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sultation dans les hôpitaux: la statistique des personnes qui viennent de chez elles demander un avis aux médecins et non pour entrer à l'hôpital. Mais il a une façon toute personnelle d'interpréter les statistiques. Elle me paraît juste, d'ailleurs. On serait généralement porté à dire que les jours où il va le plus de monde à la consultation de l'hôpital sont ceux où l'on se porte le moins bien. Pas du tout, dit M. Dexter. Une haute proportion de visites à la consultation (médicale, les cas de chirurgie sont exclus pour des raisons qu'il est inutile de développer) indique un état sanitaire meilleur. En effet, ce n'est pas quand on est sérieusement malade qu'on va chercher un avis: c'est quand on a la force nécessaire, c'est quand on se porte assez bien pour sortir. Les consultants sont des personnes atteintes d'affections chroniques qui ont besoin d'être vues de loin en loin par le médecin. Bien certainement, ce n'est pas lorsqu'elles se sentent le moins fortes qu'elles vont affronter la fatigue; c'est, au contraire, quand elles éprouvent un mieux, une rémission. A climat égal, naturellement, car il est certain qu'un très mauvais temps suffit, par lui-même, à diminuer le nombre des consultants. Donc, peu de consultants, état sanitaire moins satisfaisant. La courbe relative à ceux-ci veut une interprétation spéciale, une interprétation tout opposée à celle de la courbe des policemen. Car, évidemment, beaucoup d'absences à l'appel, cela signifie beaucoup d'indispositions, un état sanitaire moins bon. De même pour la courbe de la mortalité, qui se joint aux précédentes. Les jours où l'on meurt le plus sont, à coup sûr, ceux où la vitalité est diminuée. Les malades meurent, les bien portants sont un peu moins bien portants.

Si nous prenons l'ensemble des résultats relatifs à la

santé, il apparaît nettement que la mort et la maladie sont plus fréquentes en hiver et au printemps; la mortalité, toutefois, est très accrue par la chaleur de l'été, tandis que la morbidité l'est par le froid de l'hiver. A l'égard des autres conditions météorologiques, voici ce que l'on observe: diminution de mortalité et de morbidité par temps sec, augmentation par temps humide; excès par temps calme, diminution par temps modérément venteux, et excès par temps de grand vent. Excès aussi les jours nuageux et pluvieux. Passons maintenant à un autre sujet : celui du suicide. Le temps a, évidemment, une grande influence sur le suicide. Celui-ci est volontiers épidémique. Il est vrai que, assez souvent, c'est affaire de psychologie, mais il y a aussi manifestement des moments où les suicides se font plus nombreux sans qu'il y ait à invoquer une contagion ou de l'imitation. Ces recrudescences sont en connexion avec l'état météorologique, et ceci est un des résultats particulièrement nets et importants de l'étude de M. Dexter. C'est par temps chaud, surtout, qu'on se tue; en hiver il y a une diminution notable. Mais la courbe remonte en avril et mai, à New-York. Morselli a constaté le même fait en Europe pour mai et juin. En outre, le suicide est plus fréquent à pressions extrêmes; il augmente à mesure que le vent et l'humidité sont plus marqués; il est à son maximum les jours clairs et secs. On aurait cru que ce sont les jours sombres et tristes qui font le plus de suicides: pas du tout.

Pareillement, on aurait cru que l'alcoolisme, ou plutôt l'ivrognerie, est un vice plus fréquent en été. En été on a soif, et par là on est plus exposé à s'enivrer. En théorie peut-être, mais en pratique, non. La diminution de l'ivrognerie est sensible pendant la saison chaude: le

maximum, aux Etats-Unis, correspond aux mois d'octobre, novembre et décembre. Le vent agit beaucoup: on s'enivre peu en temps calme, beaucoup par temps venteux et humide, d'ordinaire à basse pression; les jours clairs et ensoleillés sont aussi parmi ceux où l'on boit trop. Décidément les belles journées s'accompagnent de beaucoup d'actes dénués de beauté.

Mais continuons la revue des conclusions auxquelles arrive M. Dexter. Voici ce qui concerne la psychologie, en commençant par les erreurs des caissiers et comptables. L'étude de M. Dexter porte sur près de 3700 erreurs faites en deux ans par 140 employés de quelques grandes banques de New-York: il s'agit d'erreurs qui n'ont pas été découvertes et corrigées aussitôt ou avant la fin de la journée. Ces erreurs sont plus fréquentes en été; il y a un déficit d'erreurs notables en avril et mai, mais un excédent marqué en octobre, novembre et décembre. La courbe des erreurs est très similaire à celle de la mortalité.... Il semble qu'on se trompe le plus aux moments où la vitalité est la moindre. En mars, toutefois, l'excès n'a rien à voir avec la vitalité; il est plutôt dû à l'inconfort d'une saison de transition, où l'on ne sait guère comment s'habiller, et où tous les désagréments des différentes saisons semblent se donner rendez-vous pour compliquer la vie et la circulation. Le déficit d'erreurs en septembre semble dû à ce qu'avec la fraîcheur la vitalité revient. L'excès de la fin de l'année s'explique par la reprise des affaires et la presse qui l'accompagne. Il y a beaucoup d'erreurs les jours humides, peu avec vent modéré, beaucoup les jours nuageux et pluvieux.

Que peut-on tirer de tout cela? Existe-t-il quelque vue d'ensemble qui cadre avec les faits qui viennent

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d'être énumérés, quelque explication générale ? M. Dexter le croit. Mais, pour les dégager, il faut revenir sur les faits en les présentant autrement; en partant, non des faits mêmes, mais des conditions particulières dans lesquelles ils se présentent, en énumérant quels sont les effets généraux des différents éléments météorologiques.

Dans l'ensemble, nous l'avons vu, les mois froids sont des périodes de repos, des périodes de déficit des différentes activités tour à tour considérées. Sauf pour la maladie, la mort et l'ivrognerie, il y a déficit en hiver. A mesure qu'on avance dans l'année, tout le groupe des activités qui était en déficit en hiver se réveille; il atteint son apogée, il est le plus en excès à la période la plus chaude. Il n'y a guère que le suicide, la folie, la mauvaise conduite dans les prisons qui arrivent au paroxysme plus tôt, un peu avant le maximum thermique de l'été, avec tendance à diminuer pendant ce maximum. L'activité qui est la plus excessive en été est celle qui se manifeste par les coups et blessures; pour le sexe masculin, la courbe est presque superposable à celle des températures. A noter que, pourtant, la conduite des enfants à l'école est optima pour les journées les plus chaudes; mais, ici, ce n'est pas la température qui agit, ce sont des raisons psychologiques. Les mois les plus chauds de l'année scolaire sont, en Amérique, ceux où celle-ci commence et où elle finit. Or, au premier mois, la discipline n'a pas encore toute la rigidité qu'elle prend plus tard; il y a donc moins d'inconduite enregistrée; au dernier, la discipline se relâche un peu, le maître est moins exigeant.

Certaines activités sont autrement influencées par la température. Le froid les stimule, au lieu de les modérer, comme cela a lieu pour d'autres; la morbidité, la

mortalité, l'ivrognerie sont en excès en hiver, au minimum en été. Mais ces variations, ici en défaut, là en excès, sont-elles un effet de la température? Il est facile de s'en rendre compte: tout l'hiver n'est pas invariablement froid ni tout l'été régulièrement chaud; on peut voir ce qui se passe de particulier les jours anormaux. Par cette méthode, on constate que l'excès d'ivrognerie, de morbidité et de suicide est bien dû au froid; c'est aussi le froid qui est responsable de l'excès d'arrestations pour cause de folie, et des erreurs de comptes, et du déficit de coups et blessures. En somme, le froid diminue la morbidité et l'ivrognerie; la chaleur augmente la criminalité et la folie. Des autres manifestations, M. Dexter tient un moindre compte; elles s'exercent en milieu clos, où les variations thermiques sont moins accentuées.

Au baromètre, maintenant. Son action est très marquée, plus encore que celle du thermomètre, sauf en ce qui concerne la morbidité, l'ivrognerie surtout, un peu le suicide, et aussi les erreurs de banque; la courbe du baromètre et celle des autres formes d'activité étudiées par M. Dexter coïncident tout à fait en ce que, sit venia verbo, elles sont exactement inverses. C'est-àdire qu'il y a excès pour les basses pressions et déficit pour les hautes. Beaucoup de morbidité avec le baromètre bas, beaucoup de suicides, d'inconduite, de criminalité et de folie. Seule l'ivrognerie est en déficit, avec l'inattention.

L'hygromètre joue aussi son rôle. Car il est certain que le degré d'humidité de l'atmosphère a une influence considérable sur le moral et la moralité. Il y a excès, et parfois excès très prononcé, des différentes activités par la sécheresse; il y a déficit, au contraire, quand l'air est

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