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l'envoi d'un cordon de soie, le seigneur, entouré de sa famille et de toute sa maison, baise encore la terre pour remercier le divin fils du soleil, et il s'étrangle à côté de sa bière ouverte et au milieu des portraits de ses aïeux. Là, les sujets sont au roi ce que tous les hommes sont à Dieu, selon la morale si vantée de Confucius. Le Romain, sous l'empire, remercie le dieu qui lui enlève l'honneur et la vie; Salutant, te Cesar, morituri! Les autres bêtes du cirque n'avaient pas d'aussi lâches inclinations.

Et vos martyrs, me dira-t-on, en quoi leur abnégation différait-elle de celles des gladiateurs? Mes martyrs grandissaient en marchant au supplice, ils avaient pitié de l'aveuglement de leurs bourreaux. Purifie ton âme, César, et tu comprendras ma foi, disait l'un d'eux pour qui la mort était moins redoutable que la perte de l'innocence. Leur mort était un témoignage rendu à la liberté de leur vie, elle n'était pas une adhésion à la volonté d'un maître, elle était une protestation terrible contre le principe du despotisme, un appel énergique et solennel au juge suprême qui condamne la force brutale. Mes martyrs mouraient pour ne pas courber leur front sous le joug de la tyrannie, pour donner au monde abattu l'exemple d'un courage que rien n'abat, et la victoire est restée à leur héroïsme. La personnalité humaine date de l'ère des martyrs. Autant la lâcheté de ces Romains, qui se laissaient égorger par leurs maîtres, est ignominieuse et dégradante, autant la mort sublime et le courage des martyrs élève l'âme et l'attendrit. La foi des uns était pleine d'une

espérance qui les élevait au-dessus de la corruption; la résignation des autres n'était que la corruption et la servilité se prolongeant jusque dans les bras de la

inort.

Mais quel esprit, ajoutera-t-on, prévaut aujourd'hui dans le monde? Celui des gladiateurs païens ou celui des martyrs? Quel esprit ?... Entendez les murmures que provoque mon hymne à la liberté, et comptez les esclaves!

4 OC 62

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