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Fait fi bien qu'à la fin fa compagne confent
De lui prêter fa hute, où la Lice s'enferme.
Au bout de quelque temps fa compagne revient.
La Lice lui demande encore une quinzaine.
Ses petits ne marchoient, disoit-elle, qu'à peine.
Pour faire court, elle l'obtient.

Ce fecond terme échu, l'autre lui redemande
Sa maison, fa chambre, fon lit.

La Lice cette fois montre les dents, & dit :
Je fuis prête à fortir avec toute ma bande
Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfans étoient déja forts.

Ce qu'on donne aux méchans, toujours on le

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regrette.

Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête,

Il faut que l'on en vienne aux coups,
Il faut plaider, il faut combattre.
Laiffez-leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.

FABLE VIIL/

L'Aigle & l'Efcarbot.

L'AIGLE donnoit la chaffe à maître Jean Lapin,

Qui droit à fon terrier s'enfuyoit au plus vite.

Tome I.

G

Le trou de l'Efcarbot fe rencontre en chemin. Je laiffe à penser fi ce gîte

Etoit sûr: mais ou mieux? Jean Lapin s'y blotit.
L'Aigle fondant sur lui, nonobstant cet asyle,
L'Efcarbot intercede, & dit :

Princeffe des Oiseaux, il vous eft fort facile
D'enlever, malgré moi, ce pauvre malheureux,
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie,
Et puifque Jean Lapin vous demande la vie,
Donnez la-lui, de grace, ou l'’ôtez à tous deux :
C'est mon voifin, c'eft mon compere.
L'Oiseau de Jupiter, fans répondre un feul mor,
Choque de l'aîle l'Escarbot,
L'étourdif, Poblige à fe taire,

Enleve Jean Lapin. L'Escarbot indigné

Vole au nid de l'Oiseau, fracaffe en son absence Ses œufs, fès tendres œufs, fa plus douce efpé

rance:

Pas un feul ne fut épargné.

L'Aigle étant de retour, & voyant ce ménage,
Remplit le Ciel de cris ; &, pour comble de rage,
Ne fart fur qui vénger le tort qu'elle a fouffert.
Elle gémit en vain, fa plainte au vent fe perd.
Il fallut pour cet an vivre en mere affligée.
L'an fuivant, elle mit fon nid en lieu plus haut.
L'Escarbot prend fon temps, fait faire aux œufs
le faut,

La mort de Jean Lapin de rechef eft vengée, ‹
Ce fecond deuil fut tel que l'écho de ces bois

N'en dormit de plus de fix mois.
L'Oiseau qui porte Ganimede,

Du Monarque des Dieux enfin implore l'aide,
Dépofe en fon giron ses œufs,& croit qu'en paix
Ils feront dans ce lieu, que pour les intérêts
Jupiter fe verra contraint de les défendre:
Hardi qui les iroit là prendre.
Auli ne les y prit-on pas..

Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du Dieu fit tomber une crotte :
Le Dieu la fecouant jetta les œufs à bas.
Quand l'Aigle fut l'inadvertence,
Elle menaça Jupirer

D'abandonner fa Cour, d'aller vivre au défert :
De quitter toute dépendance,

Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter fe tut.

Devant fon Tribunal l'Efcarbot comparut,
Fit fa plainte, & conta l'affaire.

On fit entendre à l'Aigle enfin qu'elle avoit tort
Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le Monarque des Dieux s'arifa, pour bien faire,
De transporter le temps où l'Aigle fait l'amour,
En une autre faison, quand la race Escarbote,
Eft en quartier d'hiver, & comme la marmote,
Se cache & ne voit point le jour.

FABLE IX./

Le Lion & le Moucheron.

VA.T-EN,

terre.

chétif infecte, excrément de la

C'est en ces mots que le Lion
Parloit un jour au Moucheron.
L'autre lui déclara la guerre.

Penfes tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
Me faffe peur, ni me soucie?
Un Boeuf et plus puiffant que toi,
Je le mene à ma fantaisie.

A peine il achevoit ces mots,
Que lui-même il fonna la charge,
Fut le Trompette & le Héros.
Dans l'abord il fe met au large,
Puis, prend fon temps, fond fur le cou
Du Lion qu'il rend prefque fou.

Le quadrupede écume, & fon œil étincelle:
Il rugit on fe cache, on tremble à l'environ;
Et cette alarme univerfelle

Eft l'ouvrage d'un Moucheron,

Un avorton de Mouche en cent lieux le hareelle, Tantôt pique l'échine, & tantôt le museau, Tantôt entre au fond du nazeau.

La rage alors fe trouve à fon faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, & rit de voir
Qu'il n'eft griffe ni dent en la bête irritée,
Qui de la mettre en fang ne faffe fon devoir.
Le malheureux Lion fe déchire lui-même,
Fait raisonner fa queue à l'entour de fes flancs,
Bat l'air qui n'en peut mais; & fa fureur extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà fur les dents.
L'Infecte, du combat fe retire avec gloire:
Comme il fonna la charge, il sonna la victoire,
Va par tout l'annoncer, & rencontre en chemin
L'embuscade d'une Araignée :

Il y rencontre auffi fa fin.

Quelle chose par-là nous peut être enseignée ? J'en vois deux, dont l'une eft qu'entre nos ennemis

Les plus à craindre font fouvent les plus petits': L'autre, qu'aux grands périls tel a pu fe fouftraire,

Qui périt pour la moindre affaire,

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