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Avec Monfieur, avec Madame;
Et j'aurai des coups de bâton?
Que fait-il? Il donne la patte?

Puis auffi-tôt il eft baifé:

S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte, Cela n'est pas bien mal-aifé.

Dans cette admirable penfée,

Voyant fon Maître en joie, il s'en vient lourdement >

Leve une corne toute ufée,

La lui porte au menton fort amoureusement, Non fans accompagner, pour plus grand orne

ment,

De fon chant gracieux cette action hardie.
Oh! oh! quelle careffe, & quelle mélodie!
Dit le Maître auffi-tôt. Hola, Martin- bâton.
Martin-bâton accourt, l'Ane changea de ton.
Ainfi finit la comédie.

FABLE VI

Le combat des Rats & des Belettes.
LA nation des Belettes,

Non plus que celle des Chats,
Ne veut aucun bien aux Rats:

Et fans les portes étroites
De leurs habitations,
L'animal à longue échine
En feroit, je m'imagine,
De grandes deftructions.
Or une certaine année
Qu'il en étoit à foifon,
Leur Roi, nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les Belettes, de leur part,
Déployerent Pétendart.

Si l'on croit la Renommée,
La victoire balança.
Plus d'un guéret s'engraiffa
Du fang de plus d'une bande.
Mais la perte la plus grande
Tomba prefque en tous endroits
Sur le peuple Souriquois.

Sa déroute fut entiere:

Quoi que pût faire Artarpax,
Pficarpax, Méridarpax,

Qui, tout couverts de pouffiere,
Soutinrent affez long-temps
Les efforts des combattans.
Leur résistance fut vaine,
Il fallut céder au fort,
Chacun s'enfuit au plus fort,
Tant Soldat, que Capitaine.
Les Princes périrent tous.

La racaille dans des trous
Trouvant fa retraite prête,
Se fauva fans grand travail.
Mais les Seigneurs fur leur tête
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les Belettes

En conçuffent plus de peur,
Cela caufa leur malheur..
Trou, ni fente, ni crevaffe,
Ne fut large affez pour eux :
Au lieu que la populace

Entroit dans les moindres creux.

La principale jonchée

Fut donc des principaux Rats.

Une tête empanachée

N'eft pas petit embarras.
Le trop fuperbe équipage
Peut fouvent en un paffage
Caufer du retardement.
Les petits en toute affaire
Efquivent fort aisément :

Les grands ne le peuvent faire.

FABLE VII.

Le Singe & le Dauphin.

C'ETOIT

chez les Grecs un usage

Que fur la mer tous voyageurs
Menoient avec eux en voyage
Singes & chiens de bâteleurs.
Un navire en cet équipage
Non loin d'Athenes fit naufrage.
Sans les Dauphins, tout eût péri.
Cet animal eft fort ami

De notre espece: En fon hiftoire
Pline le dit, il le faut croire.
Il fauva donc tout ce qu'il put.
Même un Singe en cette occurrence,
Profitant de la reffemblance,

Lui penfa devoir fon falut.

Un Dauphin le prit pour un homme.
Et fur fon dos le fit affeoir

Si gravement qu'on eût cru voir
Ce chanteur que tant on renome.
Le Dauphin l'alloit mettre à bord,
Quand, par hafard il lui demande :
Etes vous d'Athenes la grande ?
Oui, dit l'autre, on m'y connoît fort:

S'il vous y furvient quelque affaire,
Employez-moi, car mes parens
Y tiennent tous les premiers rangs :
Un mien coufin eft Juge Maire.
Le Dauphin dit : bien grand-merci ;
Et le Pirée a part auffi

A l'honneur de votre préfence!
Vous le voyez fouvent, je pense?
Tous les jours: il eft mon ami,
C'est une vieille connoiffance.
Notre Magot prit pour ce coup

Le nom d'un port pour un nom d'homme.

De telles gens il est beaucoup,
Qui prendroient Vaugirard pour Rome;
Et qui, caquetans au plus dru,
Parlent de tout, & n'ont rien vu.

Le Dauphin rit, tourne la tête;
Et le magot confidéré,

Il s'apperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête.
Il l'y replonge; & va trouver
Quelque homme afin de le fauver.

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