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Du grand pacte commun qui nous lie ici bas.
Ce n'est partout que plaintes, qu'altercas:
Mais les humains ne se quitteront pas;
C'est le besoin qui les rassemble.

MANCINI-NIVERNAIS.

LES ABRICOTS.

Un homme était propriétaire
D'un assez grand jardin fruitier:
Forts beaux arbres en pleine terre,
Arbres forts beaux en espalier.
Au printems chaque abricotier
Donne sa fleur; puis le fruit noue,
Puis petit à petit

Il s'augmente et grossit.

Il vient un vent fort qui secoue
Tous les abricotiers: vous jugez que le fruit
Tombe à terre comme la grêle;

Il en tombe au moins la moitié.
Notre homme se lamente à vous faire pitié.
Un vieux jardinier qui se mêle
De raisonner (des vieilles gens
C'est là le plus grand des talens)

Lui dit : Pourquoi pleurer, mon maître? Ouvrons ces fruits tombés, et vous allez connaître

Que le

coup de vent est heureux. Voyez-vous? ils sont tous verreux;

De l'arbre ils mangeaient la substance, Et ne pouvaient venir à leur maturité.

C'est le vent de l'adversité

Qui fait des faux amis disparaître l'engeance.

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LEMONNIER.

L'OURS ET LES ABEILLES.

JADIS dans le creux d'un rocher

La république des abeilles,

Dont chacun vante les merveilles,
Avait établi son rucher:

L'homme n'osait en approcher.

Un ours aux environs avait son domicile,
Et sous sa domination

La république était tranquille..
On mit un jour en proposition
De payer à son excellence

L'honneur de sa protection.

Mais qu'offrir en reconnaissance?

On n'avait que du miel; le miel fut présenté:
Les ours en sont friands; le don fut accepté.

Le seigneur à son tour leur promit, et pour cause,
De les défendre envers et contre tout.

Le miel était fort de son goût :

Il pria l'an suivant qu'on redoublât la dose,

Et jura de sa part de redoubler de soins.
On se rendit à sa demande :

Lorsqu'un prince nous prie on sent bien qu'il commande. Tous les ans de nouveaux besoins

Faisaient toujours doubler l'offrande.
La famille de l'ours, plus heureuse et plus grande,
Augmentait chaque jour sa consommation.
Le protecteur mourut : c'était l'occasion
De s'affranchir du droit d'aubaine;
Mais l'ours qui succéda, du tout bien informé,
Leur demanda pour son étrenne,

Et comme ci-devant, le don accoutumé.
Le refuser c'eût été lui déplaire.
Il arriva qu'un tems contraire
Fit manquer la recette et la provision.
A son altesse on fit des remontrances :
On allégua les circonstances,
On s'excusa sur la saison;

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Mais l'ours n'entendit pas raison,
Et, sans épargner la menace,
Il crut faire beaucoup de grace
De se relâcher de moitié,

Attendu leur malheur qui lui faisait pitié.

GUICHELET.

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Pour échapper à la furie

D'un loup dont elle est poursuivie,

Une brebis se jette en un buisson.

Le loup, mis en défaut, détale.

La brebis se dégage en laissant sa toison.

Cette fable, je crois, n'a besoin de morale.

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UN loup malade, et gardant sa tanière,
Détestait les forfaits de sa dent meurtrière,
Et le cœur bien contrit, renonçait à pécher.
Un autre loup voisin, son ami, son confrère,
Pour de nouveaux exploits accourut le chercher.
Le malade dévot se met à lui prêcher

La morale la plus austère.
Troublerons-nous, dit-il, sans cesse le repos
Et des bergers et des troupeaux?

Sur leurs malheurs, hélas! mon ame est attendrie;
Grâce au ciel je deviens aussi doux, aussi bon
Qu'un mouton,

Et je vais l'être enfin le reste de ma vie.
Oui, si les dieux encor m'accordent quelques jours

Je veux les employer à courir au secours
De tous les troupeaux du village.
Crois-moi, devenons bonnes gens:

Quel plaisir d'être aimé de tout le voisinage!

On vit très-bien de racines, de glands;
N'es-tu pas effrayé, dégoûté du carnage?
Les végétaux sont sains et plus appétissans.
Son voisin l'écoute, l'admire,

Mais craint que l'orateur ne soit dans le délire.
Il gémit, plaint son sort,

Fait ses adieux, et se retire.

Trois jours après, tremblant qu'il ne fût mort,
Il veut revoir le pauvre sire.
Sans médecins on guérit promptement:

Il le trouve convalescent,
Et mangeant

Un jeune et tendre agneau; puis aperçoit sa mère
Qui dans un coin de la tanière

Se débattait encore,

et pleurait son enfant.

Oh! oh! dit-il alors, flairant la bonne chère,

Tu devenais mouton, disais-tu l'autre jour;
Tu prenais sa douceur, ses goûts, son caractère,
Et tu voulais désormais tour à tour
Protéger les troupeaux, ainsi que la bergère.
Ton pathétique et beau sermon

Avait sur mon esprit fait telle impression,
Que j'allais me réduire enfin à la salade.

Quoi! tu serais si sot... On ne vit pas de rien.
Tiens, partageons, cher camarade:

J'étais mouton lorsque j'étais malade;

Mais je suis loup quand je me porte bien.

Mme LAFERANDIÈRE.

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