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Le bon Sire le fouffre, & fe tient toujours coi. Jupin en a bientôt la cervelle rompue.

Donnez nous, dit ce peuple, un Roi qui se re

mue.

Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaifir:

Et Grenouilles de fe plaindre ;

Et Jupin de leur dire: Et quoi, votre defir
A fes loix croit-il nous aftreindre?
Vous avez dû premiérement

Garder votre Gouvernement:

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Mais ne l'ayant pas fait, il vous devoit fuffire
Que votre premier Roi fût débonnaire & doux :
De celui-ci contentez-vous,
De peur d'en rencontrer un pire.

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CAPITAINE

TAINE Renard alloit de compagnie

Avec fon ami Bouc des plus hauts encornés. Celui-ci ne voyoit pas plus loin que fon nez. L'autre étoit paffé maître en fait de tromperie. La foif les obligea de defcendre en un puits,

Là, chacun d'eux se désaltere.

Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,

Le Renard dit au Bouc: Que ferons-nous, compere?

Ce n'eft pas tout de boire, il faut fortir d'ici.
Leve tes pieds en haut, & tes cornes auffi :
Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
Je grimperai premiérement,

Puis fur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je fortirai,

Après quoi je t'en tirerai.

Par ma barbe, dit l'autre, il eft bon; & je loue
Les gens bien fenfés comme toi.
Je n'aurois jamais, quant à moi,
Trouvé ce fecret, je l'avoue.

Le Renard fort du puits, laiffe fon compagnon;
Et vous lui fait un beau fermon

Pour l'exhorter à patience.

Si le Ciel t'eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurois pas, à la légere,

Defcendu dans ce puits. Or adieu j'en suis hors:
Tâche de t'en tirer, & fais tous tes efforts:
Car pour moi j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.

En toute chofe il faut confidérer la fin.

FABLE VI.

L'Aigle, la Laye & la Chatte.

L'AIGLE

'AIGLE avoit fes petits au haut d'un arbre

creux,

La Laye au pied, la Chatte entre les deux ; Et fans s'incommoder, moyennant ce partage, Meres & nourriffons faifoient leur tripotage. La Chatte détruifit par fa fourbe l'accord. Elle grimpa chez l'Aigle, & lui dit : Notre mort (Au moins de nos enfans, car c'est tout un aux meres)

Ne tardera poffible gueres.

Voyez-vous à nos pieds fouir inceffamment
Cette maudite Laye, & creufer une mine?
C'eft
pour déraciner le chêne assurément,
Et de nos nourriffons attirer la ruine.
L'arbre tombant, ils feront dévorés :

Qu'ils s'en tiennent pour affurés.

S'il m'en reftoit un feul, j'adoucirois ma plainte.

Au partir de ce lieu, qu'elle remplit de crainte, La perfide defcend tout droit

A l'endroit

Où la Laye étoit en géfine.
Ma bonne amie & ma voifine,

Lui dit-elle tout bas, je vous donne un avis. L'Aigle, fi vous sortez, fondra fur vos petits : Obligez-inoi de n'en rien dire :

Son courroux tomberoit fur moi.

Dans cette autre famille ayant femé l'effroi,
La Chatte en fon trou fe retire.

L'Aigle n'ofe fortir, ni pourvoir aux besoins
De fes petits: la Laye encore moins:

Sottes de ne pas voir que le plus grand des foins
Ce doit être celui d'éviter la famine.

A demeurer chez foi l'une & l'autre s'obtine, Pour fecourir les fiens dedans l'occasion, L'Oiseau royal, en cas de mine,

La Laye, en cas d'irruption.

La faim détruifit tout: il ne refta perfonne
De la gent Marcaffine, & de la gent Aiglonne,
Qui n'allât de vie à trépas:

Grand renfort pour Meffieurs les Chats.

Que ne fait point ourdir une langue traîtreffe
Par fa pernicieuse adreffe?

Des malheurs qui font fortis

De la boîte de Pandore,

Celui qu'à meilleur droit tout l'Univers abhorre, C'eft la fourbe, à mon avis.

Tome I.

K

1

FABLE VII.

L'Ivrogne & fa Femme.

CHACUN

HACUN a fon défaut, où toujours il revient:
Honte ni peur n'y remédie.

Sur ce propos d'un conte il me fouvient :
Je ne dis rien que je n'appuie

De quelque exemple. Un fuppôt de Bacchus
Altéroit fa fanté, fon efprit & fa bourse.

Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course,

Qu'ils font au bout de leurs écus.

Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille,
Avoit laiffé fes fens au fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là, les vapeurs du vin nouveau

Cuverent à loifir. A fon réveil il treuve
L'attirail de la mort à l'entour de fon corps.
Un luminaire, un drap des morts.

Oh dit-il, qu'eft ceci? Ma femme eft-elle veuve ?

Là-deffus fon épouse, en habit d'Alecton, Mafquée, & de sa voix contrefaisant le ton, Vient au prétendu mort, approche de fa biere, Lui préfente un chaudeau propre pour Lucifer.

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