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EPILOGUE.

BORNONS ici cette carriere.

Les longs ouvrages me font peur. Loin d'épuifer une matiere, On n'en doit prendre que la fleur. Il s'en va temps que je reprenne Un peu de forces & d'haleine, Pour fournir à d'autres projets. Amour, ce tyran de ma vie, Veut que je change de fujets: Il faut contenter fon envie. Retournons à Psyché : Damon, vous m'exhortez A peindre fes malheurs & fes félicités. J'y confens peut être ma veine

En fa faveur s'échauffera.

Heureux! fi ce travail eft la derniere peine
Que fon Epoux me caufera.

Fin du Sixieme Livre,

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Les Animaux malades de la pefte.

UN mal qui répand la terreur,

Mal que le Ciel en fa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Pefte (puifqu'il faut l'appeller par fon nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,

Faifoit aux Animaux la guerre.

Ils ne mouroient pas tous, mais tous étoient frappés,

On n'en voyoit point d'occupés

A chercher le foutien d'une mourante vie :
Nul mets n'excitoit leur envie.
Ni Loups, ni Renards n'épioient
La douce & l'innocence proie.
Les Tourterelles fe fuyoient :

Plus d'amour, partant plus de joie.

Le Lion tint confeil, & dit: Mes chers amis,

Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune :
Que le plus coupable de nous

Se facrifie aux traits du célefte courroux :
Peut-être il obtiendra la guérifon commune.
L'Hiftoire nous apprend qu'en de tels accidens
On fait de pareils dévoûmens.

Ne nous flattons donc point, voyons fans indulgence

L'état de notre confcience.

Pour moi, fatisfaifant mes appétits gloutons, J'ai dévoré force Moutons.

Que m'avoient-ils fait ? Nulle offense:
Même il m'eft arrivé quelquefois de manger
Le Berger.

Je me dévourai donc, s'il le faut : mais je pense
Qu'il eft bon que chacun s'accuse ainsi que moi
Car on doit fouhaiter, felon toute justice,
Que le plus coupable périffe.

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Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi:
Vos fcrupules font voir trop de délicateffe ;
Et bien, manger Moutons, canaille, fotte efpece,
Eft-ce un péché? Non, non : vous leur fîtes,
Seigneur,

En les croquant beaucoup d'honneur.

Et quant au Berger, l'on peut dire
Qu'il étoit digne de tous maux,

Itant de ces gens-là qui, fur les Animaux,
Se font un chimérique empire.

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Ainfi dit le Renard, & flatteurs d'applaudir. On n'ofa trop approfondir

Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres Puiffances Les moins pardonnables offenses.

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux fimples

Mâtins,

Au dire de chacun, étoient de petits Saints. L'Ane vint à son tour, & dit : J'ai souvenance Qu'en un pré de Moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, & je pense, Quelque diable auffi me pouffant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avois nul droit, puifqu'il faut parler net. A ces mots on cria haro fur le Baudet.

Un Loup quelque peu Clerc, prouva par sa harangue,

Qu'il falloit dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout le mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui! Quel crime abominable, Rien que la mort n'étoit capable

D'expier fon forfait on le lui fit bien voir. Selon que vous ferez puissant ou miférable,

Les Jugemens de Cour vous rendront blanc ou noir.

Q

FABLE II.

Le mal Marié.

UE le bon foit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme :

Mais comme le divorce entr'eux n'eft pas nou

veau >

Et que peu de beaux corps, hôtes d'une belle ame, Affemblent l'un & l'autre point,

Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. J'ai vu beaucoup d'hymens, aucun d'eux ne me

tentent :

Cependant, des humains prefque les quatre parts
S'exposent hardiment au plus grand des hafards:
Les quatre parts auffi des humains fe repentent.
J'en vais alléguer un, qui s'étant repenti,
Ne put trouver d'autre parti,

Que de renvoyer fon époufe,
Querelleufe, avare & jaloufe.

Rien ne la contentoit, rien n'étoit comme il faut,
On fe levoit trop tard, on fe couchoit trop tôt ?
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre
chose.

Les valets enrageoient, l'époux étoit à bout: Monfieur ne fonge à rien, Monfieur dépense

tout,

Monfieur court, Monfieur se repose.
Elle en dit tant, que Monfieur à la fin,

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