FABLE VIII L'Homme & l'Idole de bois. CERTAIN Payen chez lui gardoit un Dieu de bois, De ces Dieux qui font fourds, bien qu'ayant des oreilles Le Payen cependant s'en promettoit merveilles. Il lui coûroit autant que trois. Ce n'étoit que vœux & qu'offrandes, Sacrifices de Boeufs couronnés de guirlandes. Jamais Idole, quel qu'il fut, N'avoit eu cuifine fi graffe, Sans que pour tout ce culte à fon hôte il échut Succeffion, tréfor, gain au jeu, nulle grace. Bien plus, fi pour un fol d'orage en quelque endroit S'amaffoit d'une ou d'autre forte, L'homme en avoit fa part, & fa bourfe en fouffroit. La pitance du Dieu n'en étoit pas moins forte. Va, fors de mon logis, cherche d'autres autels. Tu reffembles aux naturels Malheureux, groffiers & ftupides: On n'en peut rien tirer qu'avecque le bâton. Plus je te rempliffois, plus mes mains étoient vuides: J'ai bien fait de changer de ton. Le Geai paré des plumes du Paon. UN Paon muoit : un Geai prit fon plumage : Puis après fe l'accommoda; Puis parmi d'autres Paons tout fier fe panada, Et par Meffieurs les Paons, plumé d'étrange forte: Même vers les pareils s'étant réfugié, Il fut par eux mis à la porte. Il eft affez de Geais à deux pieds comme lui, Qui fe parent fouvent des dépouilles d'autrui, Et que l'on nomme Plagiaires. Je m'en tais; & ne veux leur caufer nul ennui : Ce ne font pas-là mes affaires. Le Chameau & les Bâtons flottans. LE premier qui vit un Chameau, S'enfuit à cet objet nouveau. Le fecond s'approcha: le troifieme ofa faire Un licou pour le Dromadaire. L'accoutumance ainfi nous rend tout familier. Ce qui nous paroiffoit terrible & fingulier, S'apprivoife avec notre vue, Quand ce vient à la continue. Et, puifque nous voici tombés sur ce sujet, Enfin bâtons flottant fur l'onde. J'en fais beaucoup de par le monde, De loin c'eft quelque chofe, & de près ce n'eft rien: EL, FABLE X I. / La Grenouille & le Rat. comme dit Merlin cuide engeigner autrui, Qui fouvent s'engeigne foi-même. J'ai regret que ce mot foit trop vieux aujour d'hui : Il m'a toujours femblé d'une énergie extrême. Mais afin d'en venir au deffein que j'ai pris : Un Rat plein d'embonpoint, gras & des mieux nourris, Et qui ne connoiffoit l'Avent ni le Carême, Sur le bord d'un marais égayoit fes etprits. Une Grenouille approche, & lui dit en fa langue: Venez me voir chez moi, je vous ferai feftin. Merfire Rat promit foudain : Il n'étoit pas besoin de plus longue harangue. Cent raretés à voir le long du marécage: Aquatique. Un Un point fans plus tenoit le galant empêché. Un brin de jonc en fit l'affaire. Dans le marais entrés, notre bonne commere. Voit d'enhaut le pauvret fe débattant fur l'onde. Que de cette double proie L'oifeau fe donne au cœur joie, Ayant, de cette façon, A fouper chair & poiffon. La rufe la mieux ourdie Tome I. N |