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quérants et ces prêtres se donner la main, partager la puissance quelquefois, et, dit le prophète Daniel (1), les bénéfices de la puissance toujours. J'ai vu une autre classe de fourbes, appelés philosophes, se réunir aux premiers, travailler de concert à obscurcir l'intelligence en faussant les idées révélées, les seules idées vraies qu'il puisse y avoir dans le monde, et contribuer ainsi, par la perversion de l'esprit à la perversion du cœur, à la domination des passions brutales et à leur fin dernière, l'universelle servitude.

Un grand événement, que je raconterai en son lieu, était venu briser les fers du genre humain en rallumant le flambeau éteint de l'éternelle vérité; mais la domination humaine travaille de nos jours avec plus d'audace que jamais à ramener la servitude par l'erreur, et tels sont ses succès, que pour beaucoup de bons esprits un nouveau Bas-Empire ne paraît ni impossible ni éloigné.

Devant ce danger immense, je me suis dit :

(1) Voyez, au chap. XIV, avec quelle énergie Daniel démasque l'hypocrisie du sacerdoce de Babylone, qui a été l'origine de tous les sacerdoces païens.

Le devoir du prêtre de Jésus-Christ, du dépositaire de la vérité, n'est-il pas de courir sus à l'erreur et de répandre la lumière qu'il a reçue? Mettre en avant son insuffisance pour se taire, n'est-ce pas un calcul de la lâcheté autant qu'un raffinement de la vanité? Le soldat qui vole à la frontière menacée se demande-t-il, avant de partir, s'il est un Bayard, un Turenne, un Napoléon? Non, il va au feu.

Tel est le sentiment qui, après de longues études, de longues méditations, et j'ajouterai de longues hésitations, m'a déterminé à prendre la plume! Qu'on ne cherche pas un système dans ce volume. Comme avant de construire il faut déblayer le terrain, je montre ici toute l'inanité des religions, des philosophies et des politiques de l'antiquité. Dans un second volume, j'essaierai d'édifier, et, Dieu me venant en aide, j'aurai le bonheur, sinon d'avoir contribué, au moins d'avoir aspiré à rendre au genre humain ses droits trop long-temps usurpés.

4 OC 62

Paris, 1er juin 1854.

Stans inter mortuos ac viventes, pro populo
deprecatus est, et plaga cessavit.
NUM. XVI. 48.

Quelques personnes ayant lu dans un petit écrit que je venais de publier : « La vérité du droit manifestée >> par l'organisation sociale, voilà le dernier mot des >> révolutions, >> me pressaient depuis long-temps de ⚫ développer cette thèse. L'homme de notre époque, peutêtre, qui a agité le plus d'idées, M. E. de Girardin, m'écrivait : « Nous sommes trois ou quatre qui cher>> chons la vérité sans jamais nous lasser, sans jamais >> nous décourager; pourquoi ne diriez-vous pas à >> votre pays ce que vous en savez? Ce serait le servir » et lui être utile. » Ces encouragements réitérés, et la conviction profonde où je suis que la vérité seule peut rapprocher les esprits, régler les intérêts et conduire. les hommes au repos et au bonheur de la vertu, m'ont

décidé à écrire le livre que je publie aujourd'hui. Après un violent orage, chaque habitant de la ville bouleversée doit travailler à déblayer la voie publique et à réparer les ruines; celui même qui a fait peu a rempli sa tâche, s'il a fait ce qu'il a pu.

Je sais ce que mon entreprise a de difficile et de périlleux. Oser dire ce qu'il faut entendre par la nature et l'étendue du droit, par l'obligation rigoureuse de son application à toutes les circonstances de la vie, c'est, je ne me le dissimule pas, aborder de front la question sociale dans toute son étendue, question immense et plus que jamais brûlante, sur laquelle ceux qui ne consultent que les règles timides de la prudence me conseilleraient, sans doute, de me récuser ou de me taire. Mais l'homme qui porte en lui des convictions inébranlables subordonne la prudence au besoin de les manifester.

Que m'importe la prudence? Je ne m'accorde guère sur le sens de ce mot avec ceux que j'entends-raisonner autour de moi. Bien ménager ses intérêts propres et immoler tout le reste à l'égoïsme, c'est là ce qu'ils appellent prudence. Faire triompher la vérité, la mettre, pour ainsi dire, en action, l'incarner dans le cœur de chaque homme, concourir par là au bonheur de tous, même au prix de mon repos, de ma vie, voilà la seule prudence que j'honore, que j'aime, et à laquelle je m'attache, sans examiner ce que je risque à dire vrai et à être juste.

L'application rigoureuse du droit peut seule jeter les assises définitives des sociétés humaines. De même qué

l'arbre de la science du bien et du mal, cette question porte en elle la mort ou l'immortalité; elle ouvre à l'avenir l'ère de la paix ou l'ère de l'antagonisme, suivant qu'elle sera résolue par l'équité ou par l'égoïsme. Le présent peut appartenir aux hommes, l'avenir des peuples dépend de leurs doctrines.

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