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monde le défi divin de le trouver en défaut (4), est venu renouveler les vérités révélées, les compléter et coordonner un ensemble parfait dans toutes les vérités morales adressées à tous les hommes. De là le catholicisme.

La doctrine du Christ prend ce nom, parce qu'elle contient l'universalité des vérités morales adressées à l'universalité des hommes. J'appelle erreur tout ce qui s'éloigne de ces vérités. J'ai avancé que toute, vérité est une affirmation; il s'ensuit que toute erreur est une négation. L'erreur ne saurait donc avoir un caractère d'universalité et de durée. Elle est une altération dans un sujet individuel. De même que les maladies endémiques, elle atteint les individus dans l'étendue d'un certain ray on. L'air vicié atteint ceux qui l'aspirent; il en est ainsi au moral. Une doctrine fausse altère ceux à qui on la propose. C'est déjà une preuve que la vérité ne procède pas de la raison humaine. La raison humaine, avant d'être éclairée par la tradition, reçoit avec la même facilité un mauvais et un bon enseignement. Le fait du paganisme, l'enseignement philosophique, qui n'est que la formule de toutes les contradictions humaines, et une masse d'autres faits très éclatants, nous en fournissent l'irrécusable témoignage. Le révélateur divin proclame son infaillibilité; le révélateur humain proclame l'impuissance de la raison. Quel contraste, quel avertissement! Ce contraste et cet avertissement doivent nous frapper d'autant plus, que les faits qui les déterminent sont plus vrais, plus in

(1) Quis ex vobis arguet me de peccato?

contestables et plus hautement avoués par ceux mêmes qui auraient le plus grand intérêt à les démentir, si le démenti était encore possible. Strauss déclare nettement que Jésus n'a pu trouver l'élément social que dans son cœur, car la raison humaine, avant Jésus, ne le possédait ni de loin ni de près. Bayle avait expliqué cette négation; La raison est un instrument de destruction et pas d'édification (1). Et Rousseau a assigné à la cause de cette différence son véritable caractère : « Si la vie » et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la >> mort de Jésus sont d'un Dieu. » L'axiome de Socrate était : Je sais que je ne sais rien. L'axiome de Jésus · était: Je suis la vérité..... quiconque ne recueille pas avec moi, disperse. Si je voulais énumérer les noms des hommes qui ont confirmé cette thèse, je nommerais tous les philosophes qui ont eu de la portée. Les uns ont été conduits à cet aveu, non par le zèle de leur foi, mais par l'éclat et l'ascendant irrésistible des faits. J'aurai plus d'une occasion de faire clairement ressortir cette observation dans le cours de cet ouvrage et de démontrer que les penseurs les plus profonds n'ont pu échapper à la rigueur de notre conclusion qu'à l'aide des plus puériles contradictions.

Nos erreurs ont trois sources:

4o La tradition. La tradition nous propose le vrai; elle peut aussi nous proposer le faux. Elle nous propose le faux chaque fois qu'elle substitue à la parole de Dieu la parole d'un autre être;

(4) Pensées diverses. Continuation, v. 3.

2o La raison; toujours disposée à préférer la parole. qui la flatte, elle se fait illusion pour se convaincre que la vérité est dans cette parole, et elle devient un foyer d'erreurs;

3o Les sens, facilement entraînés par l'attrait contre le droit, nous égarent aussi.

L'erreur de la tradition commence dans ces mots : Nequaquam moricmini, vous ne mourrez point. Un être externe déclare à l'homme qu'il n'altérera pas sa nature en transgressant le précepte divin; l'homme le croit, et il se trompe.

L'erreur de la raison commence dans le désir de l'homme d'être semblable à Dieu. L'idée de Dieu lui avait été communiquée. La raison erre quand elle affirme cette idée dans l'homme, quand elle se laisse aller à la séduisante espérance d'être aussi étendue que l'intelligence divine, scientes bonum et malum.

L'erreur des sens commence dans l'attrait que la femme trouve à regarder, à cueillir, à manger un fruit sur lequel ne s'étendait pas sa domination (1); toutes les erreurs qui ont égaré l'humanité se syncrètent dans la faute du premier homme. Aurions-nous besoin d'une autre preuve de la faute originelle et de la déchéance humaine que cet étonnant rapprochement ?

Or, cette triple aberration de la tradition, de la raison, des sens, nous éloigne sans cesse des objets qui

(1) Vidit igitur mulier quòd bonum esset lignum..... et tulit de fructu illius et comedit: deditque viro qui comedit.

sont propres à notre nature, nous en prive, et devient là-même la source de tous nos maux.

par

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Le raisonnement et l'histoire rendent cette proposition évidente; si nous sommes les créatures de Dieu, il est rationnel que les conditions de notre existence, que nos lois viennent de Dieu. Mais ces lois manquent de sanction, me dira-t-on? - Comment! La raison humaine, créée pour se mêler au flambeau divin où elle aurait trouvé sa lumière et sa vie, s'étant dressée orgueilleuse contre la foi, l'histoire n'est-elle pas là jetant ses feux étincelants sur le panorama des douleurs humaines, et vous annonçant un châtiment général, terrible, persévérant comme nos crimes? Quelle plus incontestable sanction vous faut-il?

Cette idée de Dieu est combattue par la tradition. La tradition, qui n'est qu'un autre flambeau, qu'un soleil immatériel que Dieu nous a donné dès le commencement pour guider nos pas et éclairer notre intelligence, nous a égarés, parce qu'elle a brillé d'une autre lumière que la lumière divine, et c'est encore l'histoire qui nous peint en traits de sang l'abrutissement, l'avilissement des hommes écrasés, déshonorés par les hommes.

Les passions, ces tressaillements de la vie, ces ressorts puissants, capables de nous faire entreprendre les plus grandes choses, d'étendre les limites de notre vie et de notre félicité; les passions, ces grâces naturelles, ces facultés ardentes, toutes-puissantes, s'éloignent aussi de leur objet véritable; elles s'égarent dans les gouvernements comme dans les individus, et dégradent cette noble nature qu'elles avaient mission

d'exalter. L'histoire vient encore avec son burin vengeur tracer en caractères ineffaçables l'ignominie de l'humanité dans les monuments destinés à sa gloire.

L'action des passions est universelle, incessante; elle s'exerce sur les individus, qu'elle perd; sur les nations, qu'elle fait disparaître dans des mers de sang, ou qu'elle ensevelit dans la boue de la servilité, universelle atonie de la valeur humaine.

Ainsi, aberration traditionnelle, aberration de la raison, aberration des passions, triple erreur qui s'attaque à l'humanité et l'altère profondément; et, de même que l'erreur est une négation, toute altération résulte de l'erreur et participe de sa nature. L'altération de l'humanité est une diminution de sa vie; c'est en cela qu'elle est un mal. Le mal est une négation. Le mal absolu, c'est le néant. Le bien absolu, c'est l'être infini, l'affirmation universelle. Le bien relatif, c'est la participation relative à l'être. Le bien parfait d'un être, c'est la possession complète de tous les éléments qui constituent sa nature. Son mal, c'est la privation d'une partie des éléments qui le constituent. Il est dans son intégrité primitive, lorsqu'il est parfaitement conforme au type sur lequel il a été formé. Mais si une partie des éléments nécessaires à sa constitution lui manquent, il n'est pas dans son intégrité naturelle, et c'est cet état que j'appelle déchéance. Déchéance humaine! question redoutable! et que je suis obligé d'aborder dès le principe, puisque sans ce fait les phénomènes sociaux, la contagion de l'iniquité chez les individus et la dégradation des peuples restent à jamais inexplica

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