Page images
PDF
EPUB

ractère de la domination; Dieu distingue en ces termes la mission de la domination : « Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu! » Appelez, appelez toujours! c'est là votre douce et sainte mission; mais ne persécutez jamais. Celui qui est appelé n'aura à répondre qu'à Dieu de son adhésion ou de son refus. (1) « Mal>> heur à vous, qui faites du prosélytisme et qui rendez >> vos prosélytes deux fois plus corrompus que vous, »> (2) car ils ne sont point venus à Dieu dans la liberté de leur cœur.

<< Vous préférez l'or au temple, (3) vous levez la dîme et vous abandonnez la miséricorde et la foi. (4) Vous relevez l'extérieur sans purifier l'intérieur. (5) Sépul– cres blanchis, qui ne brillez qu'aux yeux, vous paraissez justes, et vous êtes remplis d'hypocrisie et d'iniquités. » (6)

<< Malheur au pasteur qui, au lieu de paître ses brebis et de les défendre contre les bêtes féroces, les conduit

(1) Domino suo stat aut cadit, (S. PAUL, ad. rom. c. 14, 4.) (2) Hypocritæ, quia circuitis mare et aridam, ut faciatis unum proselytum, et cum fuerit factus, facietis eum filium gehennæ duplò quàm vos. (Saint MATH., ch. XXIII, v. 15.)

(3) Quicunque juraverit in altari nihil est : quicumque autem juraverit in dono, quod est super illud, debet. (Id., v. 18.) (4) Decimatis mentham, anethum et cyminum, et reliquistis quæ graviora sunt legis, judicium et misericordiam et fidem. (Id., v. 23.)

(5) Mundatis quod deforis est calicis et paropsidis intus autem pleni estis rapina et immunditiâ. (Id., v. 25.)

(6) Similes estis sepulcris dealbatis, quæ à foris parent hominibus speciosa, intùs verò plena sunt ossibus mortuorum et omni spurcitiâ. (Id., v. 27.)

avec brutalité, se couvre de leur toison, s'engraisse de leur chair et les persécute quand elles sont faibles, jusqu'à ce qu'il les ait abattues. » Puisse cette divine voix, protectrice de l'innocence opprimée, consoler les victimes que je connais. Elles ont demandé du pain, on leur a donné des pierres; exténuées, on les met dehors; (4) mais il est pour elles une demeure d'où la brutalité, la ruse, l'ambition, ne les banniront pas. Malheur aux prophètes qui mordent à pleines dents, tout en se disant les apôtres de la paix, (2) tout en appelant sainte la guerre qu'ils font à qui ne les comble pas. (3) Institués pour faire briller la lumière, ils répandent les ténèbres; chargés d'édifier, de soutenir, de réparer, de relever, de sauver, ils accablent, ils détruisent, ils désespèrent. » (4)

Le sacerdoce est un ministère divinement institué pour conduire l'homme à Dieu. Le pouvoir temporel,

(1) Cornibus vestris ventilabatis omnia infirma pecora, donec dispergerentur foras.

(2) Qui mordent dentibus et prædicant pacem. (MICH., c. 3 v. 5.)

(3) Si quis non dederit in ore eorum quippiam sanctificent super eum prælium. (MICH., idem., idem.)

(4) Væ pastoribus Israel, qui pascebant semet ipsos...... lac comedebatis........ gregem autem meum non pascebatis, quod infirmum fuit non consolidastis; et quod ægrotum non sanastis, quod confractum est non alligastis, et quod abjectum est non redemistis, et quod perierat non quæsistis: sed cum austeritate imperabatis eis et cum potentiâ, et dispersœ sunt oves meæ eò quòd non esset pastor..... et non erat qui requireret; non erat, inquam, qui requireret. (EzÉCHIEL, c. 36, v. 24 et suivants.)

divinement institué aussi, puisqu'il ressort de l'essence même de notre organisation, œuvre de Dieu, est établi pour conduire l'homme à la perfection. Double ministère donc, et, au-dessus de ce double ministère, une idée supérieure, seule souveraine. Le ministre n'est pas le souverain, la théocratie et la domination humaine sont donc incompatibles; l'une détruit l'autre. L'histoire du genre humain montre que nos malheurs nous viennent des écarts de notre volonté ou des écarts de la volonté d'autrui. Donc, la théocratie est l'unique garantie de l'humanité.

De même que dans la théorie intellectuelle, j'établis l'exclusive domination de la pensée divine, de même, dans la théorie pratique, je montre l'exclusive domination de la volonté divine. La pensée divine est la vérité. Tout ce qui s'éloigne de la pensée divine n'est pas, ne peut pas être la vérité. La volonté divine, c'est l'amour; (1) l'unique loi des hommes est donc l'amour. Loi également infaillible, car le mal ne peut jamais découler de l'amour ou de la charité. Tout ce qui s'éloigne de l'amour n'est pas, ne peut pas être une loi. Tout ce qui s'éloigne de l'amour est nuisible; le mal ne peut pas être une condition de l'existence, il en est une diminution. Admirable logique de nos livres saints ! Ils proclament une seule loi: AIMER! et ils définissent le pouvoir un ministère établi pour le bien, (2) en sorte que tout pouvoir qui ne fait pas le bien n'est plus un ministère institué, il n'est qu'une force aveugle et (4) Deus caritas.

(2) Minister tibi in bonum.

brutale. Il n'est pas le ministre, il est le contradicteur de la volonté divine. (1) C'est donc la charité qui correspond à l'institution divine. C'est saint Vincent de Paul, ce n'est pas le cardinal Dubois, qui représente le prêtre selon l'idée catholique. La pourpre dans l'église est le titre de noblesse de la charité. Comme la noblesse dans le monde, elle ne brille d'un utile éclat qu'autant qu'elle est le symbole d'une plus pure charité, d'une plus grande vertu. Celui qui sera le plus grand sera votre ministre; (2) car ce ne sont que les princes idolâtres qui dominent les hommes. Le Christ signale ainsi lui-même l'élément païen dans le fait de la domination humaine. Le prêtre du Christ n'a donc pas de domination à exercer sur les hommes, il n'a que des services à leur rendre. C'est pour cela qu'il a reçu tout pouvoir, le pouvoir de sauver. Le pouvoir n'est que la possibilité pour quelqu'un de donner à un autre la plénitude de la vie. Touchante image! le pasteur porte sa brebis sur ses épaules; le bon pasteur donne sa vie pour les autres. La France oublierat-elle jamais le souvenir du pontife qui versa son sang pour empêcher de couler le sang des partis irrités? Le Christ eût pu armer ses légions d'anges et exterminer les hommes; (3) le Christ meurt pour les sauver. Donc, plus on est le disciple du Christ, plus on sait aimer, plus on

(1) Interrogo vos licet animam salvam facere, an perdere. (S. MATH.)

(2) S. Math., c. xxIII, v. 6.

(3) An putas quia non possum rogare patrem meum, et exhibebit mihi modò plus quàm duodecim legiones angelorum. (S. MATH., c. XXVI, v. 53.)

est prêtre, moins on est dominateur; plus on imite celui qui ne sut jamais achever d'éteindre une lumière presque éteinte, qui ne sut que répandre le feu de la charité et inviter ses disciples à le répandre partout. (4)

A ce titre, Dieu les élève jusqu'à lui. Il les récompense magnifiquement s'ils se sacrifient pour les autres. Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit mon Père: tout, tout découle du Père, tout est théocratique dans l'idée du Christ. Qui peut se méfier du prêtre qui est Christ: Celui qui vous reçoit me reçoit. Qui ne bénit le prêtre; qui ne le vénère; qu¡ ne vénère saint Paulin; qui ne vénère saint Vincent de Paul; qui ne vénère nos martyrs, fondateurs de la personnalité humaine; qui ne vénère saint Jean-Baptiste, saint Ambroise, saint Thomas de Cantorbéry, sauveurs de la liberté des peuples; qui ne vénère cette multitude d'hommes saints et libres que l'église catholique a comptés dans tous les siècles? Multitudo magna quam nemo dinumerare poterat.

- Il y a des abus.

Sans doute il y a des sépulcres blanchis et des prophètes de destruction! Mais d'où viennent-ils? d'où partent l'orgueil et l'égoïsme, de Dieu ou de l'élément païen? Interrogo vos. Il n'y a abus que là où il y a substitution de la volonté de l'homme à la volonté divine; que là, en un mot, où il y a domination humaine ! Concevez-vous l'abus dans la volonté de Dieu?

Non.

(1) Voni ignem mittere et quid volo nisi ut accendatur.

« PreviousContinue »