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C'est ainsi que la manière dont nous connaissons ce qui est de la loi naturelle, se distingue de la manière dont nous connaissons ce qui appartient à la révélation.

Nous verrons facilement encore ce que l'on doit penser de quelques autres opinions singulières que l'on émet dans de nouveaux ouvrages de philosophie. « L'homme, dit-on, ne saurait découvrir » par lui-même aucune vérité intellec»tuelle, morale, ou religieuse; tout son » pouvoir se borne à étudier les croyances » sociales ; à recueillir ce que les jugemens » individuels ont de semblable: la faculté » de juger ne se développe qu'en société » et par la société. » Langage bizarre, insolite, propre à brouiller toutes les idées. La société ne fait que développer davantage les principes qui sont en nous antérieurement à elle-même, antérieurément à touté instruction, mais elle ne les transmet pas. Tout ce que nous apprenons ou de nousmêmes ou des autres a pour base ces principes primitifs, et n'en est qu'une extension, comme la géométrie n'est que

le développement de certains axiomes fondamentaux. La société développe bien ou mal ces principes; l'instruction que nous en recevons est bonne ou mauvaise; mais la lumière qui est naturellement en nous, nous rend juges de cette instruction. En sorte que l'erreur est presque toujours coupable, parce que la faculté de discerner le bien et le mal est en nous indépendamment de la société.

De la vérité.

Nous parlons souvent de la vérité, les sages en font l'objet continuel de leurs méditations et de leurs recherches, mais la plupart des hommes, insoucians et légers, et ceux qui ne voient dans l'univers que de la boue organisée, ne croient pas à la vérité. Si vous leur en parlez, ils vous répondent dédaigneusement comme Pilate : Qu'est-ce que la vérité ? Quid est veritas? Et comme ils ne se sont jamais élevés jusqu'à la source d'où elle descend, ils s'imaginent qu'il n'y a rien de vrai, rien de fixe et d'immuable et que tout se

réduit à des conventions humaines. Mais les principes que nous venons d'établir

nous font voir ce que c'est que la vérité; où elle réside; où se trouve la règle de nos jugemens, et le fondement de la certitude.

Nous avons dit, d'après la définition même de l'évêque de Meaux, que l'entendement était une lumière que Dieu nous avait donnée pour nous conduire, et nous avons prouvé que, sans cette lumière primitive, l'homme serait incapable de recevoir aucune instruction, et ne différerait pas de la brute.

Or ce que nous découvrons à l'aide de cette lumière; ce qui est conforme à ces principes primitifs, est vrai, parce que cette lumière vient de Dieu qui est la source de toute vérité, qui est la vérité même.

L'intelligence humaine étant une image de l'Intelligence divine, la lumière qui éclaire l'homme est un écoulement et une participation de la lumière de Dieu. Ainsi c'est toujours cette lumière immuable et infinie qui éclaire tous les esprits, comme le soleil éclaire tous les corps; et qui, en

se communiquant à chacun, quoique dans des degrés divers, découvre néanmoins à tous ces mêmes vérités premières qui dirigent leurs raisonnemens, règlent leurs jugemens, président à toutes leurs connaissances. Aussi, dans tous les temps et dans tous les lieux , malgré la diversité des lois et des usages, malgré les caprices et les passions des hommes, on s'est toujours accordé sur certains principes fondamentaux, sur la distinction du bien et du mal, sur l'horreur du vice, et sur l'estime de la vertu.

Si toutes les vérités venaient des sens, nous ne pourrions jamais prononcer ou juger entre la vérité et l'erreur, car tout jugement suppose une règle qui précède :

Ante laborem, ante artificem stat certa laboris
Regula: sic et mente prior stat regula mentis.1

Si rien ne précédait en nous ce que les sens y apportent, notre esprit, dépourvu de toute lumière, privé de toute connais sance antérieure, serait sans règle fixé pour asseoir ses jugemens, et tout serait variable

1 Anti-Lucrèce.

au gré des fantaisies humaines. Mais il n'en est pas ainsi, la vérité vient de plus haut: « Les sens, dit Bossuet, dit Bossuet, n'en apportent » pas à l'ame la connaissance; ils l'exci» tent, ils la réveillent, ils l'avertissent » de certains effets; elle est sollicitée à » chercher les causes mais elle ne les » découvre, elle n'en voit les liaisons ni » les principes qui font tout mouvoir, que » dans une lumière supérieure, qui vient » de Dieu, ou qui est Dieu même. Dieu » donc est la vérité; d'elle-même toujours » présente à tous les esprits, et la vraie » source de l'intelligence. »

Cette doctrine n'est pas celle de la philosophie moderne, qui, peu disposée à croire à la vérité, ou désespérant de l'atteindre, ne s'occupe que du calcul des probabilités. Elle aime à répéter avec Pascal, que quelques degrés d'élévation du pôle peuvent renverser toute la jurisprudence, et qu'un méridien décide de la vérité. Mais Pascal ne voulait montrer que la faiblesse de l'homme abandonné à lui-même, et déchu de sa grandeur originelle; et non l'instabilité de la vérité. Il soutenait, au contraire, «< qu'il y avait des vérités im

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