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quer, de terminer toutes les discussions par son autorité infaillible: ils ne vous comprennent dejà plus; ils ne peuvent croire à cette autorité; la lumière de leur raison s'est éteinte, et ce qu'il y a de plus singu lier, c'est qu'ils veulent passer pour esprits forts, au moment même où les aberrations de leur raison donnent une si grande preuve de leur faiblesse. « Les esprits forts, dit la Bruyère,» savent-ils qu'on ne les » appelle ainsi que par ironie? »

Les vérités que nous venons d'exposer Conclusion. sont la base de la saine doctrine philosophique, politique et religieuse. La lumière de l'entendement nous les découvre. Nous en trouvons le fondement et la certitude dans notre raison individuelle " et c'est par-là que nous comprenons toute l'excellence de notre nature. Ce ne sont ni les sens, ni la parole transmise par la société, ni l'autorité du genre humain qui nous apportent la vérité. Le germe en est dans nos ames; les premiers principes en sont innés, et se développent au moyen du raisonnement dont les règles se trou

vent aussi naturellement en nous. Tout l'art consiste à tirer de justes conséquences de ces principes primitifs. C'était l'art de Socrate, qui se disait accoucheur des esprits, pour faire entendre qu'il prétendait moins leur enseigner des choses nouvelles, que les faire ressouvenir en quelque sorte de ce qu'ils savaient.

Mais dans le siècle du scepticisme et du matérialisme on ne croit guère aux idées innées; la vérité n'est qu'un nom, et on s'en inquiète peu. L'enseignement de la philosophie ne remonte plus aux principes, il se borne à l'histoire de tout ce que l'esprit humain a enfanté d'erreurs depuis Thalès jusqu'à nous; depuis les atomes d'Épicure jusqu'à la sécrétion de la pensée par le cerveau. C'est au milieu de cet amas de corruption et de folies où l'intelligence humaine trouve la mort, que les philosophes modernes, prudens éclectiques, promènent la jeunesse, sans armer sa main d'un fil salutaire qui puisse guider ses pas.

Depuis le commencement de l'ère chrétienne jusqu'au 18e siècle, l'état de la

société ne fut soumis à d'autre influence bien marquée, qu'à celle de la religion. La philosophie était reléguée dans les écoles, et les questions qu'elle traitait étaient jugées et terminées par l'autorité irréfragable de la religion. Mais dans ce 18e siècle, si fatal au monde, la philosophie se révolta contre l'autorité à laquelle elle devait être subordonnée; elle éleva autel contre autel, et son influence fut immense. On peut dire qu'un nouveau cataclysme plus terrible que l'ancien perdit l'univers. Les cataractes du ciel ne furent pas rompues pour submerger l'homme coupable; mais le puits de l'abîme s'ouvrit, et toutes les erreurs inondèrent la face de la terre. La paix fut bannie de la société; les progrès rapides du philosophisme, et les révolutions qui en furent la suite, ôtèrent jusqu'à l'espérance de revoir jamais des jours heureux. Oui, jusqu'à l'espérance! car il n'en est pas des maux causés par les doctrines comme de ceux qui peuvent être occasionnés par la guerre, ou par l'ambition d'un conquérant, ou par le soulèvement d'un peuple irrité. La paix répare les ravages de la guerre; la mort fait justice de l'ambitieux; le peuple se fatigue

de la sédition. Mais les révolutions opérées par les doctrines sont d'une toute autre. conséquence. Elles ne sauraient trouver de remède que dans des doctrines opposées; et comment les faire goûter à des cœurs corrompus, à des esprits séduits et aveuglés? Les moyens naturels sont ici insuffisans; il faut que le ciel intervienne. Depuis douze cents ans les doctrines du mahométisme pèsent sur l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Elles sèment la désolation et la mort partout où elle s'introduisent, et rien encore n'en fait présager la fin. La puissance des doctrines du philosophisme est-elle moins redoutable? Ces doctrines sont-elles moins répandues? Flattent-elles moins les penchans désordonnés ? Ontelles moins de moyens de se propager? Elles ont trouvé des souverains faciles; des courtisans dépravés; des peuples dont la foi était affaiblie et pareilles à un incendie excité par un souffle violent, elles ont embrasé le monde.

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S'il est vrai, comme l'assure le plus grand philosophe de l'Allemagne, qu'une bonne éducation de la jeunesse réformerait le genre humain; tout espoir ne serait

pas perdu; il y aurait encore quelques ressources, mais il faudrait se hâter d'en user. L'étude de la saine philosophie doit être regardée aujourd'hui comme une partie essentielle de l'éducation. Il ne s'agit plus de se jeter dans des questions oiseuses et qui ne sont d'aucune application : il faut aller au plus pressé; se fixer à une suite de principes dont l'utilité soit évidente, la certitude incontestable; qui soient appropriés aux erreurs présentes; déduits avec ordre et clarté des lumières de la raison; soutenus par les principes de la foi, et contre lesquels tous les sophismes viennent échouer. Pourquoi négligerait-on une étude aussi importante? N'est-ce rien que de se connaître soi-même ; sa nature, ses rapports avec Dieu et avec ses semblables? Vaut-il mieux s'occuper des détails d'une plante ou d'un papillon? Environnés par l'erreur; cernés de toutes parts, comme les ombres malheureuses que les anciens nous représentent au milieu des marais du Styx, neuf fois replié sur lui-même ; pourquoi ne ferait-on pas de généreux efforts pour rentrer dans les voies de la vérité ?

Ce qui dégoûte trop souvent de la vraie

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