A Rome ou dans Paris, aux champs ou dans la ville, Dût ma Muse par là choquer tout l'Univers, Riche, gueux, trifte ou gai, je veux faire des vers. Pauvre Efprit, dira-t-on, que je plains ta folie! 70 Modère ces bouillons de ta mélancholie; Et garde qu'un de ceux que tu penses blâmer N'éteigne dans ton fang cette ardeur de rimer. He quoi! lors qu'autrefois Horace, après Lucile, Exhaloit en bons mots les vapeurs de sa bile, fa 75 Et vangeant la Vertu par des traits éclatans, Alloit ôter le mafque aux Vices de fon tems: Ou bien quand Juvénal, de la mordante plume Faifant couler des flots de fiel & d'amertume, Gourmandoit en courroux tout le Peuple Latin, 80 L'un ou l'autre fit-il une tragique fin? Et que REMARQUES. dres. Il avoit de l'efprit, & fes Poëfics lui donnèrent de la réputation, mais il affecta un peu trop de faire mettre fes vers dans les Recueils de Poëfies choifies, que les Libraires faifoient imprimer : c'eft à quoi notre Auteur fait allufion. Montreuil ne fe facha point de cette petite raillerie; au contraire, il a toûjours été des amis de Mr. Defpréaux, qui avoit foin de lui envoïer un éxemplaire de fes Oeuvres toutes les fois qu'on les imprimoit. L'Abbé de Montreuil mourut à Valence, au mois de Juillet, 1692. étant logé chez Mr. de Cofnac, fon ami, alors Evêque de Valence, & enfuite Archevêque d'Aix. En 1671. Montreuil fit imprimer à Paris toutes fes Oeuvres, qui confiftent en des vers, & en des Lettres. IMITATIONS. Ibid. On ne voit point mes vers, &c.] Horace, Liv. I. Satire ÍV. 71. Nulla taberna méos habeat, neque pila libellus, Queis manus infudet vulgi, Hermogenifque IMI 85 A peine quelquefois je me force à les lire, Mais c'est affez parlé. Prenons un peu d'haleine. 95 Ma main, pour cette fois, commence à fe laffer. Finiffons. Mais demain, Mufe, à recommencer. SATIRE VIII. A M. M***. DOCTEUR DE SORBONE. D រ E tous les Animaux qui s'élèvent dans l'air, Un taureau qui rumine, une chevre qui broute, ΙΟ REMARQUES. LEs fept Satires précedentes aïant été publiées en 1666. la plupart de ceux qui y avoient été maltraitez, fe déchainèrent contre l'Auteur. Il ne daigna pas répondre, du moins fur le ton ferieux, à leurs Libelles ni à leurs injures, mais il compofa la Satire adreffée à fon Efprit, qui eft la neuvième, & dans laquelle, fous prétexte de fe faire luimême fon procès, il fe juftifie de tous les crimes que fes Ennemis lui avoient imputez. Le Poëte après avoir fait fon Apologie dans cette Satire, entreprit de traiter un fujet plus général, & qui fut au goût de tout le monde. Dans cette vue il fit la Satire de l'Homme*. Ces deux Pièces, qui avoient été compofées en l'année 1667. furent publiées féparément en 1668. La Satire de l'Homme parut la première, & on en fit en même tems plufieurs éditions, qui furent débitées avec une rapidité prodigieufe. C'est de tous fes Ouvrages, celui qui a eu le plus de cours en particulier. Cette Satire et tout-à-fait dans le goût de Perfe, & marque un Philofophe chagrin qui ne peut fouffrir les vices des Hommes. Elle eft adreffée à Mr. Morel Docteur de Sorbone. Ce Docteur étoit furnommé la Machoire d'Ane, parce qu'il avoit la machoire fort grande & fort avancée: c'est pour cette raison que notre Poëte lui adressa cette Satire, à la fin de laquelle il met l'Homme au deffous de l'Ane même; & ce fut Mr. Boileau, Docteur de Sorbone, frere du Poëte, qui lui confeilla de dedier fa Satire à Mr. Morel. Il étoit grand ennemi des Janfeniftes, contre lefquels il a compofé divers Ouvrages, mais tous affez mauvais. Cependant le Poëte Santeul fit des vers Latins, dans lefquels il affecta de louer ce Docteur; de ce que par fes difcours & par fes écrits il avoit confondu les Difciples de Janfénius: comme Samfon défit les Philiftins armé d'une machoire d'Ane. Claude Morel étoit de Châlons en Champagne d'une bonne famille de Robe. Il mourut à Paris le 30. d'Avril 1679. étant Doïen de la Faculté de Théologie & Chanoine Théologal de Paris. Il avoit refufé l'Evêché de Lombez. IMITATIONS. Vers 1. De tous les Animaux &c.] Homère, Iliade L. XVII. a éxageré la misère de l'Homme par une femblable comparaison: De tous les animaux qui respirent, & qui rampent sur la terre, en a point de plus malheureux que l'Homme. il'n'y 15 Bois, prez, champs, animaux, tout eft pour fon usage, Il est vrai, de tout tems la Raifon fut fon lot: REMARQUES. Vers 17. Mais il faut les prouver. En forme. J'y confens.] Čes derniers mots, y confens, font du Poëte. Le refte eft du Docteur. En forme: ce mot, détaché de ce qui précede, eft un trait qui caractèrife bien le perfonnage & marque mieux le Dialogue, que fi l'Auteur avoit mis tout de fuite: Mais il faut les prouver en forme. Cela feroit froid. IMITATIONS. Vers 25. La Fourmi tous les ans traverfant les guérèts &c.] Hor. L. I. Sat. I. 33. & feqq. Parvula (nam exemplo eft) magni Formica Ore trahit quodcumque poteft, atque addit acervo Quem ftruit, haud ignara, ac non incauta futuri. Que, fimul inverfum contriftat Aquarius annum. Non ufquam prorepit, & illis utitur ante Quafitis fapiens. IMITATIONS. Vers 35. Mais l'Homme fans arrêt, &c.] Horace, Liv. I. Epitre 1.97. & fuiv. Quid mea cum pugnat fententia fecum? Quod petiit, fpernit: repetit, quod nuper omifit; Aftuat, vitae difconvenit ordine toto. Vers 39. Ce qu'un jour il abborre, en l'autre il le fouhaite.] L'Auteur auroit pu mettre. Ce qu'un jour il abhorre, un autre il le fou baite. Vers 42. Des Saints qu'a célébrez Buffi.] Le Comte de Buffi-Rabutin avoit fait un petit Livre, relié proprement en manière d'Heures, où, au lieu des Images que l'on met dans les Livres de prières, étoient les portraits en mignature de quelques Hommes de la Cour, dont les Femmes étoient foupçonnées de galanterie. Et, ce que dans la fuite il a lui-même condamné tout le pre Cet animal, tapi dans fon obfcurité, Affronter en plein champ les fureurs de Janvier, 35 Mais l'Homme fans arrêt dans sa course insensée, J'irois, par ma conftance aux affronts endurci, |