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grâce du ton noble au ton simple et naïf: par exemple:

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,

La peste, puisqu'il faut l'appeler par son nom...

Ce dernier vers contraste parfaitement avec les trois premiers, pleins de force et d'élévation.

On trouvera des exemples plus frappans encore de haute poésie dans le Chêne et le Roseau, le Lion et le Moucheron, le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes, etc.

Comme Lamotte dans son discours sur la fable l'observe judicieusement, « le fami«<lier que demande la fable ne laisse pas << d'avoir son élégance, et, malgré l'air aisé « qui le caractérise, ses beautés sont peut« être plus difficiles à trouver que celles du style soutenu celui-ci, à beaucoup près, « n'a pas autant de nuances que l'autre. >>

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La source du plaisant dans la fable con

siste souvent dans la comparaison des petits

objets aux grands:

Deux coqs vivaient en paix; une poule survint,

Et voilà la guerre allumée.

Amour! tu perdis Troie!

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On recommanderait aux fabulistes la naïveté, si la naïveté pouvait s'acquérir; mais c'est plutôt un don qu'un talent. Quand Mine Lasablière appelait La Fontaine son fablier, comme elle eût dit son poirier, elle disait un mot charmant qui peint mieux la naïveté qu'une page de définitions.

Nous allons parler des plus illustres fabulistes.

Esope, le père de la fable, quoiqu'on lui ait contesté le titre d'inventeur, est du moins le premier qui sut donner à la fable une physionomie. Ses apologues, presque toujours dictés par la circonstance, ont le mérite qu'ils doivent avoir; la vérité et la pré

cision.

Phèdre avait acquis ce qu'Esope avait de la nature. L'affranchi de Rome de

reçu

vait plus à l'éducation que l'esclave de Phrygie : aussi se distingua-t-il par la pureté, l'élégance de son style, et la sagesse de ses conceptions. Sa manière est souvent austère, et laisse quelquefois à desirer un peu plus d'abandon. Phèdre est le Térence de la fable.

Pilpay, au fond de l'Indostan, s'acquit aussi de la célébrité comme fabuliste. Ministre d'un empereur, Pilpay ne composa guère que des fables politiques. Ses idées sont souvent incohérentes, et manquent de justesse et d'unité; mais il s'est créé un genre: cela compense bien des défauts.

Plusieurs auteurs orientaux ont aussi fait des fables, la plupart peu connues, et peu dignes de l'être.

Gay, chez les Anglais, en écrivit d'assez agréables, mais souvent diffuses; on ne peut cependant lui refuser une place parmi les fabulistes estimables. Il serait trop long de citer ceux des autres nations. Notre La Fontaine efface tous ceux qui l'ont précédé et suivi. Nous avons cru ne devoir placer aucune de ses fables dans ce volume, parce

qu'elles sont familières à tous les âges et à toutes les classes de la société.

Depuis cet auteur inimitable on nous a donné des fables ingénieuses: si le bon homme n'eût pas existé leurs auteurs se fussent illustrés sans doute. Leur portion de gloire est encore assez belle : leur maître l'a dit;

...Ce champ ne se peut tellement moissonner,

Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.

Ils ont glané abondamment, mais ils n'ont pas moissonné.

L'ENFANT BIEN CORRIGÉ.

Le pauvre Nicolas, tout courbé sous le poids
D'un énorme fagot, s'en revenait du bois

Un soir, beaucoup plus tard qu'il n'avait de coutume.
En marchant il disait, d'un ton plein d'amertume:
La bonne Marguerite est bien triste à présent!
Elle s'inquiète, elle pleure;

Chaque moment

Lui paraît long, long comme une heure.
Antoine est triste aussi : c'est un si bon enfant!

C'est tout le portrait de sa mère.
Si les dieux nous aident, j'espère
Qu'il sera tendre et bienfaisant:

Cet espoir est bien doux! Mais voici que j'approche;
Ils seront consolés quand ils me reverront;
Comme ils seront joyeux! comme ils m'embrasseront!
S'ils me faisaient quelque reproche,

Je leur dirai pourquoi j'ai tardé si long-tems;
Au lieu de m'en vouloir ils seront bien contens.

Tome VI.

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