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L'un de nos deux Marchands de fon arbre def

cend :

Court à fon compagnon, lui dit que c'eft mer.

veille,

Qu'il n'ait eu feulement que la peur pour tout mal.

Eh bien, ajouta-t-il, la peau de l'animal?
Mais que t'a-t-il dit à l'oreille?
Car il t'approchoit de bien près,
Te retournant avec fa ferre?
Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par

terre.

FABLE XXI.

L'Ane vêtu de la peau du Lion. DE la peau du Lion l’Ane s'étant vêtu,

Etoit craint par tout à la ronde; Et bien qu'animal fans vertu, Il faifoit trembler tout le monde, Un petit bout d'oreille échappé par malheur, Découvrit la fourbe & l'erreur.

Martin fit alors fon office.

Ceux qui ne favoient pas la rufe & la malice,

S'étonnoient de voir que Martin
Chaffât les Lions au Moulin,

Force gens font du bruit en France, Par qui cet Apologue eft rendu familier. Un équipage cavalier

Fait les trois quarts de leur vaillance.

Fin du Cinquieme Livre.

LIVRE VI.

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Le Pâtre & le Lion.

LES Fables ne font pas ce qu'elles femblent être:

Le plus fimple animal nous y tient lieu de Maître. Une morale nue apporte de l'ennui :

Le Conte fait paffer le Précepte avec lui.

En ces fortes de feintes, il faut inftruire & plaire; Et conter pour conter me femble peu d'affaire. C'est par cette raifon qu'égayant leur esprit, Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit. Tous ont fui l'ornement & le trop d'étendue. On ne voit point chez eux de parole perdue. Phédre étoit fi fuccinct qu'aucuns l'en ont blâme. Efope en moins de mots s'eft encore exprimé. Mais fur tous certain Grec renchérit & se pique D'une élégance laconique.

Il renferme toujours fon Conte en quatre Vers: Bien ou mal je le laiffe à juger aux Experts. Voyons-le avec Efope en un fujet femblable. Tome I.

R

L'un amene un Chaffeur, l'autre un Pâtre en fa
Fable.

J'ai fuivi leur projet quant à l'événement,
Y coufant en chemin quelque trait feulement.
Voici comme, à peu près, Efope le raconte.

Un Pâtreà fes Brebis trouvant quelque mécompte
Voulut à toute force attraper le Larron.

Il s'en va près d'un antre; & tend à l'environ Des lacs à prendre Loups, foupçonnant cette engeance.

Avant que partir de ces lieux,

Si tu fais, difoit-il, ô Monarque des Dieux,
Que le drôle à ces lacs fe prenne en ma présence,
Et que je goûte ce plaifir,

Parmi vingt Veaux je veux choiffr

Le plus gras, & t'en faire offrande.

A ces mots fort de l'antre un Lion grand & fort. Le Pâtre fe tapit & dit à demi-mort:

Que l'homme ne fait guere, helas! ce qu'il demande !

Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau,
Et le voir dans ces lacs pris avant que je parte,
O Monarque des Dieux, je t'ai promis un Veau ;
Je te promets un Bœuf fi tu faits qu'il s'écartę.

C'est ainsi que l'a dit le principal Auteur :
Paffons à fon imitatenr.

FABLE IL

Le Lion & le Chasseur.

UN Fanfaron, amateur de la chaffe,

Venant de perdre un Chien de bonne race
Qu'il foupçonnoit dans le corps d'un Lion,
Vit un Berger. Enseigne-moi, de grace,
De mon Voleur, lui dit-il, la maison,
Que de ce pas je me faffe raison.

Le Berger dit : C'eft vers cette montagne.
En lui payant de tribut un Mouton
Par chaque mois, j'erre dans la campagne
Comme il me plaît, & je fuis en repos.
Dans le moment qu'ils tenoient ce propos,
Le Lion fort, & vient d'un pas agile.
Le Fanfaron auffi tôt d'efquiver.
O Jupiter, montre-moi quelque asyle,
S'écria-t-il, qui me puiffe fauver.

La vraie épreuve de courage

N'eft que dans le danger que l'on touche du doigt: Tel le cherchoit, dit-il, qui, changeant de lan

gage,

S'enfuit auffi-tôt qu'il le voit.

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