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Les ornemens du Récit.

1. Les Images.

2. Les Def

ces fortes de pièces aient leurs bornes. Plus les Fables font courtes, plus elles font faciles à mettre dans la mémoire, & par conféquent plus elles font utiles aux Jeunesgens. Les Apologues d'Efope & de Phèdre ont cette qualité.

Le récit eft court, 1. fi on ne commence pas de trop loin; 2. fi il finit où il doit finir; 3. fi on n'y mêle rien d'étranger; 4.fi on foufentend ce qui peut être entendu, fans être dit; 5. fi on ne dit chaque chofe qu'une fois.

D. En quoi confiftent les ornemens du récit?

R. Ces fortes d'ornemens confiftent: 1. Dans les Images, qui fe trouvent quelquefois dans un feul mot.

Un Mort s'en alloit triftement.
La Dame au nez pointu.

Si les Images font plus étendues, ce font
des defcriptions.

2. Dans les Descriptions. La Defcripciptions. tion eft, lorsqu'on repréfente une chose

avec des traits marqués, & qui la rendent fenfible. Voulez-vous décrire les Mœurs d'un Vieux Renard, dites:

Un vieux Renard, mais des plus fins, Grand croqueur de Poulets, grand preneur de Lapins,

Sentant Jon Renard d'une lieue, &c.

Voulez-vous décrire le Corps? Voici un modèle.

Un

Un Héron au long bec emmanché d'un long

cou,

Un jour fur fes longs pieds, &e.

Et ailleurs:

De petits Monftres fort bideux,

Recbignés, un air trifte, une voix de Mégère.

3. Dans les Portraits des Lieux, des Per-3. Les Foxfonnes, des Attitudes.

traits.

4. Dans les Pensées. On appelle ici Pen-4-Les Penfées, celles qui ont quelque chofe de fra-lees. pant, & qui les tire du rang ordinaire. Tantot c'est la folidité, tantôt la finesse, tantôt la fingularité. Voici, par exemple, de la fingularité.

Un Lièvre en fon gite fongeoit,

Car que faire en un gite à moins que l'on no
Jonge?

5. Dans les Allufions, lorfqu'on raporte s. Les Aiquelques traits qui figurent férieufement,lufions, ou en grotesque, avec ce qu'on raconte 6. Dans les Tours, qui doivent être vifs, Tours Baïfs, piquans,

Un bloc de marbre étoit fi bears
Qu'un Statuaire en fit l'emplette.
Qu'en fera, dit-il, mon cifeau?
Sera-t-il Dieu, Table ou Cuvette?
Il fera Dieu: même je veux
Qu'il ait en fa main un tonnerre.
Tremblez, Humains, faites des vaUN Z
Voila le Mattre de la Terre.

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6. Les

7. Les Ex- 7. Dans les expreffions, qui font tantôt preffions. hardies, tantôt riches, tantôt fortes. 8. La Naï 8. Dans la Naïveté du Stile, qui confiste

veté.

Morale de

où elle

dans le choix de certaines expreffions fimples, pleines d'une molle douceur, qui pa. roiffent nées d'elles-mêmes, plutôt que choi fies dans ces conftructions faites comme par hazard, dans certains tours rajeunis, & qui confervent cependant encore un air de vieille mode. Perfonne ne difpute à la Fontaine le prix dans cette partie de la Fable. Il en avoit le goût naturel, & il l'avoit perfectionné par la lecture de nos vieux Auteurs François, dont la naïveté eft admirable. Le Naïf eft oppofé au Réfléchi, & n'apartient qu'au fentiment, comme dans cette Epigramme.

Un Boucher moribond voyant fa femme en pleurs,

Lui dit ma Femme, fi je meurs, Comme en notre métier un Homme eft nécef faire,

Jaques, notre Garçon, feroit bien ton af faire.

C'est un fort bon enfant, fage, & que tu

connois:

Epoufe le, croi-moi, tu ne faurois mieux faire.

Hélas, dit-elle, j'y fongeois.

D. Quelle doit être la Moralité de la la Fable, & Fable, & en quel endroit faut-il la placer? R. La Moralité doit être claire, courte, & intéreffante. Il n'y faut point de métaphyfique, point de période, point de véri tés trop triviales. Quant à l'endroit où la Moralité doit être placée, les Fabuliftes

doit être placée.

en

en ont usé diverfement. Efope & Faërne la mettent toujours à la fin. Phèdre & la Fontaine la placent indifféremment, tantôt avant, tantôt après le Récit, felon que le goût l'exige, ou le permet. L'avantage eft a peu-près égal pour l'efprit du Lecteur, qui. n'eft pas moins exercé, foit qu'on la place auparavant, ou après. Dans le prémier cas, on a le plaifir de combiner chaque trait du Récit avec la Vérité. Dans le fe cond cas, on a le plaifir de la fufpenfion; on devine ce qu'on veut nous aprendre, & on a la fatisfaction de fe rencontrer avec l'Auteur, ou le mérite de lui céder, fi on n'a pas réuffi.

D. Peut-on marquer le tems où on commença à faire ufage de l'Apologue?

Tems auquel on a commencé

R. Un Politique, un Philofophe, un Pro à faire ufaphète s'en fervoient prefque dans le même ge de l'Atems, à Rome pour ramener le Peuple fé-pologue. ditieux, en Afie pour inftruire les Villes & les Rois, à Jérufalem pour annoncer à Da vid fon crime. Puifque, fans être d'intelligence, les hommes l'employoient également dans différens lieux du Monde, il y a grande apparence qu'ils s'en étoient avifés dès longtems auparavant.

D. Quels font les Auteurs qui ont le Auteurs mieux réuffi dans ce genre d'écrire ?

qui ont le mieux

R. Les plus fameux Fabuliftes, ceux qu'on réuffi dans doit regarder comme les plus grands Mai-l'Apolotres, & que l'on doit fuivre comme des Mo-gue dèles, font Efope, Phèdre, & la Fontaine, Four faire connoître en quoi chacun d'eux s'eft le plus diftingué, je vai donner une légère idée de leur caractère & de celui de quelques-unes de leurs pièces:

La patrie d'Efope eft affez incertaine. Caractère Bb 6

Mais

d'Elope

& de fes Fables.

Mais l'opinion la plus vraisemblable & plus fuivie, eft celle de ceux qui le difent Phrygien. L'époque de fa naiffance n'eft guère mieux connue. Ce qu'on peut dire de plus certain, c'eft qu'il a vécu du tema des Sept Sages de la Grèce, & fous le règne de Créfus Roi de Lydie, dont le commencement fe raporte à l'an 557 avant Jéfus-Chrift. Planude fon Hiftorien en fait. un monftre de laideur, peut-être pour don ner un rélief à la beauté de fon efprit. Le. fort fit naître Efope Efclave. Son prémier Maître fut Zémarchus, furnommé Carafius, Citoyen d'Athènes. Il fervit enfuite Xanthus de Samos, & fut enfin vendu au Phi-. lofophe Idmon ou Iadmon, auffi de Samos, qui l'afranchit.

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Efope, mis en liberté, fe fit bientôt connoître. Créfus, Roi de Lydie, l'honora de. fon eftime, le combla de bienfaits, & l'engagea pour toujours à fon fervice. Esope fit divers voyages en Grèce... Il fut envoyé par Créfus vers Périandre, Tyran de Co-rinthe; & ce fut à fa Cour qu'il affifta au Banquet des Sept Sages. Il fut placé à ce fameux Banquet, au deffous de Solon, & s'y diftingua par fes ingénieux Apologues. Il paffa par Athènes peu de tems après que Pifistrate en eut ufurpé la Souveraine Puif. fance; & voyant que les Athéniens portoient le joug impatiemment,, il leur raconta la Fable des Grenouilles, qui demandèrent un Roi à Jupiter, & les exhorta à fe fou mettre à Pififtrate, Prince fage & moderé, de peur de trouver pis, en le chaffant du trône, & de tomber fous la domination de quelque cruel Tyran.

Notre Fabulifte fut mal reçu à Delphes,

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