N'est pour vous faire ou requeste, ou demande : Je ne di pas, si voulez rien prester, Quand vostre los et renom cessera. (Épitre XXVIII.) RONSARD Pierre de Ronsard, né près de Vendôme en 1524, fut page du duc d'Orléans fils de François Ier, puis du prince écossais Jacques Stuart, rentra au service du duc d'Orléans et fut employé dans quelques missions diplomatiques. Il se voua ensuite tout entier aux lettres. Charles IX lui témoignait une grande affection. Ronsard mourut en 1585 dans un de ses prieurés, près de Tours. OEuvres de Ronsard, Paris, 1567, 4 vol. in-4°; 16091623, 2 vol. in-folio; 1629-1630, 5 vol. in-12. OEuvres choisies de Ronsard, Paris, 1840; OEuvres inédites, 1855, petit in-8. L'édition la plus complète est celle de M. Prosper Blanchemain, dans la Bibliothèque elzévirienne, 1857 et suiv., 9 vol. in-12 avec un atlas in-4°. M. Noël et M. Becq de Fouquières ont donné, le premier en 1862, 2 vol. in-18, le 1. Amasser. 2. D'abord.. 3. Un billet. 4. Votre gloire. second en 1873, 1 vol. in-18, des OEuvres choisies de Ronsard. A l'âge de dix-huit ans, Ronsard, forcé par une surdité précoce de renoncer à la cour, s'enferma, avec le jeune Baïf, son ami, avec Joachim du Bellay, avec Remi Belleau et Antoine Muret, dans un collège dont le savant Daurat venait d'être nommé principal. Une nouvelle ambition s'était emparée du jeune Ronsard : c'était de faire passer dans la langue vulgaire toute la majesté d'expression et de pensée qu'il admirait chez les anciens. Il communiqua à ses nouveaux condisciples son projet et son enthousiasme. Tous se mirent à l'œuvre avec un admirable courage, et Joachim du Bellay publia sous le titre de Défense et Illustration de la langue française le manifeste de la nouvelle école 1. Toute la réforme littéraire du xvIe siècle était dans la Défense et Illustration. Elle se résume en deux points essentiels ennoblir la langue par l'infusion des mots et des images empruntés aux langues antiques; ennoblir la poésie par l'introduction des genres usités chez les anciens. Du Bellay avait rédigé le programme, Ronsard fut le premier et le plus hardi à le remplir. D'abord il essaya de créer d'un seul jet une langue poétique. Pour cela il puisa sans ménagement aux sources grecques et latines. Une seule chose aurait pu consolider cette révolution grammaticale: une œuvre immortelle, qui, comme celle de Dante, eût fait vivre sa langue avec ses idées; Ronsard le comprit et s'efforça de l'accomplir. Il introduisit en France toutes les formes de la poésie antique, et au premier rang l'ode et l'épopée. Malheureusement il porta dans ses œuvres le même principe d'imitation que dans ses innovations linguistiques, et ce système se trouva encore plus faux ici. Ce n'est pas qu'il y ait chez Ronsard absence d'enthousiasme, il y a seulement solution de continuité entre la forme et la pensée, l'une n'est pas l'effet direct et immédiat de l'autre; si l'inspiration donne l'idée, la mémoire seule produit 1. Voir sur la Pléiade l'Histoire de la littérature française, page 324. l'expression. Le sentiment se glace par cette inquiète imitation des grands maîtres. Cependant il y avait quelque chose de si légitime dans la renaissance des idées antiques; il était si bien dans la destinée du XVIe siècle de renouer la chaîne de la tradition gréco-latine, que le nom de Ronsard devint l'objet d'une idolâtrie dont rien aujourd'hui ne peut nous donner l'idée. La gloire seule de Voltaire, cette longue et merveilleuse royauté du génie, put renouveler de pareils hommages. La réaction ne se fit pas attendre, comme on sait. L'arrêt de Boileau, qui consacre la déchéance de Ronsard, garda pendant près de deux siècles l'autorité de la chose jugée. Il fut de bon goût de mépriser Ronsard sans le connaître. On lui rend aujourd'hui plus de justice, et l'on convient qu'il a été trop loué et trop dénigré. Dans le genre grave et héroïque, les Odes, la Franciade, les Discours sur les misères du temps, présentent de loin en loin des trails d'une beauté durable. Mais c'est surtout dans la poésie légère que Ronsard possède un incontestable mérite. Ici, content d'être lui-même, il n'emprunte à l'antiquité que l'analogie de ses images. C'est comme un parfum lointain et d'autant plus doux, qui s'exhale au milieu des idées personnelles du poète. Il a toute la grâce de Marot, avec plus d'éclat et de gravité. A CASSANDRE Mignonne, allons voir si la rose, Las! voyez comme en peu d'espace, Las! las! ses beautés laissé cheoir! 1. La Franciade, qui a pour héros le fabuleux Francus, fils de Priam et fondateur supposé de l'empire français, est restée inachevée. Ronsard avait le projet de l'étendre en vingt-quatre chants; il s'est arrêté au quatrième. O vrayment marastre Nature, Donc, si vous me croyez, Mignonne, Fera ternir vostre beauté. (Odes, liv. I, xvII.) A HÉLÈNE Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant, Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Je seray sous la terre, et, fantosme sans os, 1. Parmi. (Sonnets pour Hélène, liv. II, sonnet XLII.) L'AMOUR MOUILLÉ Au sieur Robertet) Du malheur de recevoir Ménélas, ayant receu - 2. Naguère. Il estoit minuict, et l'Ourse « Je suis enfant, n'aye crainte, »> Lors je prins sa main humide, Cependant il me regarde D'un œil, de l'autre il prend garde Me tire une fleche amere Droict en l'œil : le coup de là 1. Le Bouvier, constellation voisine de la Grande Ourse. |