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domaine entre vifs ou à cause de mort, avec son appareil 1, c'est-à-dire avec toutes les choses qu'il comprenait, telles que les troupeaux, les esclaves, on pouvait toujours séparer l'un de l'autre sans que l'esclave fùt admis à réclamer contre une pareille disposition. L'immobilisation au sol était, nous le répétons, moins une aggravation de condition qu'un privilège particulier à la classe intermédiaire des colons; privilège qui distinguait l'homme de la bête et de la charrue, et plaçait ainsi le colon ascriptice sur un échelon plus élevé que le colon esclave. Cette distinction importante a été méconnue par Cujas, et par des auteurs graves, qui, confondant avec lui l'esclave et l'inquilin, ont attribué au premier, comme marque de servitude, ce qui appartenait au second, et le classait parmi les hommes libres 2; car, à cette époque d'esclavage pur,

Suavissimæ patriæ volo 'in partem suam dari, et ipsi separatim adjudico prædia omnia quæcunque in Syria possideo, cum omnibus in eis existentibus, et pecoribus, et servis, et fructibus, et usu consumptibilibus, et apparatu omni. Dig., lib. xxxII, tit. Legat et Fidec.

:

de

* Voir M. Troplong, de l'Echange et du Louage, préf., p. 43 et 45. La loi 7 au Code, de Agricolis, en appliquant l'épithète de servus au censitus, ne donne pas à ce mot un sens absolu ainsi que le fait remarquer la glose 3, le censitus n'est esclave que jusqu'à un certain point. Cela ressort aussi de la loi 20, Ne diutius', au même titre. Du reste le mot rusticos de la première de ces deux lois n'est pas, comme le pense l'auteur avec lequel nous différons d'opinion, qualificatif du mot servos : la glose 2 dit positivement et avec raison que le mot rusticos est pris dans sa plus large acception, et comme synonyme de colonos.

c'était un grand avantage pour le colon attaché au sol de ne pouvoir en être distrait selon le caprice du possesseur.

Propriété du maître, le colon esclave lui devait compte de tous les fruits du sol: nourri, vêtu, logé, il n'avait droit à aucune part des produits du domaine, et il s'exposait à de rigoureux châtiments s'il cherchait à s'en approprier quelques-uns aussi les procédés agricoles employés par les colons esclaves étaientils des plus mauvais, et Columelle fait une longue énumération des préjudices que cette espèce d'agriculteurs causaient aux propriétaires des villa.

Le colon esclave n'augmentait donc pas son bienêtre par le travail. D'un autre côté, comme tout ce qu'il acquérait était acquis au maître, il en résultait qu'il n'amassait de pécule qu'autant que celui-ci le permettait, expressément ou tacitement 2. Dans ce cas l'esclave ne possédait pas civilement : il détenait corporellement le pécule « comme un âne tient une selle, dit énergiquement Cujas » 3: il ne lui était pas permis de le vendre à son profit ; il pouvait seulement le mettre en gage ou l'aliéner dans

'Et quodcunque per servum adquiritur in domino adquiritur. Dig., lib. 1, tit. vi, 1. 1.

'L. Quam Tuberonis.

- Dig., lib. xv, tit. 1, de Peculio.

'Servus non potest possidere peculium nec aliud civiliter vel

naturaliter; sed potest tenere peculium ut asinus sellam.

Quod servus. Dig., lib. Xu, tit. 11.

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'L. Si liberam, 13. Cod., lib. x, tit. xxvI.

Ad 1.

l'intérêt du pécule lui-même, mais non le donner sous quelque prétexte que ce fùt1. Faut-il s'étonner que, dans de pareilles conditions, et malgré les peines qu'il encourait, l'esclave agricole, comme l'esclave domestique, trompât son maître, et que le nom d'esclave füt devenu synonyme de voleur ??

Nous n'avons pas à nous étendre plus longuement ici sur la condition des esclaves en général, qui est connue de tout le monde; quant aux colons esclaves, les chapitres suivants nous fourniront l'occasion d'entrer dans de plus grands détails sur leurs travaux, leurs habitudes, les traitements dont ils étaient l'objet. Nous ajouterons seulement, en terminant, que, de même que les fonds urbains et ruraux n'empruntaient pas leurs noms à la nature du terrain, en sorte qu'un fonds rural pouvait être dans l'enclave de la cité, et réciproquement; de même l'esclave rustique n'était pas distingué de l'esclave de ville par le lieu qu'il habitait, mais bien par l'usage auquel il était destiné 3; car celui qui vivait à la campagne sans cultiver la terre, celui-là même qui ne travaillait aux champs que momentanément et en punition d'une faute, l'enfant d'une esclave urbaine envoyé dans une métairie pour y être nourri, n'é

'L. 18, § 4, de Pignerat. act.

2

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Dig., lib. xi, tit. vu.

Emptor scire debet quod si servus ergo fur.

Accur. glos. Quanto minori, in l. Julianus, de Action. — Dig., lib. xix, tit. 1.

3 Dig., lib. xxx, tit. 1, 1. Servis urbanis, et lib. xxxiv, l. 12.

taient pas esclaves agricoles: on ne comprenait sous ce nom que ceux qui étaient spécialement attachés avec leur famille à la culture du sol.

'Dig., lib. xxx, t. 1, 1. Servis urbanis.

CHAPITRE V.

Exploitations agricoles.

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Leur organisation.

Leurs divers noms.

Le lieu. Le champ et la possession. La

La villa.

trois parties.

Le tugurium.

Division de la villa en

Personnel des exploitations rurales. Les merce

naires et les esclaves. — Les laboureurs, les bouviers, les vignerons,

les valets, les bergers, les gardes champêtres.

- · Les moniteurs. —

Le villicus. Soin extrême que l'on mettait à le choisir. — Quelles qualités il devait avoir. Quel était son emploi. L'intendant. Ouvriers industriels attachés à la villa.

La condition des trois espèces d'agriculteurs que nous venons de décrire ne nous serait pas bien connue si nous ne nous rendions pas compte de l'organisation des exploitations rurales auxquelles ils étaient attachés. Si l'histoire de chacune des classes d'une société se retrouve principalement dans sa législation, il faut la chercher encore dans des faits qui, pour la plupart, échappent à l'action de la loi; dans des habitudes particulières indépendantes

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