qui indiquent la dégradation actuelle des Hindous, perpétuent chez eux le souvenir du péché originel. La chute du premier homme est racontée dans leurs livres liturgiques comme dans nos livres sacrés. Kali a fait tant de mal à la création, qu'il faut l'incarnation de Wichnou pour le réparer. Wichnou tue l'horrible serpent Kalyva. Son ennemi le blesse au talon, mais

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Wichnou lui écrase la tête avec son pied. Qui ne se rappelle ici ces mots de la Bible: « Elle te brisera la » tête et tu tâcheras de la mordre au talon. >>

<«<< Au commencement, » enseigne la tradition chinoise, «< rien ne nuisait à l'homme et l'homme ne >> nuisait à rien. Une harmonie universelle régnait dans » la nature..... Mais l'homme s'étant révolté contre le » ciel, le système de l'univers fut dérangé, les maux >> et les crimes inondèrent la terre. >>

Ce n'est pas sans admiration que l'on voit la vérité des détails bibliques percer sous le voile de la tradition chinoise: « Et dans le Krita-Youga, ou » troisième âge, la justice, sous la forme d'un taureau, » se maintient ferme sur les quatre pieds. La vérité rè– >> gne, et aucun bien obtenu par les mortels ne dérive » de l'iniquité. »

<< Mais, dans les autres âges, par l'acquisition illicite » de la richesse et de la science, la justice perd succes>>sivement un pied (1). »

<< Au commencement, l'homme, obéissant au ciel, était tout esprit; mais ensuite, ne veillant pas sur lui-même, la passion prit le dessus, et il perdit l'intelligence (2). »

On y retrouve également la lutte entre les anges rebelles et les anges restés fidèles; l'apparition de Dieu dans le paradis terrestre après la chute d'Adam, la faiblesse et l'impuissance de l'homme consterné sous l'œil de son créateur.

(4) Lois de Manou, 1. 1, art. 81 et 82. (2) Lo-pi.

« Brahma, ayant défait les mauvais génies, les bons » génies restèrent vainqueurs; alors ils se dirent entre >> eux : « C'est nous qui avons vaincu, c'est de nous » qu'est venue la victoire, c'est à nous qu'en revient >> l'honneur ; >> progrès rapide, délire de l'orgueil comme dans le livre steré.

« L'Être suprême, ayant su toute leur vanité, leur >> apparut (1), et ils ne connurent pas quelle était cette >> adorable apparition.

» O Agni, dieu du feu, disent-ils, origine du rig-veda, >> peux-tu savoir quelle est cette adorable apparition? Oui, dit-il; et il se dirigea vers l'adorable appari<«<tion, qui lui demanda: Je suis Agni,

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Qui es-tu?

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Quelle puissance extraordinaire y

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>> a-t-il dans ta personne? Je puis réduire en cendres >>> tout ce qui est sur ce globe de terre. Alors l'Être » suprême, ayant déposé un brin de paille devant lui: >> Brûle cela !

» S'étant approché de cette paille, le dieu du feu, >> malgré tous ses efforts, ne put la brûler. Aussitôt il » se retourna vers les autres dieux : Je n'ai pu connaitre » cette adorable apparition; voilà.

>> Alors les dieux s'adressèrent à Vayou, le dieu du >> vent: Dieu du vent, peux-tu savoir quelle est » cette adorable apparition? - Oui, dit-il. Il se >> dirigea vers l'adorable apparition, qui lui demanda : Qui es-tu? Je suis Vayou, le dieu du vent; je

- ((

(4) Et cum audissent vocem domini Dei deambulantis in paradiso ad horam post meridiem. (GEN., c. IV, v. 8.)

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