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Le vautour d'aiguiser son bec.

Époux, quelle fureur vous trouble et vous égare?
Vous laissez vos petits en proie à ce barbare!
Réunissez-vous donc; volez... Il n'est plus tems.
Ah! mourez de regret de vos ressentimens.

Terrible image du divorce!

Quel fruit viendrait à bien, parviendrait à sa force, Quand on a séparé l'arbre de son écorce?

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Mme JOLIVEAU

LES ABEILLES,

OU

MORALE AUX SOUVERAINS.

MUSCAN, roi d'un peuple d'abeilles,
Surnommé grand par ses merveilles,
Fit dans tout son état publier un édit;
Maint motif également dit
Préparait la défense expresse

Qu'il faisait à toute l'espèce

De toucher désormais aux fleurs de mauvais goût,
Attendu que le miel ne valait rien du tout.
Enjoint à ses portiers de refuser la porte
A tout contrevenant que l'odeur trahiroit.
La défense est de droit

Etroit;

Point de grâce en aucune sorte. Tome VI.

10

Fait en notre Louvre emmiellé

Tel an, tel jour depuis notre séance au trône,
Et du grand sceau de cire jaune

Le tout scellé, contre-scellé.

Le peuple ainsi lié par la loi souveraine
Choisissait bien les mets, ne touchait qu'au jasmin,
A l'œillet, à la marjolaine,

Dînait le plus souvent de roses et de thym.
Vous les eussiez vu tous savourer les fleurettes
Dont les jardins sont parsemés,

Puis dans leurs utiles retraites

Ils revenaient tous embaumés.

Un jour pourtant une abeille imprudente,
Favorite du prince, et presque en droit d'errer,
Ayant fait son repas d'une mauvaise plante,
Se présente à la ruche, et l'on vient la flairer.
-Vous ne sentez pas bon. - Qu'importe que je sente?
L'ordre n'est pas pour moi, dit la contrevenante.
Les portiers là-dessus la laissèrent entrer.
Mais le prince en faisant sa ronde

Sentit l'odeur coupable. Il appelle son monde:
Sur son trône de cire il s'assied gravement;
Il interroge, il pèse, et puis l'affaire instruite,
Muscan condamne également

Les portiers et la favorite.

Ah, sire! s'écria le peuple d'une voix,
Pardonnez-leur du moins pour la première fois.

- Non, je n'accorde point votre aveugle demande, Leur dit Muscan: sachez qu'un roi

Doit être esclave de sa loi,

Et qu'il doit obéir à tout ce qu'il commande.
Ma rigueur est clémence, et de l'impunité
Prévient les suites redoutables.

Combien aurais-je un jour à punir de coupables
Que je sauve aujourd'hui par ma sévérité!

LAMOTTE.

LE CHIEN ET LE CHAT.

PATAUD jouait avec raton,

Mais sans gronder, sans mordre, en camarade, en frère:
Les chiens sont bonnes gens; mais les chats, nous dit-on,
Sont justement tout le contraire.
Raton, bien qu'il jurât toujours

Avoir fait patte de velours,

Raton, et ce n'est point une histoire apocryphe,
Dans la peau d'un ami, comme fait maint plaisant,

Enfonçait, tout en s'amusant,
Tantôt la dent, tantôt la griffe.

Pareil jeu dut cesser bientôt.

Hé quoi! Pataud, tu fais la mine:
Ne sais-tu pas qu'il est d'un sot
De se fâcher quand on badine?
Ne suis-je pas ton bon ami?

← Prends le nom qui convient à ton humeur maligne,

Raton; ne sois rien à demi:

J'aime mieux un franc ennemi

Qu'un bon ami qui m'égratigne.

ARNAULT,

LES ÉCOLIERS ET LE LINOT.

CONTRE l'hiver, tout récemment,
Certain linot chez nous vint demander asile:
Il eût fait bien plus sagement

De chercher pour refuge un autre domicile;
Mais demi-mort de froid, expirant de besoin,
Et n'ayant pas d'ailleurs beaucoup d'expérience,
Ce petit malheureux cédait au premier soin
De soulager sa pénible existence.
A peine est-il entré céans,
Qu'il reconnaît déjà son imprudence;
Les écoliers, armés de filets menaçans,

Lui font la guerre à toute outrance;
Et le voilà sans espérance,

Abattu, languissant, qui succombe à la faim:
Il est pris. Le vainqueur qu'adoucit la victoire
Veut le réchauffer dans son sein:

On apprête pour lui le manger et le boire;
Enfin on lui promet un plus heureux destin.
Soins superflus; l'oiseau dans sa prison expire,
A l'écolier il semblait dire:

« J'implorais ta pitié, tu m'as donné la mort. >> Tout ce peuple attendri de gémir sur son sort, De s'accuser de ce nouveau martyre.

Aux malheureux veut-on faire du bien, Qu'on soit plus délicat sur le choix du moyen.

Vouloir faire le bien est assez ordinaire;
Mais il n'est pas commun de le savoir bien faire.

LE LYNX ET LA TAUPE.

Le lynx dit à la taupe : Ah, pauvre solitaire!
Comment peux-tu vivre sans voir?
Végéter du matin au soir,

Voilà donc ce que tu peux faire !...
Encor si tu savais ce que je sais, ma chère,
En t'occupant l'esprit dans ton petit manoir,
De tes cruels ennuis tu pourrais te distraire;
Mais quand on n'a rien vu l'on ne peut rien savoir.
Moi, qui vois clairement d'une lieue à la ronde
Ce qui se passe dans le monde,
A l'instant même autour de toi
Je puis t'instruire; écoute-moi:
Sur un rapport des plus fidèles

Je vais, ma chère enfant, te conter les nouvelles : L'hirondelle s'amuse à nourrir ses petits

Avec les moucherons que l'araignée a pris;

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