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Parlons bas, écoute.

Sais-tu que ce Vieillard fut la même vertu,
Et l'effroi des Lecteurs de fon tems? le fais-tu ?

Peut-être.

LA SERRE.

CAS SAIGN E.

C

La froideur qu'en mon ftile je porte,

210 Sais-tu que je la tiens de lui feul?

LA SERRE.

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Je fuis jeune, il eft vrai: mais aux ames bien nées
La rime n'attend pas le nombre des années.

LA SERRE.

215 Mais t'attaquer à moi! qui t'a rendu fi vain, Toi qu'on ne vit jamais une plume à la main?

CAS

C A S S A I GỌN E.

Mes pareils avec toi font dignes de combattre,

Et pour des coups d'effai veulent des Henris Quatre.

LA SERRE.

Sais-tu bien qui je suis?

C AS S A I GẦN E,

Oui, tout autre que moi

220 En comptant tes Ecrits pourroit trembler d'effroi. Mille & mille papiers, dont ta table est couverte, Semblent porter écrit le deftin de ma perte. J'attaque en témeraire un gigantefque Auteur; Mais j'aurai trop de force aiant affez de cœur. 225 Je veux vanger mon Maître, & ta plume indomtable Pour ne fe point laffer n'eft point infatigable.

LA SERRE.

Ce Phèbus qui paroît aux difcours que tu tiens
Souvent par tes Ecrits fe découvrit aux miens,
Et te voïant encor tout frais forti de Claffe
230 Je difois, Chapelain lui laiffera fa place.
Je fai ta pension, & suis ravi de voir

Que ces bons mouvemens excitent ton devoir,
Qu'ils te font fans raison mettre rime fur rime,
Etaïer d'un Pèdant l'agonifante eftime,
235 Et que voulant pour Singe un Ecolier parfait,
Il ne fe trompoit point au choix qu'il avoit fait.
Mais je fens que pour toi ma pitié s'intereffe,
J'admire ton audace & je plains ta jeuneffe:
Ne cherche point à faire un coup d'essai fatal,
240 Dispense un vieux routier d'un combat inégal.
Trop peu de gain pour moi fuivroit cette victoire;

REMARQUES.

Vers 218. Et pour des coups d'effai veulent des Henris Quatre.] Allufion au Poëme que Caffaigne a fait, intitulé Henri IV. où ce Roi eft introduit donnant des inftru&tions à Louis XIV. pour bien regner. Touchant ce Poëme & d'autres Ouvrages du même Auteur,

voïer pag. 259. & 260. du 3. volume du Parallèle des Anciens & des Modernes, où 'il eft parlé de Caffaigne en des termes qui en donnent une autre idée que ne fait ici la Parodie.

A moins d'un gros volume, on compofe fans gloire;
Et j'aurois le regret de voir que tout Paris
Te croiroit accablé du poids de mes Ecrits.
C AS S A I G N E.

245 D'une indigne pitié ton orgueuil s'accompagne:
Qui pèle Chapelain craint de tondre Caffaigne,
LA SERRE.

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LA SERR E.

Vien, tu fais ton devoir. L'Ecolier eft un tr 250 Qui souffre fans cheveux la tête de son Maître.

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1

LA METAMORPHOSE

DE LA PERRUQUE DE CHAPELAIN
EN COMETE.'

A plaifanterie que l'on va voir, eft une fuite de la Paro

L die précedente. Elle fut imaginée par les mêmes Au

teurs, à l'occafion de la Comète qui parut à la fin de l'année 1664. Ils étoient à table chez Mr. Heffein., frere de l'illuftre Madame de la Sabliere.

On feignoit que Chapelain aïant été décoiffé par La Serre, avoit laiffé fa Perruque à calotte dans le Ruiffeau où La Serre l'avoit jettée.

Dans un Ruiffeau bourbeux la Calotte enfoncée,
Parmi de vieux chiffons alloit être entaffée,
Quand Phébus l'aperçût, & du plus haut des airs,
Fettant fur les Railleurs un regard de travers,
Quoi, dit-il, je verrai cette antique Calotte,
D'un fale Chifonier remplir l'indigne botte!

`Ici devoit être la description de cette fameuse Perruque,
Qui de tous les travaux la compagne fidelle,
A vû naître Gufman, & mourir la Pucelle;
Et qui de front en front paffant à fes neveux,
Devoit avoir plus d'ans qu'elle n'eut de cheveux.

Enfin Apollon changeoit cette Perruque en Comète. Je veux, difoit ce Dieu, que tous ceux qui naîtront fous ce nouvel Aftre, foient Poëtes,

Et qu'ils faffent des Vers, même en dépit de moi.

Fure

Furetiere, l'un des Auteurs de la Pièce, remarqua pourtant, que cette Métamorphofe manquoit de jufteffe en un point: C'eft, dit-il, que les Comètes ont des cheveux, & que la Perruque de Chapelain eft fi ufée qu'elle n'en a plus. Cette badinerie n'a jamais été achevée.

Chapelain souffrit, dit-on, avec beaucoup de patience, les Satires que l'on fit contre fa Perruque. On lui a attribué l'Epigramme fuivante, qui n'eft pas de lui.

Railleurs, en vain vous m'infultez,
Et la pièce vous emportez;

En vain vous découvrez ma nuque.
Faime mieux la condition
D'être défroqué de Perruque,
Que défroqué de Penfion.

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