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par le moyen des par yeux, qui entend le moyen de l'oreille, qui sent par le moyen du toucher Sentire non est corporis, sed anime per corpus, dit saint Augustin. Jamais l'organisation qui n'est qu'un simple arrangement de parties, ne pourrait faire acquérir à ce qui est insensible et inanimé, des propriétés avec lesquelles cette organisation n'aurait aucun rapport, et qui, ainsi que nous l'avons déjà dit, seraient d'un ordre tout différent. << De tous les >> corps ensemble, dit Pascal, on ne sau>> rait tirer la moindre pensée; » et l'on peut ajouter, le moindre sentiment. « Cela est impossible et d'un autre ordre. » Oui, c'est d'un ordre si différent et si élevé audessus de la matière, « que tous les corps, >> le firmament, les étoiles, la terre et les » royaumes ne valent pas le moindre des >> esprits; car il connaît tout cela, et soi» même, et le corps rien. »

Il n'appartient pas davantage à la matière de se donner le mouvement. Elle est sous nos yeux, cette matière, elle est entre nos mains, il ne dépend que de nous d'en apprécier le pouvoir. Mais à moins de nous aveugler volontairement, nous ne pouvons

méconnaître qu'elle ne soit inerte et passive; indifférente au mouvement, ou au repos. Un point en repos, dit le célèbre >> auteur du Système du monde', ne peut » se donner aucun mouvement, puisqu'il » ne renferme pas en lui-même de raison » pour se mouvoir dans un sens plutôt » que dans un autre. »

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Si le mouvement était essentiel à la matière nous ne pourrions jamais la concevoir en repos; si le repos lui était essentiel, jamais nous ne la concevrions en mouvement. Ainsi toute la nature serait, ou dans une agitation continuelle, ou dans un repos que rien ne pourrait troubler. Ce vaisseau qui fend l'onde avec rapidité serait éternellement resté dans le port, si l'être qui meut l'homme lui-même ne l'en eût fait sortir. Il irait se briser contre les écueils, si le même agent ne le dirigeait dans sa course et ne veillait à sa conservation. Le bon sens des hommes a depuis long-temps voué au ridicule ces atomes d'Épicure qui se meuvent et s'assemblent d'eux-mêmes ; et les païens les plus

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éclairés avaient compris que le mouvement ne pouvait venir à la matière que d'une nature au dessus d'elle : Mens agitat molem. Cette faculté d'imprimer le mouvement était à leurs yeux une vertu particulière de l'ame.' « Concevoir » la matière productrice du mouvement, >> dit Rousseau, c'est clairement concevoir >> un effet sans cause, c'est ne concevoir >> rien du tout. >>

De la sub

térielle.

Ce que nous venons de dire, prouve stance imma- évidemment qu'il faut chercher ailleurs que dans la substance étendue, le principe du mouvement, comme il faut y chercher le principe du sentiment, le principe de la pensée, de cette pensée qui distingue l'homme de tous les êtres visibles, et qui fait toute la dignité de sa nature. « Car » c'est de là qu'il faut nous relever, dit >> Pascal, et non de l'espace et de la durée. » Il y a donc en nous autre chose que ce que nos yeux aperçoivent ;

1 Hæc est propria natura animi atque vis. Cicer.

Ce corps lourd et grossier

N'est donc pas tout mon bien, n'est pas moi tout entier.1

Conclusion importante, à laquelle nous sommes invinciblement conduits.

Quelques philosophes modernes ont prétendu que le système de la spiritualité, tel qu'on l'admet aujourd'hui, était dû à Descartes. C'est une erreur. Descartes n'a rien appris à cet égard qu'on ne sût déjà; rien que Platon et Cicéron n'eussent entrevu, et que saint Augustin et les autres Docteurs de l'Église n'eussent complétement développé. On peut dire que la philosophie vraiment digne de ce nom, n'a fait que bien peu de progrès depuis les premiers temps du christianisme, et au fond, on sut alors tout ce qu'il était important de savoir.

Cicéron exprimait les idées les plus saines sur l'incompatibilité de la pensée avec les élémens connus : « Les élémens, » disait-il, n'ont rien qui fasse la mémoire, » l'intelligence, la réflexion, qui puisse

1 Racine le fils.

>>

rappeler le passé, prévoir l'avenir, em» brasser le présent. Jamais on ne trouvera » d'où l'homme reçoit ces diverses qualités, >> à moins de remonter à un Dieu. Il en » résulte que l'ame est d'une nature sin» gulière qui n'a rien de commun avec les » élémens que nous connaissons. Quelle » que soit donc la nature d'un être qui at » sentiment, intelligence, volonté, principe » de vie ; cet être-là est céleste, il est » divin, et dès lors immortel. >>

Voilà à quelle hauteur s'élevaient les païens dont la raison faisait de généreux efforts pour se dégager des ténèbres. Mais il fallait la révélation pour écarter tous les nuages, et découvrir pleinement la vérité touchant l'immatérialité de l'ame. Car les idées des anciens philosophes n'étaient pas bien arrêtées à cet égard, et beaucoup s'imaginaient que l'ame était formée d'un cinquième élément qu'ils ne croyaient pas absolument immatériel. Saint Augustin combattait cette opinion: « Si ceux, disait-il, » qui pensen ainsi, attachent aux mots » la même signification que nous, et en» tendent par corps ce qui est étendu >> suivant trois dimensions, et occupe un

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