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Laffé d'entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne

Chez les parens. La voilà donc compagne De certaines Philis qui gardent les Dindons > Avec les gardeurs de Cochons.

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Au bout de quelque temps qu'on la crut adoucie
Le mari la reprend. Eh bien, qu'avez-vous fait ?
Comment paffiez-vous votre vie ?
L'innocence des champs eft-elle votre fait ?
Affez, dit-elle mais ma peine
Etoit de voir les gens plus pareffeux qu'ici.
Ils n'ont des Troupeaux nul fouci.
Je leur favois bien dire, & m'attirois la haine
De tous ces gens fi peu foigneux.

Eh, Madame, reprit fon époux, tout à l'heure,
Si votre esprit eft fi hargneux,

Que le monde qui ne demeure

Qu'un moment avec vous, & ne revient qu'au

foir,

Eft déja laffé de vous voir,

Que feront des valets qui, toute la journée,
Vous verront contre eux déchaînée ?

Et que pourra faire un époux

Que vous voulez qui foit jour & nuit avec vous ?
Retournez au village: adieu. Si de ma vie
Je vous rappelle, & qu'il m'en prenne envie :
Puiffé-je chez les morts avoir, pour mes péchés,
Deux femmes comme vous fans ceffe à mes
côtés,

FABLE III.

Le Rat qui s'eft retiré du monde.
LES Levantins en leur Légende,

Difent qu'un certain Rat, loin des foins d'ici

bas,

Dans un fromage de Hollande

Se retira loin du tracas.

La folitude étoit profonde,
S'étend ant par-tout à la ronde.

Notre Hermite nouveau fubfiftoit là-dedans..
Il fit tant des pieds & des dents,

Qu'en peu de jours il eut au fond de l'hermitage
Le vivre & le couvert : que faut-il davantage?
Il devint gros & gras: Dieu prodigue fes biens
A ceux qui font vou d'être fiens.

Un jour, au dévot perfonnage,
Les députés du peuple Rat

S'en vinrent demander quelque aumône légere:
Ils alloient en terre étrangere

Chercher quelque fecours contre le peuple Chat,
Ratopolis étoit bloquée :

On les avoit contraints de partir fans argent,
Attendu l'état indigent

De la République attaquée.

Ils demandoient fort peu, certains que le fecours

Seroit prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,

Les chofes d'ici-bas ne me regardent plus:
En quoi peut un pauvre Reclus

Vous fatisfaire? Que peut-il faire?
Que de prier le Ciel qu'il vous aide en cecia
J'efpere qu'il aura de vous quelque fouci.
Ayant parlé de cette forte,
Le nouveau Saint ferma fa porte.

Qui défignai-je, à votre avis,
Par ce Rat fi peu fecourable?

Un Moine? Non, mais un Dervis.
Je fuppofe qu'un Moine est toujours charitable.

UN

FABLE IV. /

Le Héron.

N jour fur fes longs pieds alloit je ne fais où Le Héron au long bec emmanché d'un long cou. Il côtoyoit une riviere.

L'onde étant transparante ainsi qu'aux plus beaux jours:

Ma commere la Carpe y faifoit mille tours
Avec le Brochet fon compere.

Le Héron en eût fait aisément son profit:

Tous

Tous approchoient du bord, l'oifeau n'avoit

qu'à prendre :

Mais il crut mieux faire d'attendre

Qu'il eût un peu plus d'appétit.

Il vivoit de régime, & mangeoit à fes heures. Après quelques momens l'appétit vint : l'oiseau S'approchant du bord, vit fur l'eau

Des Tanches qui fortoient du fond de ces de

meures.

Le mets ne lui plut pas, il s'attendoit à mieux, Et montroit un goût dédaigneux

Comme le Rat du bon Horace.

Moi des Tanches? dit-il, moi Héron que je faffe Une fi pauvre chere? Et pour qui me prend-on ? La Tanche rebutée, il trouva du Goujou.

Du Goujon! C'est bien-là le dîner d'un Héron ! J'ouvrirois pour fi peu le bec! Aux Dieux ne

plaife.

Il l'ouvrit pour bien moins: tout alla de façon Qu'il ne vit plus aucun poiffon.

La faim le prit: il fut tout heureux & tout aife De rencontrer un Limaçon.

Ne foyez pas fi difficiles :

Les plus accommodans, ce font les plus habiles. On hafarde de perdre en voulant trop gagner, Gardez-vous de rien dédaigner,

Surtout quand vous avez à peu près votre

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Bien des gens y font pris ce n'eft pas aux

Hérons

Que je parle, écoutez, Humains, un autre conte; Vous verrez que chez vous j'ai puifé ces leçons.

FABLE V.

La Fille.

CERTAINE fille un peu trop fiere,

Prétendoit trouver un mari

Jeune, bien fait, & beau, d'agréable maniere, Point froid & point jaloux : notez ces deux points-ci.

Cette fille vouloit auffi

Qu'il eût du bien, de la naissance

De l'efprit, enfin tout : mais qui peut tout avoir?
Le Destin se montra foigneux de la pourvoir;
Il vint des partis d'importance,

La Belle les trouva trop chétifs de moitié.
Quoi moi ? Quoi ces gens-là ? L'on radote, je
pense.

A moi les proposer? Hélas, ils font pitié.
Voyez un peu la belle efpece !

L'un n'avoit en l'efprit nulle délicatesse,
L'autre avoit le nez fait de cette façon-là ;

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