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C'est surtout par la raison que l'homme se distingue de tous les êtres qui sont dans l'univers. Il a seul la connaissance du bien et du mal; il éprouve une horreur naturelle pour le vice et de l'attrait pour la vertu. Les remords le tourmentent, s'il suit sa volonté déréglée; il sent alors qu'il n'a pas agi conformément à la raison, c'est-à-dire, à la loi qui est en lui, et qu'il ne peut méconnaître. Cette loi est la loi naturelle. Elle est la même chez tous

les hommes parce que c'est la même vérité qui éclaire tous les esprits. Loi innée qui a été reconnue indépendamment des lumières de la révélation, et dont les païens ont parlé avec autant de justesse que les chrétiens. Il est une loi, dit » Cicéron, conforme à la nature et à la » droite raison, répandue dans tous; une » loi non écrite, mais innée; une loi que »> nous n'avons ni apprise de nos maîtres, » ni reçue de nos pères, ni étudiée dans » nos livres nous la tenons de la nature » même ; nous l'avons puisée dans son » sein; c'est elle qui nous l'a inspirée; ni » les leçons, ni les préceptes ne nous ont » instruits à la pratiquer. Nous l'observons

>> par sentiment, nos ames en sont péné»trées : Est igitur hæc non scripta sed » nata lex; quam non didicimus, accépimus, legimus, verùm ex naturá ipsâ » arripuimus, hausimus hausimus, expressimus. » << Comment distinguerons-nous, ajoute-t-il » ailleurs, une bonne loi d'une mauvaise, » si ce n'est par sa conformité à la loi » naturelle, à cette loi primitive, con

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temporaine de la Divinité, et qui n'est >> autre que la droite raison du Dieu suprême: Ratio est recta summi Jovis. » Le chrétien éclairé par la révélation,ne s'exprimerait pas mieux.

Il faut donc reconnaître qu'il y a en nous un fond de raison qui nous dirige; une droiture originelle qui préexiste à toute société, et sans laquelle la société nous parlerait en vain.

Avant même que Rome eût gravé douze tables,
Mélius et Tarquin n'étaient pas moins coupables.

Loi éternelle, irrévocable, que Dieu a gravée dans nos cœurs en les formant

Lex vera atque princeps.

Racine le fils.

Opus legis scriptum in cordibus, dit saint Paul. Gravée, non comme cette empreinte grossière du cachet sur la cire, ou comme ces traits que l'ouvrier trace sur le bronze, ou le marbre, mais comme cette image de lui-même que le Créateur a daigné

retracer en nous.

Fut-il en effet jamais nécessaire qu'on nous prouvât la vérité de ce qui était exprimé par les mots de justice, d'ordre, de vertu, de bien et de mal? L'impression s'en fit sentir au fond de nous-mêmes, et nous comprîmes sans explication, l'excellence de la justice, la nécessité de l'ordre, les avantages de la vertu, la distinction du bien et du mal. « Lorsque » je vois un meurtre, ne faut-il pas, dit » M. de Bonald, que j'aie dans l'esprit, » antérieurement à cette sensation, des »> notions du juste et de l'injuste, pour > savoir dans quel rang je dois placer cette >> action, et s'il faut la regarder comme » un crime, ou comme un acte légitime » de pouvoir public ou de défense per>>sonnelle ? »

Telle est la loi naturelle. Ceux qui ont l'usage de la parole, la lisent en quelque sorte dans leur coeur : Opus legis scriptum in cordibus suis; ils y trouvent les notions premières qui leur sont indispensables, et qu'ils ont reçues, non par voie de révélation, mais qui ont été écrites dans leurs ames en même temps qu'elles ont été créées. Quant à ceux qui n'ont pu avoir aucune connaissance du langage, et par conséquent de leurs propres idées dont la parole est l'expression, nous ne dirons pas sans doute, qu'ils n'ont pas quelque sentiment de la loi aussi écrite dans leur coeur; mais nous dirons que nous ignorons de quelle manière et jusqu'à quel point cette loi naturelle peut leur être connue. Dieu seul le sait. Ils se trouvent dans un état extraordinaire, et nous ne devons nous occuper que de l'homme dans son état naturel, et jouissant de la plénitude de ses facultés. Laissons des questions insolubles, et reposons-nous sur la sagesse de Dieu qui ne manque à aucune de ses créatures.

erreurs.

Il est nécessaire d'insister sur ces vérités, Réfutation parce qu'il s'introduit aujourd'hui, touchant des nouvelles la loi naturelle, de nouveaux systèmes en contradiction avec les idées de tous les siècles et le langage des écrivains sacrés. Mais les principes que nous avons posés suffiront pour préserver de toute erreur. « Dieu, nous dit-on, révéla par la parole » au commencement du monde la loi » appelée naturelle. » C'est faux ; il n'y eut point alors de révélation de cette loi: mais la parole donnée à l'homme lui fit connaître ce qui était écrit dans son cœur. « Les vérités morales, dit très-bien M. de » Bonald, sont écrites dans le cœur de » l'homme, où elles attendent que la parole » transmise à chaque homme, suivant les » lois générales du Créateur, vienne les ren» dre visibles pour l'esprit. » Ainsi la parole a été transmise, mais la loi était déjà dans le cœur, où elle attendait la parole. L'éloquent évêque de Troyes s'exprime de la même manière : « Nous avouons, dit-il, » que le texte de cette loi naturelle gravée

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