FABLE III. Phoebus & Borée. Borée & le Soleil virent un Voyageur, Qui s'étoit muni par bonheur Contre le mauvais temps. On entroit dans l'Automne, Quand la précaution aux Voyageurs eft bonne : Il pleut, le Soleil luit; & l'écharpe d'Iris Rend ceux qui fortent avertis Qu'en ces mois le manteau leur eft fort néceffaire: Les Latins les nommoient douteux pour cette affaire. Notre homme s'étoit donc à la pluie attendu. Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte. Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu Qu'il n'eft bouton qui tienne : il faudra, fi je veux, Que le manteau s'en aille au diable. L'ébattement pourroit nous en être agréable: Vous plaît-il de l'avoir ? Et bien, gageons nous deux (Dit Phœbus) fans tant de paroles, A qui plutôt aura dégarni les épaules Du Cavalier que nous voyons. Commencez je vous laiffe obfcurcir mes rayons. bateau : Le tout au fujet d'un manteau. Le Cavalier eut foin d'empêcher que l'orage Cela le préferva: le Vent perdit fon temps: Si-tôt qu'il fut au bout du terme Plus fait douceur que violence. FABLE IV. Jupiter & le Métayer. JUPITER UPITER eut jadis une Ferme à donner. Mercure en fit l'annonce; & gens fe préfenterent, Firent des offres, écouterent: Ce ne fut pas fans bien tourner. L'un alléguoit que l'héritage Un d'eux le plus hardi, mais non pas le plus fage, Le laifsât difpofer de l'air, Lui donnât saison à fa guise, Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bife, Enfin du fec & du mouillé, Auffi-tôt qu'il auroit bâillé. Jupiter y confent. Contrat paffé: notre homme Tranche du Roi des airs, pleut, vente ; & fait en somme Un climat pour lui feul: fes plus proches voisins Ne s'en fentoient non plus que les Américains. Ce fut lour avantage, ils eurent bonne année, Pleine moisson, pleine vinée. Monfieur le Receveur fut très-mal partagé. Il ajuste d'une autre forte La température des Cieux. Son champ ne s'en trouve pas mieux. Celui de fes voisins fructifie & rapporte. Que fait-il? Il recourt au Monarque des Dieux : Il confeffe fon imprudence. Jupiter en ufa comme un maître fort doux. Concluons que la Providence Sait ce qu'il nous faut mieux que nous. FABLE V. Le Cochet, le Chat & le Souriceau. UN Souriceau tout jeune, & qui n'avoit rien vu, Fut prefque pris au dépourvu. Voici comme il conta l'aventure à fa mere. J'avois franchi les monts qui bornent cet Etat, Et trotois comme un jeune Rat Qui cherche à se donner carriere, Lorfque deux animaux m'ont arêté les yeux: L'un doux, bénin & gracieux; Et l'autre turbulent & plein d'inquiétude. Sur la tête un morceau de chair, La queue en panache étalée. Or c'étoit un Cochet dont notre Souriceau Comme d'un animal venu de l'Amérique. Que moi, qui grace aux Dieux, de courage me pique, En ai pris la fuite de peur, Le maudiffant de très-bon cœur. Avec cet animal qui m'a femblé fi doux. Marqueté, longue queue, une humble conte nance. Un modefte regard, & pourtant l'œil luisant. Je l'allois aborder, quand d'un fon plein d'éclat Mon fils, dit la Souris, ce doucet eft un Chat, Qui, fous fon minois hypocrite, Contre toute ta parenté |