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que des pures machines dépourvues de sensations et dont tous les mouvemens dépendent de l'organisation de la matière; les autres soutiennent qu'ils ont des sensations, et par conséquent qu'ils sont unis à une substance spirituelle, inférieure à celle de l'homme et purement sensitive. << Nature mitoyenne, dit Bossuet, qui n'est » pas corps parce qu'elle n'est pas étendue >> en longueur, largeur et profondeur; qui » n'est pas esprit parce qu'elle est sans >> intelligence, incapable de posséder Dieu, » et d'être heureuse. »>

Entre ces deux opinions il serait difficile de faire un choix. La première est plus nouvelle, et c'est Descartes qui a cherché à la remettre en vogue. La seconde est plus ancienne et plus généralement accréditée. Mais tous nos efforts pour découvrir la véritable seraient inutiles. C'est une de ces questions obscures qui nous rappellent ce que dit l'Ecriture: Que l'homme chercherait inutilement à pénétrer la raison des œuvres de Dieu. Question dont l'examen serait dangereux, si l'on ne posait d'abord en principe que la sensibilité et le mouvement spontané ne peuvent venir de la

matière, et que la raison est l'apanage de l'homme seul. C'est par là qu'il est supérieur aux animaux ; qu'il les domine, quoiqu'il soit moins fort que la plupart d'entre eux; qu'il est vraiment le roi de la nature, et qu'il approche de la Divinité, dont il est l'image.

De l'homme.

La pensée, avons-nous dit, ne peut ètre attribuée à la matière; il y a donc dans l'homme une substance immatérielle ou spirituelle d'où naît l'intelligence, ou, pour parler plus exactement, qui est l'intelligence même. On ne saurait en effet distinguer la substance pensante, de la pensée qu'elle produit. Si la pensée pouvait être considérée comme accident d'une substance qui ne pense pas, l'effet serait supérieur à la cause.

L'homme vit par son ame et l'ame est la pensée.1

Oui sans doute l'ame est la pensée; mais tout est mystérieux et incompréhensible dans ce qui tient à la nature intellec

1 Thomas.

tuelle et à ses opérations; il est seulement quelques points connus avec certitude qui empêchent qu'on ne s'égare.

Cette union étonnante de l'intelligence et de la matière constitue l'homme. A l'esprit, appartiennent l'entendement et le vouloir; l'action appartient au corps qui exécute les volontés de l'ame. L'un obéit, et l'autre commande; et l'auteur des Recherches philosophiques' a très-bien défini l'homme: Une intelligence servie par des organes. On peut dire, en employant les expressions de Bossuet : « L'homme tout entier est compris dans cette définition, qui com» mence par ce qu'il y a de meilleur, sans » oublier ce qu'il y a de moindre, et fait » voir l'union de l'un avec l'autre. »

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Ne disons plus, suivant l'ancienne définition, que l'homme est un animal raisonnable. Il y a une distance infinie de l'être intelligent à celui qui ne l'est pas, et c'est offenser la dignité de l'homme que d'établir un rapprochement entre lui et la brute. En vain le célèbre auteur de l'Histoire na

1 M. de Bonald.

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turelle nous dira: « Que c'est une vérité » humiliante, mais que l'homme doit se » ranger lui-même dans la classe des ani» maux auxquel il ressemble par tout ce » qu'il a de matériel, et que leur instinct » même est plus sûr peut-être que sa >> raison. » Pour nous nous dirons avec regret, que la pompe dans le style ne suppose pas toujours la justesse dans les idées. Le corps seul, le corps avec ses opérations sensitives peut sans doute se ranger dans la classe des animaux, mais T'homme jamais. Il serait indigne de la créature raisonnable, de cette créature qui est de la race même de Dieu, genus ergo cùm simus Dei,' de se dégrader à ce point. C'est là une de ces idées favorites de cette philosophie matérialiste et abjecte, dont le célèbre auteur de l'Histoire naturelle ne partageait pas sans doute les principes malgré quelques théories erronées; mais qui régnait avec empire dans le XVIIIe siècle; dans ce siècle fatal, une des plus honteuses époques de l'esprit humain, dit M. de Maistre. Ovide, tout païen qu'il était, pensait plus noblement :

• Saint Paul.

Tandis que l'animal se penche vers la terre,
L'homme soulève un front noble et majestueux,
Et seul dans la nature ose fixer les cieux. 1

Nous ne saurions concevoir une trop haute idée de la dignité de notre nature. «Dieu voulant demeurer invisible » dit l'auteur de l'Explication de l'Ouvrage des six jours, << établit l'homme sur la terre » pour y tenir sa place; il lui confia son >> autorité, imprima sur son front l'auguste » caractère qui devait tenir tous les ani» maux dans le respect; le rendit l'image » de sa justice et de sa bonté ; cacha sa providence sous le voile de son adminis>>tration, et en lui assujettissant toute la » terre, il lui mit comme en dépôt tous les >> biens dont il venait de l'enrichir. »

>>

Arrêtons-nous un moment à considérer cette union merveilleuse de la substance inétendue avec la substance étendue; de l'esprit et de la matière; de l'ame et du corps. Rien de plus admirable et de plus

1 Pronaque cùm spectent animalia cætera terram, Os homini sublime dedit, cœlumque tueri Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus.

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