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qui recherchez votre véritable condition >> par votre raison naturelle ? » Que verrezvous, pouvons-nous ajouter, dans cet être que vous avez si violemment séparé de son principe, de ce principe en qui seul il avait la vie, le mouvement et l'existence? Qu'apprendrez-vous de ces éternelles analyses des lois de la pensée, ou de ce que vous appelez la conscience? Que découvrirez-vous dans cette conscience où vous n'apercevez plus l'action de Dieu, ni sa lumière, ni sa vérité ? Dès les premiers pas vous vous égarez; vous chancelez entre les doctrines les plus opposées et les plus absurdes ; vous tombez de l'extravagante bassesse du matérialisme, dans la sublime extravagance de l'idéalisme; toujours d'extravagance en extravagance, sans jamais pouvoir vous arrêter sur la ligne du bon sens et de la vérité. Navigateurs imprudens, au lieu de lire votre route dans les cieux, vous abaissez vos regards vers la terre, et vous n'évitez un écueil que pour tomber dans un autre.

1

Rien n'est donc plus essentiel que de

1 M. Cousin.

rappeler les vérités qui servent de fondement à la vraie philosophie, et d'exposer les preuves qui les mettent à l'abri de toute attaque. Ces principes bien établis serviront à apprécier les divers systèmes et à démêler la vérité de l'erreur. Ce sera le fil qui dirigera la jeunesse dans les voies périlleuses de la philosophie, et la dégagera du labyrinthe ténébreux où des sophistes cherchent à l'entraîner. Cæca regens filo vestigia.1

La philosophie proprement dite a pour Définition objet la connaissance de Dieu et de nous- de la Philomêmes. Ce mot signifie amour de la sagesse,

parce que le fruit essentiel de cette étude est de nous rendre meilleurs. La sagesse est la compagne naturelle des vraies lumières.

Quelque imposant que soit ce nom de philosophie, gardons-nous de nous en laisser éblouir jusqu'à dire, que « la philosophie est la lumière de toutes les lu» mières, l'autorité des autorités. » La philosophie ne peut suppléer aux ensei

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1 Virgile.

sophie.

gnemens de la Religion, tandis que la Religion supplée abondamment aux leçons de la philosophie. Autant la foi est audessus de la raison, autant les doctrines de l'une sont au-dessus des connaissances de l'autre. Aussi les Juifs n'eurent-ils jamais d'autre philosophie que celle des Livres saints; et dans les premiers siècles du christianisme la philosophie était si négligée, qu'on n'en entendait plus parler dans l'Orient, ni dans la Grèce même. Les païens privés des lumières de la révélation s'appliquèrent à cette étude. Elle devint l'occupation de leurs plus beaux génies, et rien n'était plus honorable pour eux que ces recherches assidues sur l'origine du monde, sur la nature de la cause première, sur le principe pensant, sur la destinée future de l'homme, sur le souverain bien,

Et sit natura boni, summumque quid ejus. 1

quæ

2

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Assis dans les ombres de la mort ils s'efforçaient de remonter à la lumière, tandis que les sectateurs de la philosophie moderne se plaisent à replonger du sein de la lumière dans les ténèbres.

1 Horace.

divers sur le

principe de

La philosophie, comme toute autre Sentimens science, est une série, un enchaînement ou un système de vérités qui découlent certitude. les unes des autres. Il y aura donc un commencement à cette série, un premier anneau à cette chaîne ; il faudra un premier principe à ce système, qui, ne dérivant d'aucun autre, soit reconnu vrai par la seule lumière naturelle de l'esprit, indépendamment de tout raisonnement, antérieurement à toute démonstration. Et comme la solidité d'un édifice dépend de la solidité de sa base, la vérité d'une science dépendra de la certitude du premier principe sur lequel elle sera établie.

Mais c'est ici que commencent les grandes querelles des philosophes. Comment parviendront-ils à déterminer ce premier principe, cette base fondamentale de la philosophie? L'un rejette comme incertain, ce qui paraît évident à l'autre ; et après des siècles de controverses ils ne peuvent s'accorder sur le principe de certitude, ou, comme ils le disent, sur le critérium de la

vérité. Triste résultat, il faut l'avouer, de leurs profondes méditations! Tandis que l'homme simple, qui n'écoute que les inspirations d'un sens droit, n'a pas besoin de longues recherches pour trouver un appui solide à ses croyances; le savant philosophe s'embrouille de plus en plus, et on peut lui dire avec un peu plus de raison que ne le disait autrefois un Gouverneur romain à son auguste prisonnier : Vous vous égarez; votre grand savoir vous trouble l'esprit.'

Cependant, fatigués de ces vaines disputes, quelques écrivains de nos jours ont enfin résolu d'en appeler au sens commun. L'idée est bonne, mais l'a-t-on bien suivie? nous a-t-on donné véritablement une doctrine fondée sur le sens commun, et les nouveaux systèmes sont-ils à l'abri de toute contestation? Non sans doute, tant il est difficile que la paix puisse s'établir dans le camp des philosophes. Quoi qu'il en soit, nous essaierons de répondre à cet appel, et le sens commun ou le bon sens sera

Insanis, multæ te litteræ ad insaniam convertunt. Act.

Apost.

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