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testablement le Couchant. Il eft vrai qu'il y a 2 un vieux Commentateur, qui a mis dans une petite note, qu'Homère, par ces mots, a voulu auffi marquer, qu'il y avoit dans cette Ifle un antre, où l'on faifoit voir les tours ou converfions du Soleil. On ne fait pas trop bien ce qu'a voulu dire par là ce Commentateur, auffi obfcur qu'Homère eft clair. Mais ce qu'il y a de certain, c'est que ni lui, ni pas un autre, n'ont jamais prétendu qu'Homère ait voulu dire que l'Ile de Syros étoit située fous le Tropique: & que l'on n'a jamais attaqué ni défendu ce_grand Poëte fur cette erreur; parce qu'on ne la lui a jamais imputée. Le feul Mr. Perrault, qui, comme je l'ai montré par tant de preuves, ne fait point le Grec, & qui fait fi peu la Géographie, que dans un de fes Ouvrages 22 il a mis le fleuve de Méandre, & par conféquent la Phrygie & Troie, dans la Grèce, le feul Mr. Perrault, dis-je, vient, fur l'idée chimerique qu'il s'eft mife dans l'efprit, & peut-être fur quelque miferable Note d'un Pédant, accufer un Poëte, regardé par tous les anciens Géographes comme le Pere de la Géographie, d'avoir mis l'Ile de Syros, & la Mer Méditerranée, fous le Tropique; faute qu'un petit Ecolier n'auroit pas faite: & non feulement il l'en accufe, mais il fuppofe que c'est une chofe reconnue de tout le monde, & que les Interprètes ont tâché en vain de fauver, en expliquant, dit-il, ce paffage du Quadran que Phérecydès, qui vivoit trois cens ans depuis Homère, avoit fait dans l'Ifle de Syros: quoi qu'Euftathius, le feul Commentateur qui a bien entendu Homère, ne dife rien de cette interprétation; qui ne peut avoir été donnée à Homère que par quelque Commentateur de 23 Diogène Laërce, 24lequel Commentateur je ne connois point. Voilà les belles preuves, par où notre Cenfeur prétend faire voir qu'Homère ne favoit point les Arts; & qui ne font voir autre chofe, finon que Mr. Perrault ne fait point de Grec, 25 qu'il entend médiocrement le Latin, & ne connoît lui-même en aucune forte les Arts.

est

Il a fait les autres bévûës pour n'avoir pas entendu le Grec; mais il eft tombé dans la cinquième erreur, pour n'avoir pas entendu le Latin. La voici. * Ulyffe dans l'Odyffée eft, dit-il, reconnu par fon Chien, qui ne l'avoit point vu depuis vingt ans. Cependant Pline affûre que les Chiens

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Chiens ne passent jamais quinze ans. Mr. Perrault fur cela fait le procès à Homère, comme aïant infailliblement tort d'avoir fait vivre un Chien vingt ans : Pline affûrant que les Chiens n'en peuvent vivre que quinze. Il me permettra de lui dire que c'eft condamner un peu légèrement Homère; puifque non feulement Ariftote, ainfi qu'il l'avouë lui-même, mais tous les Naturalistes modernes, comme Jonfton, Aldroand, &c. affûrent qu'il y a des Chiens qui vivent vingt années: que même je pourrois lui citer des exemples dans notre fiècle, 26 de Chiens qui en ont vêcu jusqu'à vingt-deux; & qu'enfin Pline, quoi qu'Ecrivain admirable, a été convaincu, comme chacun fait, de s'être trompé plus d'une fois fur les chofes de la Nature; au lieu qu'Homère, avant les Dialogues de Mr. Perrault, n'a jamais été même accufé fur ce point d'aucune erreur. Mais quoi? Mr. Perrault eft résolu de ne croire aujourd'hui que Pline, pour lequel il eft, dit-il, prêt à parier. Il faut donc le fatisfaire, & lui apporter l'autorité de Pline lui-même, qu'il n'a point lû, ou qu'il n'a point entendu, & qui dit pofitivement la même chofe qu'Ariftote & tous les autres Naturalistes: c'est à savoir, que les Chiens ne vivent ordinairement que quinze ans qu'il y en a quelquefois qui vont jufques à vingt. Voici les termes: * Cette espèce de Chiens, qu'on appèle Chiens de Laconie, ne vivent que dix ans: Toutes les autres espèces de Chiens vivent ordinairement quinze ans, & vont quelquefois jufques à vingt. CANES Laconici vivunt annis denis, cetera genera quindecim annos, aliquando viginti. Qui pourroit croire que notre Cenfeur voulant, fur l'autorité de Pline, accufer d'erreur un auffi grand perfonnage qu'Homère, ne fe donne pas la peine de lire le paffage de Pline, ou de fe le faire expliquer ; & qu'enfuite de tout ce grand nombre de bévûës, entaffées les unes fur les autres dans un fi petit nombre de pages, il ait la hardieffe de conclure, comme il a fait: qu'il ne trouve point d'inconvénient (ce font fes termes) qu'Homère, qui eft mauvais Aftronome & mauvais Géographe, ne foit pas bon Naturaliste? Y a-t-il un homme fenfé, qui lifant ces abfurditez, dites avec tant de hauteur dans les Dialogues de Mr. Perrault, puiffe s'empêcher de jetter de colère le Livre, & de dire com

REMARQUE S.

mais

me

26. De Chiens qui en ont vecu &c.] C'eft le Roi que les Chiens ne vivoient pas jufqu'à vingt ans. lui-même qui a fourni cet exemple à notre Au- Perrault fe trompe, dit le Roi j'ai eu un Chien qui teur. Sa Majefté s'informant du fujet de la dif- a vécu vingt trois ans. » Tout ce que Mr. Perpute de M. Defpréaux avec M. Perrault; Mr. le rault pourra dire, ajoùte Mr. Defpréaux dans Marquis de Termes en expliqua les principaux une Lettre du 29. Décembre 1701.,, C'est chefs au Roi, & lui dit entr'autres que Mr. Per- » que ce Prince eft accoûtumé aux miracles, & rault foûtenoit, contre le témoignage d'Homère,,, à des événemens qui n'arrivent qu'à lui feul;

Pline, Hift. nat. liv. X.

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&

me Démiphon * dans Terence, 27 Ipfum geftio dari mi in confpec

tum?

Je ferois un gros volume, fi je voulois lui montrer toutes les autres bévûës qui font dans les sept ou huit pages que je viens d'examiner, y en aïant prefque encore un auffi grand nombre que je paffe, & que peut-être je lui ferai voir dans la première édition de mon Livre ; fi je voi que les hommes daignent jetter les yeux fur ces éruditions Grecques, & lire des Remarques faites fur un Livre que perfonne ne lit.

REFLEXION IV.

C'est ce qu'on peut voir dans la defcription de la Déeffe Difcorde, qui a, dit-il †,
La tête dans les Cieux, & les piés fur la terre.
PAROLES de Longin, CH. III.

V

IRGILE a traduit ce Vers presque mot pour mot dans le quatrième Livre de l'Eneide +, appliquant à la Renommée ce qu'Homère dit de la Difcorde:

Ingrediturque folo, & caput inter nubila condit.

I

Un fi beau Vers imité par Virgile, & admiré par Longin, n'a pas été néanmoins à couvert de la critique de Mr. Perrault, qui trouve cette hyperbole outrée, & la met au rang des contes de peau-d'âne. Il n'a pas pris garde, que même dans le discours ordinaire, il nous échape tous les jours des hyperboles plus fortes que celle-là, qui ne dit au fond que ce qui eft très-veritable; c'eft à favoir, que la Difcorde regne par tout fur la Terre, & même dans le Ciel entre les Dieux; c'eft-àdire, entre les Dieux d'Homère. Ce n'eft donc point la defcription d'un Géant, comme le prétend notre Cenfeur, que fait ici Homère, c'est une allégorie très-jufte : & bien qu'il faffe de la Difcorde un perfonnage, c'eft un perfonnage allégorique qui ne choque point, de quel

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REMA R Q U E S.

que

CHANGEMENT. & qu'ainfi,, ce qui lui eft arrivé ne peut pas être tiré à conféquence pour les autres hom,, mes. Mais je n'aurai pas de peine à lui prouver que dans notre famille même, j'ai eû un ,, Oncle qui n'étoit pas un homme fort miraculeux, lequel a nourri vingt & quatre années une espèce de Bichon qu'il avoit. &c. *Phorm. 48. L. Sc. 5. v. 30%

27. Ipfum geftio &c.] Dans les deux premières Editions on lifoit ainfi ce paffage, que Mr. Defpréaux avoit cité de mé-moire : Cuperem mihi dari in confpectum hunc bominem.

REFLEX. IV. 1. Qui trouve cette hyperbole &c.] Parallèles, Tome III. p. 118. & fuiv..

† Iliad, 1, 4. v. 443•.

+ Vers 177.

2

que taille qu'il le faffe; parce qu'on le regarde comme une idée & une imagination de l'efprit, & non point comme un être materiel subsistant dans la Nature. Ainfi cette expreffion du Pfeaume J'ai vu l'Impie élevé comme un cèdre du Liban, ne veut pas dire que l'Impie étoit un Géant, grand comme un cèdre du Liban. Cela fignifie que l'Impie étoit au faîte des grandeurs humaines; & Monfieur Racine eft fort bien entré dans la pensée du Pfalmifte, par ces deux Vers de fon Esther, qui ont du rapport au Vers d'Homère :

Pareil au cèdre, il cachoit dans les Cieux

Son front audacieux.

Il est donc aifé de juftifier les paroles avantageufes, que Longin dit du Vers d'Homère fur la Discorde. La vérité eft pourtant, que ces paroles ne font point de Longin: puifque c'eft moi, qui, à l'imitation de Gabriel de Petra, les lui ai en partie prêtées: le Grec en cet endroit étant fort défectueux, & même le Vers d'Homère n'y étant point raporté. C'est ce que Monfieur Perrault n'a eu garde de voir; parce qu'il n'a jamais lû Longin, felon toutes les apparences, que dans ma Traduction. Ainfi penfant contredire Longin, il a fait mieux qu'il ne penfoit, puifque c'est moi qu'il a contredit. Mais en m'attaquant, il ne fauroit nier qu'il n'ait aufli attaqué Homère, & fur tout Virgile, qu'il avoit tellement dans l'efprit, quand il a blâmé ce Vers fur la Difcorde, que dans fon Difcours, au lieu de la Discorde, il a écrit, fans y penfer, la Renommée.

C'est donc d'elle qu'il fait cette belle critique: Que l'exageration du Poëte en cet endroit ne fauroit faire une idée bien nette. Pourquoi? C'eft, ajoûte-t-il, que tant qu'on pourra voir la tête de la Renommée, fa tête ne fera point dans le Ciel, & que fi fa tête eft dans le Ciel, on ne fait pas trop bien ce que l'on voit. O l'admirable raisonnement! Mais où eft-ce qu'Homère & Virgile difent qu'on voit la tête de la Discorde, ou de la Renommée? Et afin qu'elle ait la tête dans le Ciel, qu'importe qu'on l'y voïe ou qu'on ne l'y voïe pas? N'eft-ce pas ici le Poëte qui parle, & qui eft fuppofé voir tout ce qui fe paffe même dans le Ciel, fans que pour cela les yeux des autres hommes le découvrent? En verité, j'ai peur que les Lecteurs ne rougiffent pour moi, de me voir réfuter de fi

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étran

REMA R Q U E S.
Pfal. 36. v. 35. Vidi REFLEX. V. 1. Dans notre Siècle.] Ces.
elevatum ficut Cedros trois mots paroiffent fuperflus.
2. L'uifqu'il fut toute ja vie très-pauvre.] Il fem-

Parallèles, Tom. III. pag. 119.

ble

étranges raifonnemens. Notre Cenfeur attaque enfuite une autre hyperbole d'Homère à propos des chevaux des Dieux. Mais comme ce qu'il dit contre cette hyperbole n'eft qu'une fade plaifanterie, le peu que je viens de dire contre l'objection précedente, fuffira, je croi, pour répondre à toutes les deux.

REFLEXION V.

*

Il en eft de même de ces compagnons d'Ulyffe changez en pourceaux, que Zoile
de petits cochons larmoïans. PAROLES
de Longin, CHAP. VII.

appèle

L paroît par ce paffage de Longin, que Zoile, auffi bien que Monfieur Perrault, s'étoit égaïé à faire des railleries fur Homère. Car cette plaifanterie, de petits cochons larmoïans, a affez de rapport avec les comparaifons à longue queue, que notre Critique moderne reproche à ce grand Poëte. Et puifque dans notre fiècle, la liberté que Zoile s'étoit donnée, de parler fans refpect des plus grans Ecrivains de l'Antiquité, fe met aujourd'hui à la mode parmi beaucoup de petits Efprits, auffi ignorans qu'orgueilleux & pleins d'eux-mêmes, il ne fera pas hors de propos de leur faire voir ici, de quelle manière cette liberté a réüssi autrefois à ce Rhéteur, homme fort favant, ainfi que le témoigne Denys d'Halicarnaffe, & à qui je ne voi pas qu'on puiffe rien reprocher fur les mœurs: 2 puifqu'il fut toute fa vie très-pauvre; & que malgré l'animofité fes Critiques fur Homère & fur Platon avoient excitée contre que lui, on ne l'a jamais accufé d'autre crime que de ces Critiques mêmes, & d'un peu de mifanthropie.

Il faut donc premièrement voir ce que dit de lui Vitruve, le celèbre Architecte: car c'eft lui qui en parle le plus au long; & afin que Monfieur Perrault ne m'accufe pas d'altérer le texte de cet Auteur; je mettrai ici les mots mêmes de Monfieur fon Frere le Médecin, qui nous a donné Vitruve en François. Quelques années après, (c'cft Vitruve qui parle dans la Traduction de ce Médecin) Zoile, qui fe faifoit appeler le fléau d'Homère, vint de Macédoine à Alexandrie, & préfenta au Roi les Livres qu'il avoit compofez contre l'Iliade & contre l'Odyffée. Ptolémée indigné que l'on attaquât fi infolemment le Pere de tous les Poëtes,

REMA R Q U E S.

بن

ble auffi que ces mots devroient être retranchez. reprocher fur les mœurs; puisque, malgré l'animofité Car on peut être mal-honnête homme, & très- &c.

pauvre. On pourroit donc mettre ici..... rien

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