Malherbe le difoit j'y foufcris quant à moi : La louange chatouille & gagne les efprits. Simonide avoit entrepris L'éloge d'un Athlete ; &, la chose essayée, gens inconnus, Son pere un bon Bourgeois,lui fans autre mérite, Matiere infertile & petite. Le Poëte d'abord, parla de fon Héros. Faifoit les deux tiers de l'ouvrage. L'Athlete avoit promis d'en payer un talent; Mais quand il le vit, le galant N'en donna que le tiers ; & dit fort franchement Je vous veux traiter cependant: Venez fouper chez moi : nous ferons bonne vie Les conviés font gens choifis, Mes parens, mes meilleurs amis. Soyez donc de la compagnie. Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur De perdre, outre fon dû, le gré de sa louange. Il vient, l'on feftine, l'on mange. Chacun étant en belle humeur, Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte Deux hommes demandoient à le voir promptement, Il fort de table, & la cohorte N'en perd pas un feul coup de dent. Ces deux hommes étoient les gémeaux de l'éloge. Tous deux lui rendent grace; & pour prix de fes vers, Ils l'avertiffent qu'il déloge, Et que cette maison va tomber à l'envers. Un pilier manque, & le plat-fonds Ce ne fut pas le pis: car pour rendre complette Une poutre caffa les jambes à l'Athlete, Pour la plupart eftropiés. La Renommée eut foin de publier l'affaire. Que méritoient les vers d'un homme aimé des Dieux. Il n'étoit fils de bonne mere, Qui, les payant à qui mieux mieux, Je reviens à mon texte ; & dis premiérement, Qu'on ne fauroit manquer de louer largement Les Dieux & leurs pareils: de plus, que Melpo mene Souvent, fans déroger, trafique de fa peine : Enfin, qu'on doit tenir notre art en quelque piix. Les Grands fe font honneur dès-lors qu'ils nous font grace. Jadis l'Olympe & le Parnaffe FABLE X V. La Mort & le Malheureux. La Mort à fon fecours. O Mort, lui difoit-il, que tu me fembles belle ! Viens vite, viens finir ma fortune cruelle. La Mort crut, en venant, l'obliger en effet. Mécénas fut un galant homme : Il a dit quelque part : Qu'on me rende impotent, Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en fomme Je vive, c'eft affez, je fuis plus que content. Ne viens jamais,ô Mort,on t'en dit tout autant. Ce fujet a été traité d'une autre façon par Efope, comme la Fable fuivante le fera voir. Je compofai celle-ci pour une raison qui me contraignoit de rendre la chose ainfi générale. Mais quelqu'un me fit connoître que j'eusse beaucoup mieux fait de fuivre mon original, & que je laiffois paffer un des plus beaux traits qui fût dans Efope. Cela m'obligea d'y avoir recours. Nous ne faurions aller plus avant que les Aneiens ils ne nous ont laiffé pour notre part que la gloire de les bien fuivre. Je joins toutefois ma Fable à celle d'Efope, non que la mienne le mérite, mais à cause du mot de Mécénas que j'y fais entrer, & qui eft fi beau & fi à propos, que je n'ai pas cru le devoir omettre. FABLE XVI. La Mort & le Bûcheron. UN pauvre Bücheron tout couvert de ramée, Sous le faix du fagot auffi-bien que des ans, Lui font d'un malheureux la peinture achevée. A recharger ce bois, tu ne tarderas guere, Le trépas vient tout guérir, Mais ne bougeons d'où nous fommes. C'eft la devife des hommes. |