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C'étoit ceci, c'étoit cela,

C'étoit tout, car les précieuses

Font deffus tout les dedaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent fe mettre fur les rangs.

Elle de fe moquer. Ah vraiment je fuis bonne
De leur ouvrir la porte: ils pensent que je luis
Fort en peine de ma perfonne.

Grace à Dieu, je paffe les nuits
Sans chagrin, quoiqu'en folitude.

La Belle fe fut gré de tous ces fentimens.
L'âge la fit déchoir : adieu tous les Amans.
Un an fe paffe & deux avec inquiétude.

Le chagrin vient enfuite: elle fent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis
l'Amour;

Puis fes traits choquer & déplaire :

Puis cent fortes de fards. Ses foins ne purent faire
Qu'elle échappât au Temps, cet infigne larron,
Les ruines d'une maifon

Se peuvent réparer : que n'eft cet avantage
Pour les ruines du vifage!

Sa préciofité changea lors de langage.
Son miroir lui difoit, prenez vîte un mari :
Je ne fais quel defir le lui difoit aufli :

Le Defir peut loger chez une précieuse:
Celle-ci fit un choix qu'on n'auroit jamais cru,
Se trouvant à la fin toute aife & toute heureufe
De rencontrer un malôtru.

IL

FABLE V I.

Les Souhaits.

eft au Mogol des folets

Qui font office de valets,

Tiennent la maison propre, ont foin de l'équi

page,

Et quelquefois du jardinage.

Si vous touchez à leur ouvrage,

Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois,

Cultivoit le jardin d'un affez bon Bourgeois.
Il travailloit fans bruit, avec beaucoup d'adreffe,
Aimoit le Maître & la Maîtreffe,

Et le jardin fur-tout. Dieu fait fi les Zéphirs Peuple ami du Démon, l'affiftoient dans fa tâche.

.

Le Folet, de fa part, travaillant fans relâche, Combloit fes hôtes de plaifirs.

Pour plus de marques de son zele, Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté, Nonobftant la légereté

A fes pareils fi naturelle :

Mais fes confreres les Esprits

Firent tant, que le chef de cette République,

Par caprice ou par politique,

Le changea bientôt de logis.

Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvege Prendre le foin d'une maison

En tout temps couverte de neige :

Et d'Indou qu'il étoit, on vous le fait Lapon. Avant que de partir, l'esprit dit à les hôtes: On m'oblige de vous quitter,

Je ne fais pas pour quelles fautes; Mais enfin il le faut, je ne puis arrêter Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une femaine.

Employez-là: formez trois fouhaits, car je puis Rendre trois fouhaits accomplis:

Trois fans plus. Souhaiter, ce n'est pas une peine Etrange & nouvelle aux humains.

Ceux-ci, pour premier vou, demandent l'abon

dance:

Et l'abondance, à pleines mains,

Verse en leurs coffres la finance,

En leurs greniers le bled; dans leurs caves les vins;

Tout en creve. Comment ranger cette chevance! Quels registres, quels foins, quels temps il leur

fallut !

Tous deux font empêchés fi jamais on le fut. Les voleurs contre eux comploterent,

Les grand Seigneurs leur emprunterent, Le Prince les taxa. Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune.

Otez-nous de ces biens l'affluence importune,
Dirent-ils l'un & l'autre : heureux les indigens !
La pauvreté vaut mieux qu'une telle richeffe.
Retirez-vous, trésors: fuyez ; & toi, Déeffe,
Mere du bon efprit, compagne du repos,
O Médiocrité, reviens vîte. A ces mots
La Médiocrité revient, on lui fait place;
Avec elle ils rentrent en grace.

Au bout de deux fouhaits, étant auffi chanceux
Qu'ils étoient, & que font tous ceux

Qui souhaitent toujours, & perdent en chimeres Le temps qu'ils feroient mieux de mettre à leurs affaires.

Le Folet en rit avec eux.

Pour profiter de fa largeffe,

Quand il voulut partir, & qu'il fut sur le point,
Ils demanderent la fageffe:
C'est un tréfor qui n'embarrasse point.

FABLE VII.

La Cour du Lion.

SA Majefté Lionne un jour voulut connoître

De quelles nations le Ciel l'avoit fait maître. Il manda donc par députés

Ses vaffaux de toute nature,

Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture,

Avec fon fceau. L'Ecrit portoit
Qu'un mois durant le Roi tiendroit
Cour pléniere, dont l'ouverture
Devoit être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.

Par ce trait de magnificence

Le Prince à fes fujets étaloit fa puiffance.
En fon Louvre il les invita.

Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l'odeur se

porta

D'abord au nez des gens. L'Ours boucha fa

narine :

Il fe fut bien paffé de faire cette mine.
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L'envoya chez Pluton faire

Le dégoûté.

Le Singe approuva fort cette sévérité ;
Et flatteur exceffif, il loua la colére,
Et la griffe du Prince, & l'antre, & cette odeur:
Il n'étoit ambre, il n'étoit fleur,

Qui ne fût ail au prix. Sa fotte flatterie
Eut un mauvais fuccès, & fut encor punie.
Ce Monfeigneur du Lion-là,

Fut parent de Caligula.

Le Renard étant proche : Or ça, lui dit le Sire, Que fens-tu? dis-le-moi, parle fans déguiser. L'autre auffi-tôt de s'excufer,

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