enfuite grotesque par les grandes maximes qu'il débite. Il repète fans doute ce qu'il avoit ouï dire fouvent dans les feftins des Payens, où l'idée de la mort étoit employée pour reveiller le goût du plaifir. Lorfque le Rat de Cour a placé fon Hôte fur un tapis précieux, il se fait reconnoître dès le prémier trait. Il favoit les ufages du grand inonde. Il court, va, vient, curfitat; on diroit un Officier qui a retrouffé fa robe pour être plus agile, veluti fuccinctus; image riante. Les mêts arrivent fans interruption, continuat. Il fait lui-même l'effai de tout ce qu'il préfente, prælambens, autre image. La beauté de cette pièce d'Horace confifte dans les traits fuivans. 1. Elle renfer me une vérité intéressante. 2. Cette vérité eft couverte d'une allégorie gracieuse, qui en présente fucceffivement les parties dans des images variées. 3. Ces images font vives, tous les traits en font marqués d'une façon fenfible; on voit les deux repas & les deux Convives. 4. Les expreffions font justes, & rendent les pensées nettement. 5. Les tours font naturels & vifs. 6. Les par ties font liées adroitement, elles fortent toutes du commencement comme une tige fort de fa racine. 7. Tout eft clair, élégant, & présenté avec toutes les graces dont le fujes étoit fufceptible. On peut faire la comparaison de cette Fable d'Horace avec celle de la Fontaine, qui roule fur le même fujet, & qui commence ainfi: Autrefois le Rat de Ville D'u CC 4 D'une façon fort civile, A des reliefs d'Ortolans. Le Chêne La Fable du Chêne & du Roseau que nous &le Ro- a donnée la Fontaine, a de grandes beaufeau. Pièce tés. C'est une petite tragédie, qui finit par de la Fon une catastrophe ou révolution. Il y a un in taine. térêt, qui commence dès le fecond Vers, & qui croît toujours jufqu'à la fin. On voit l'action qui s'engage, qui continue, qui fe termine. Tout y eft régulier, proportionné, varié; &, quoiqu'elle foit très férieuse, elle ne plait pas moins que les plus riantes. Du prémier coup d'œil, on y voit le contrafte du grand & du petit, du fort & du foible. Le Chêne y parle avec hauteur & fierté, & le Rofeau avec modestie: c'est la Nature qui le demande. Le Chêne un jour dit au Rofeau; Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à bailler la tête. Cette idée que le Chêne donne de la forbleffe du Roseau eft bien vive: elle tient de l'infulte. Le plus petit des Oifeaux eft pour vous un poids qui vous incommode. Vous oblige à bailler la tête. Il femble que le Chêne s'abaiffe par bonté pour le Rofeau. Mais il parle de lui bien autrement. Cependant que mon front au Caucase pareil, Quelle Quelle nobleffe dans les images! Quelle fierté dans les expreffions & dans les tours! Mon front, terme noble & majefteux. Au Caucafe pareil, comparaifon hyperbolique. Non content d'arrêter les rayons du Soleil. Le mot arrêter, marque une forte d'empire & de fupériorité; fur qui? fur le Soleil même. Brave l'effort. Braver ne fignifie pas feulement refifter, mais réfifter avec infolence. Ce n'eft point à la tempête qu'il résiste, mais à fon effort. Ces trois Vers, dont l'harmo nie eft forte, pleine, les idées grandes, nobles, figurent avec les trois précédens, dont l'harmonie eft douce, de même que les idées. Le Chêne revient à fon parallèle, fi avantageux pour fon amour-propre, dans le Vers fuivant: Tout vous eft Aquilon, tout me femble Zés pbir. Et pour rendre ce parallèle plus fenfible, il le réduit en peu de mots. Quelle énergie dans cette brieveté! Le contrafte eft obfer vé par-tout jufques dans l'harmonie: tout me femble Zépbir eft beaucoup plus doux que, tous vous eft Aquilon. La réponse du Roseau eft polie, mais féche. Votre compaffion, lui répondit l'Arbufte, C'eft précisément une contre-vérité. Tout le refte eft nettement contradictoire à tout ce que le Chêne a dit, & la vérité y est par tout fenfible. Vous avez jusqu'ici Fe plie & ne romps pas. Ce difcours eft fec, & renferme de la me Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfans Que le Nord eût porté jufques-là dans fes flanes. Le vent part de l'extrémité de l'horizon: fa rapidité s'augmente dans fa course. Au-lieu de dire un Vent de Nord, on le perfonifie, & la périphrase donne de la nobleffe à l'idée, & de l'efpace pour placer l'harmonie. L'Arbre tient bon: le Rofeau plie. Voila les deux Acteurs en fituation parallèle. Le Vent redouble fes efforts, Et fait fi bien, qu'il déracine Celui de qui la tête au Ciel étoit voifine, Ces Vers font beaux, nobles. L'Antithefe Les Lapins. La Fable des Lapins eft une des plus joFable de la lies Fables de la Fontaine. C'èft le gra Fontaine. cieux & le riant qui en font le caractère do minant. A A l'heure de l'affut: foit lorfque la lumière Rien n'eft fi gracieux que cette peinture du lever & du coucher du Soleil. C'est la Poéfie qui en a fourni toutes les couleurs. Le quatrième Vers eft des plus heureux pour marquer le point du jour, fideribus dubiis. Le tableau fuivant eft agréable & amusant. Je vois fuir auffitôt la Nation Des Lapins, qui fur la bruyère, L'œil éveillé, l'oreille au guet, S'égayoient, & de thim parfumoient leur banquet. Les Lapins y font peints d'après nature. l'œil éveillé, l'oreille au guet, s'égayoient: l'harmonie eft charmante. Leur banquet parfumé de thim préfente la plus agréable idée. Le terme banquet, joint à celui de parfumer a beaucoup de dignité & de grace. Voici la Morale: Le bruit du coup fait que la bande Dans la fouterraine Cité: Mais le danger s'oublie, & cette peur fi grande Ne reconnoit-on pas en cela les Humains? Le récit mène à la Morale par le chemin le plus court. Elle vient plutôt comme une Cc 6 |