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>> crimes, des assassins, des voleurs, des sacriléges, >> des séducteurs; y en a-t-il un seul d'entre eux qui » soit chrétien? ou, parmi ceux qui vous sont déférés » comme -chrétiens, s'en trouve-t-il un seul coupable » d'aucun de ces crimes? C'est donc des vôtres que re» gorgent les prisons, que s'engraissent les bêtes ; c'est » de leurs cris que retentissent les mines; c'est parmi >> les vôtres qu'on choisit les troupeaux de criminels >> destinés à servir de spectacle. Nul d'entre eux n'est » chrétien, ou il ne l'est que de nom. On dira peut-être » qu'il y a des gens parmi nous qui s'affranchissent des » règles de la morale; qu'on ajoute donc aussi que nous >> ne les comptons plus parmi les chrétiens.» (4)

Quel langage, quel contraste! mais aussi quelle différence de destinée!

Je n'entre point ici dans les détails, et je n'ai pas à caractériser, quant à présent, ces hommes sans conviction et sans bonne foi, qui posent un principe le sachant funeste, mais utile à leurs intérêts, et reculent ensuite épouvantés des conséquences qu'il amène. Quelle n'a pas été l'ardeur des sectateurs de l'école de Voltaire à démolir tout ce que le maître avait signalé à leur haine; et quel n'est pas aujourd'hui leur effroi à la vue des ruines qu'ils avaient préparées, le verre à la main et le blasphème à la bouche!

Je ne parle point non plus de ces hypocrites pleins d'orgueil, d'astuce et d'ambition, qui n'interrogent que pour tendre un piége, ne trouvent jamais la vérité dans

(4) TERT. Apologétique, XLV.

les paroles de l'homme vertueux et délaissé, mais la trouvent toujours dans celui qu'élève le caprice de la fortune; l'utilité qu'ils peuvent retirer des hommes, telle est la mesure de leur foi en leurs maximes morales. Leur rôle, au sein du christianisme, ferait croire que les chefs de la synagogue et les Pharisiens se sont succédé sans interruption jusqu'à nos jours.

L'opposition des intérêts, les préjugés, l'orgueil, les puériles terreurs, le gain que l'on demande à la piété, les honneurs que l'on cherche dans l'humilité, l'élévation que l'on demande à une abnégation qui n'a rien de dur pour soi, mais qui fait des victimes de tous ceux que l'on n'aime pas; toutes ces vertus, si âpres à la curée, ont concouru à fausser les idées, à détruire les principes, à ébranler les convictions, à produire cette confusion générale dont nous sommes témoins, et à laquelle on oppose tous les remèdes, le remède efficace excepté, je veux dire le courage et l'indépendance de la vertu, la vérité, en un mot, dans la vertu.

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Les uns veulent que l'on enchaîne les masses par l'ignorance. L'ignorance, à leurs yeux, est l'appui le plus sûr de la vérité, le fondement unique de la vertu; et, dans ce but, ils faussent la logique dans l'action gouvernementale, en attendant, sans doute, de pouvoir fausser les lois de l'arithmétique pour compter plus juste. Comment, en effet, trouver sans cela la part du lion?

Quelques-uns proclament que l'action gouvernementale est contre nature, ils en décrètent la négation, ou ils rêvent des formes chimériques de gouvernement.

Toutes ces antithèses passent dans les masses à l'état d'idées confuses; ce qui fait que les passions, qui ont toujours un but précis, peuvent bien avoir une bannière, mais les doctrines n'en ont plus. C'est la déroute universelle des penseurs. Après la négation des doctrines, il ne reste que l'appel à la force; c'est la guerre perpétuelle, ou le temps marqué pour le règne du despotisme. Aujourd'hui, Marc-Aurèle ou Titus; demain, Tibère, Néron ou Caligula.

La guerre est le paroxysme du désordre. L'épée d'un protecteur n'offre un refuge qu'aux lâches; le salut n'est que dans l'ordre, c'est-à-dire dans la vérité du droit. Que ce mot n'effraie pas les âmes religieuses : le catholicisme est la logique révélée, LOGOS, Verbum Caro; Dieu ne triomphe que par la vérité, c'est-à-dire par la logique. Si les âmes mondaines s'en effraient, leur trouble ressemblera à celui d'Hérode, que partagea la ville entière de Jérusalem; cela ne nous empêchera pas de passer outre.

Le catholicisme, c'est l'affirmation universelle; il n'est pas une vérité morale, et, par suite, il n'est pas une loi sociale qu'il ne contienne. Son nom est symbolique; il exprime l'universalité des vérités nécessaires à la sainteté de l'individu et au bonheur des associations humaines. Hors de la théorie catholique il n'y a que négation. C'est là le sens élevé de cet axiome: Hors de l'Église, point de salut; car la négation, c'est la mort. S'il est quelque théorie, s'il est quelque doctrine qui contienne une vérité, qu'on y fasse bien attention, cette théorie, cette doctrine, en ce point, seront d'accord avec le catholicisme. Affirmation ou évanouissement,

mensonge ou vérité : Qui non colligit mecum, dispergit. Mais cette vaste synthèse, qui peut l'embrasser dans toute son étendue? C'est ici que se fait sentir le besoin de l'étude analytique. La mine est féconde; est-elle suffisamment explorée? Le nombre des ouvriers est-il proportionné à l'abondance de la moisson?

L'on pourrait me reprocher la témérité de mes études si je me présentais autrement qu'en pauvre glaneur, venant ramasser dans le champ si fertile de la religion quelques épis pour les battre et en présenter le grain à mes frères; car, de même que, au temps des Juges, je sens qu'il s'est fait une grande famine autour de moi (1). Je m'attache à l'église comme Ruth à Noémi (2), sans la vouloir quitter. Comme Ruth, je prie Dieu de me traiter dans toute sa rigueur si jamais je me sépare d'elle (3). Encore une fois, ce n'est qu'en en demandant pardon que je viens recueillir quelques épis derrière les moissonneurs (4). Je resterai dans le champ depuis le matin jusqu'au soir de ma vie (5). Je n'irai point dans un autre champ! Je ne bougerai point de ce licu. Puissé-je, comme Ruth, y trouver le père de la grande famille! Puisse-t-il m'y témoigner quelque bonté!

(1) In diebus unius judicis quando judices præerant, fácta est fomes in terra. (RUTH, c. i, v.

1.)

(2) Elevata igitur voce, rursum flere cœperunt: Orpha osculata est socrum, ac reversa est: Ruth adhæsit socrui suæ. (RUTH, c. 4, v. I.)

(3) Hæc mihi faciat dominus, et hæc addat, si non sola mors me et te separaverit. (RUTH, C. I, V. 17.)

(4) Abiit itaque et colligebat spinas post terga metentium RUTH, C. II, v. 3.)

(5) Et de mane usque nunc stat in agro, et ne ad momentum quidem domum reversa est. (RUTH, C. II, v. 7.)

CHAPITRE PREMIER.

DE L'ORIGINE DE NOS ERREURS ET DE NOS MAUX.

Tenebræ et palpatio in æternum, donec
effundatur spiritus de excelso.
ISA. XXXIV, 14.

L'homme, dont la nature est double, ne vit pas seulement de pain, mais de la parole de Dieu. Pourquoi de la parole de Dieu et non de sa propre intelligence? Parce que la vérité ne procède pas de l'intelligence humaine, mais de Dieu seul. L'homme, en arrivant au monde, trouve tout, s'assimile tout, mais ne crée rien. Il s'assimile la vérité, comme avec du blé il fait du pain; mais il ne crée pas plus la vérité qu'il n'a créé le blé. Dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique, tout a préexisté à l'homme. Ce principe admis, que l'homme intellectuel vit de la parole de Dieu, comme l'homme matériel vit de pain, le catholicisme,

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