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lendemain, au Louvre; puis d'autres le lundi 4 et le samedi 9 février, au Palais-Royal, chez Madame. Quatre représentations en douze jours et devant un public qui sans doute ne se renouvelait guère, étaient un succès marqué, quoique les succès de ce genre fussent assez ordinaires dans les ballets où le Roi avait un rôle : presque toujours, il y figurait plusieurs fois de suite.

Il paraît que, pour cette pièce encore, Molière eut le mérite de servir promptement un Roi qui n'aimait pas à attendre; c'est ce que peut faire conjecturer au moins le nom d'impromptu que Loret donne au Mariage forcé:

Cette pièce assez singulière

Est un impromptu de Molière'.

Le succès fut relativement moins grand à la ville quand on y représenta le Mariage forcé, quoique le ballet accompagnât la pièce. Voici, d'après le Registre de la Grange, la liste des représentations:

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1. La Muse historique, lettre du 2 février 1664. On voit que Loret arrive enfin à écrire correctement le nom de celui qu'il a appelé si longtemps Molier. C'est du reste l'occasion de remarquer que ceux qui écrivaient alors le nom de cette dernière façon étaient plus excusables qu'il ne semblerait d'abord; ils ne l'altéraient pas pour l'oreille Molier ou Mollier et Molière, Ytier et Ytière se prononçaient de même; on a des preuves certaines que le musicien Louis de Mollier, qui signait ainsi, était pour les contemporains un homonyme parfait de Molière : voyez le Dictionnaire de Jal.

Douze représentations étaient peu pour une pièce nouvelle, surtout avec l'attrait « du ballet et des ornements. » C'est probablement, du reste, ce coûteux attrait qui aura déterminé le théâtre à arrêter les représentations après la douzième la dépense était considérable1, et la recette ne dé

:

1. Voici quels étaient les frais selon le Registre de la Grange (p. 62). Toutes ces dépenses, par exemple les bas de soie, les escarpins, les habits, n'étaient pas journalières; mais ce n'en étaient pas moins des frais extraordinaires pour ce temps.

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Non pas douze violons proprement dits, mais une symphonie de violons, violes (altos) et basse (violoncelle). La musique du Mariage forcé étant généralement écrite à cinq parties, l'exécution complète exigeait le quintette à cordes voyez, dans l'édition de M. Ludovic Celler (ci-après indiquée), la note B de la page 23. Une harmonie de hautbois et bassons, facile à retrancher (voyez à l'autre colonne, 3o ligne), pouvait, certains grands jours, renforcer le petit orchestre. C'est ainsi que deux dessus de hautbois et deux bassons faisaient partie de la bande des vingt et un petits violons du Roi; l'un des hautbois fut André Philidor, l'auteur de la collection dont nous allons parler; et l'un des bassons, son frère cadet, Jacques: voyez le travail de M. E. Thoinan, cité page 11, note 1.

b Un musicien (violon, flûte ou hautbois) pour jouer la partie principale de la longue ritournelle qui précède le Récit de la Beauté (voyez ci-après, p. 13) et sans doute faire valoir d'autres passages encore.

• Probablement les feux de Beauchamp, directeur de la musique et de la danse; des frais de copie pour la musique se seraient élevés plus haut. Ailleurs la Grange a encore porté une somme de 550 tt donnée à Beauchamp pour la mise en scène du ballet: voyez ci-après, p. 12, note 2, et p. 74, note 4. d Voyez la note a, ci-dessus.

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e Brécourt ne quitta la troupe de Molière, pour passer à l'Hôtel de Bourgogne, qu'à Pâques suivant (1664), et ne dut rien toucher pour le rôle de premier Docteur qu'il joua jusqu'au 11 mars, Peut-être est-il porté ici pour la fourniture des pierreries, » comme il le fut plus tard, en 1670, dans un compte de la cour relatif au Bourgeois gentilhomme: voyez ce compte, publié par M. Moland, p. 364 de son livre sur Molière et la comédie italienne. f Tailleur.

passa pas toujours sensiblement les frais. Il y a une représentation, celle du 7 mars, où la part qui revient à chaque acteur est de 2% 5$.

Le Mariage forcé fut remis à la scène quelques années plus tard, le 24 février 1668, sans « le ballet et ses ornements. >> Il eut alors quelques représentations; de même en 1672. En somme, c'est une des pièces de Molière qui, de son vivant, ont eu, à la ville, le succès le moins décidé et le moins franc.

En revanche, le Mariage forcé est plusieurs fois repris, à partir de 1676 presque chaque année, jusque vers la fin du règne de Louis XV. Donné très-rarement sous Louis XVI, il ne l'est plus du tout depuis la Révolution, jusqu'en 1835. Il a toujours été joué assez régulièrement depuis cette date.

Nous n'avons pas ici à nous perdre en conjectures sur la distribution de la pièce dans sa nouveauté. Avant d'être imprimée, cette comédie, comme toutes les comédies-ballets, avait été, dès sa première représentation à la cour, accompagnée d'un livret qui donnait le nom des acteurs, des chanteurs et des danseurs. On le trouvera à la suite de la pièce. On ne s'étonnera pas de n'y voir figurer pour aucun emploi la jeune femme de Molière : elle venait de lui donner un fils1. Plus tard, sans doute à la reprise de la comédie, en 1668, elle joua l'un des deux rôles d'Égyptienne (voyez la scène vi) 2.

Voici la distribution lors de la reprise en 1835 et la distribution actuelle :

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1. Le 19 janvier, dix jours avant la représentation à la cour. Le 28 février, ce fils « fut nommé au baptême Louis, par le duc de Créquy tenant pour le Roi, parrain, et par la maréchale du Plessis, pour Madame, marraine » (Bazin, p. 109).

2. C'est l'un des inventaires faits à la mort de Molière qui le constate, en mentionnant pour elle « un habit d'Égyptienne du Mariage forcé, satin de plusieurs couleurs, la mante et la jupe » : voyez les Recherches sur Molière, par M. E. Soulié, p. 280 et p. 90.

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Nous n'insisterons pas ici sur les imitations qui peuvent se rencontrer dans la pièce : il y en a de bien évidentes; ce sont celles que nous avons signalées dans les notes, et qui se rapportent à divers passages de Rabelais. Quant aux autres, nous n'y croyons guère. On a imaginé de dire que l'idée même du Mariage forcé avait été inspirée à Molière par une aventure, que peut-être il ne savait pas, arrivée, dit-on, au chevalier (plus tard comte) de Gramont en Angleterre, et qui aurait amené son mariage avec Mlle Hamilton. Après lui avoir fait la cour, le chevalier, ayant paru l'oublier, aurait été forcé par les frères de la jeune personne de tenir sa promesse. Outre que cette anecdote, due à un ana2, ne concorde nullement avec le récit d'Hamilton dans les Mémoires de Gramont, il faut être bien déterminé à chercher partout un sujet de rapprochement, pour en trouver un ici entre le bourgeois Sganarelle, grossier et maladroit, et le brillant et spirituel chevalier. Nous n'attachons pas plus d'importance à cette assertion singulière de Riccoboni, résolu, comme toujours, à voir chez Molière des imitations de l'italien : « Il y a dans le Mariage forcé une scène et des lazzis tirés de plusieurs comédies italiennes jouées.... à l'impromptu3. » C'est possible; mais encore eût-il fallu indiquer cette scène et ces lazzis; et, de plus, si ces pièces italiennes avaient été jouées à l'impromptu avant 1664, de qui Riccoboni savait-il qu'elles contenaient l'original de ces

1. Dans sa représentation de retraite, qui fut si brillante, le 10 avril 1872, M. Regnier joua le rôle de Pancrace, M. Got celui de Marphurius et M. Delaunay celui de Lycaste.

2. Les frères Parfaict, qui la citent (tome IX, p. 254 et 255, note), lui donnent pour origine le livre intitulé : ana ou Bigarrures calotines (en quatre recueils, 1732-1733), et renvoient au premier recueil, p. 18.

3. Observations sur la comédie et sur le génie de Molière (1736), p. 148.

imitations? il ne pouvait le savoir par lui-même, puisqu'il ne naquit qu'après la mort de Molière. Cailhava, qui sait tout, prétend bien1 que le sujet est pris à Arlequin faux brave, que le parent d'une fille séduite par lui force à l'épouser. Mais d'abord ceci ne ressemble guère à la situation du pauvre Sganarelle, qui n'a séduit personne, et qui ne se pique pas du tout de bravoure. De plus, cette situation était-elle si rare dans la réalité, pour que Molière ne pût la devoir qu'à l'imitation d'un canevas inconnu? Et enfin, ici comme toujours, il faudrait prouver que ce canevas est antérieur à la pièce de Molière, en supposant même que cela en valût la peine.

M. Paul Lacroix, dans sa Bibliographie moliéresque2, mentionne un Mariage forcé, comédie de Molière, mise en vers par M*** (Paris, veuve Dupont, in-12, 1676). Le savant bibliophile fait remarquer que le permis d'imprimer est de 1674. C'était la seconde fois qu'on s'avisait de traduire en vers ce que Molière avait écrit dans une prose jugée, à ce qu'il paraît, insuffisante. Le premier délit de ce genre avait été commis, en 1660, par Somaize, à l'égard des Précieuses ridicules.

La première édition du Mariage forcé est un in-12, dont voici le titre :

LE

MARIAGE
FORCÉ.

COMEDIE.

PAR I. B. P. DE MOLIERE.

A PARIS,

chez IEAN RIBOV, au Palais,
vis-à-vis la Porte de l'Eglise
de la Sainte Chapelle,
à l'Image S. Louis.

M. DC. LXVIII.

AVEC PRIVILEGE DU ROY.

Elle se compose de 2 feuillets non paginés et de 91 pages numérotées. L'achevé d'imprimer est du 9 mars. Par privi

1. Études sur Molière, p. 111-113.

2. 2o édition, no 516.

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