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Et trente ans dans le jeûne, & dans l'austerité,

Fit fon unique volupté

Des travaux de la Penitence.

L I.

Vers pour mettre au bas du Portrait de Mr. Racine.

Di

U Théatre François l'honneur & la merveille,
Il fut reffufciter Sophocle en fes Ecrits;
Et dans l'art d'enchanter les cœurs & les efprits,
Surpaffer Euripide, & balancer Corneille.

REMARQUES.

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neille, des loüanges équivoques (1): le nom de Corneille fupprimé dans les endroits où l'on le blâme fans mefure (2): des traits que Boileau n'avoit ofé imprimer, & qu'il confioit à fon ami pour les faire paffer à la poftérité (3). Mais l'idée que Boileau s'étoit faite de Corneille, & que le Commentateur nous prefente, eft fi fauffe, fi différente de celle qu'en ont, & ceux qui l'ont ,, connu, & ceux qui lifent fes Ouvrages fans ,, prévention, qu'il n'eft pas à craindre qu'elle diminue le nombre des admirateurs du Sophocle François. Le Poëte fatirique & fon Commentateur parlent de Corneille. comme d'un homme intereffé, moins avide de gloire que de gain (4): Corneille qu'on fait avoir porté l'indifférence pour l'argent jufqu'à une infenfibilité blåmable, qui n'a jamais tiré de fes Pièces que ce que les Comédiens lui donnoient fans compter avec eux, qui fut un an fans remercier M. Colbert du rétabliffement de fa penfion, qui a vécu fans faire aucune dépenfe, & ,, eft mort fans biens, Corneille qui a eu le ,, cœur auffi grand que l'efprit, les fentimens auffi nobles que les idées.

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connoiffance de ce fait, il a été rendu public
par l'impreffion dans les Lettres de Bourfault;
& c'eft à quoi fit allufion Mr. Racine dans le
Difcours qu'il prononça en pleine Académie,
à la réception de Mr. Corneille le Jeune à la
place de fon frere. Deux jours avant la mort,
dit Mr. Racine, & lors qu'il ne lui reftoit plus,,
qu'un rayon de connoiffance, le Roi lui envoia
encore des marques de fa liberalité; & enfin
les dernières paroles de Corneille ont été des re-
mercimens pour Louis le Grand. Des témoi-
gnages fi authentiques feront fans doute fuf-
fifans pour faire connoître l'erreur dans la-
quelle font tombez des Ecrivains, d'ailleurs
très-judicieux & très-eftimez, en publiant que
Mr. Despréaux n'avoit point contribué au
rétablissement de la penfion de Mr. Corneil-
le. Ils ont confondu celle que Mr. Colbert
lui procura après la difgrace de Mr.Fouquet,
avec la penfion que Mr. Defpréaux fit réta-
blir après la mort de Mr. Colbert. [Les Jour-,,
nalistes de Trevoux (ce font les Ecrivains
dont parle le Commentateur) ont continué
à s'infcrire en faux contre le rétablissement de
la penfion de Corneille, attribué à la follici-
tation de Mr. Defpréaux. Ces Meffieurs ont
auffi desapprouvé la maniere dont on mal-
traite ici & ailleurs le grand Corneille: & ils
ont pris le parti de cet illuftre Poëte, dans.
l'Article LVIII. de leurs Memoires du Mois
de Mai 1717. Le Lecteur fera, fans doute,
bien aife d'en trouver ici quelques frag-

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ADD.

v. Chant de l'Art Poetique. ADD.
(2) Dans les Vers 29. & 140. du III. Chant; & le 84. da

(3) Voyez les paroles de Mr. Despréaux rapportées par le
Commentateur au commencement de cette Remarque. ADD.
Art Poetique. ADD.
(4) Voyez la Remarque fur le Vers 130, du IV. Chant de

LII.

Vers pour mettre au bas de mon Portrait.

A

U joug de la Raison afferviffant la Rime;
Et, même en imitant, toujours original,
J'ai fu dans mes Ecrits, docte, enjoué, fublime,
Raffembler en moi Perfe, Horace, & Juvénal.

LIII.

Réponse aux Vers du Portrait.

Oui, le Verrier, c'est là mon fidelle, Portrait;

,, pée. . . .

Et le Graveur, en châque trait,

REMARQUES.

blic en lui donnant le Cid, Cinna, Pom- ,, loppé dans la même Epigramme n'eft pas Qu'on nous dife d'après, comparable aux chefs-d'oeuvres de Corneil, qui ce grand Poëte a copié Polyeucte, Ro- le, ni même à fon Attila: mais c'eft fe dogune, Heraclius, Nicomede, Oedip-,,

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,, pe, Horace même & Sertorius: jamais Auteur ne fut plus original, plus fecond, ,, plus varié. Il fied mal aux admirateurs de Racine d'attaquer Corneille de ce côté.

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jouer du Public que de traiter de Pièce miférable une Comédie heroïque d'un goût ,, nouveau, où parmi des perfonnages d'un caractère fingulier Agefilas & Lyfander ,, paroiffent tels que l'Hiftoire nous les fait connoître. Une Pièce dont le denouement eft un effort héroïque d'Agefilas, qui triom,, phe en même tems de l'amour & de la vengeance: une Pièce où l'on retrouve le grand Corneille en plus d'un endroit. . . .

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On lui reproche d'avoir eftimé Lucain, & fur cela on l'accufe d'avoir le goût peu,, für, & de juger fottement. Une décifion fi magiftrale & fi noblement exprimée, foûtenuë même de tant de traits lancez "" contre la belle Traduction de la Pharfale en vers François, où Brebeuf eft auffi Lu,, cain que Lucain même, n'empêcheront,, ,, pas un grand nombre d'excellens Connoiffeurs de trouver dans Lucain & dans fon Traducteur des penfées brillantes, fans être fauffes, des fentimens généreux, une ,, expreffion pleine de force, des peintures " qui frapent, un vrai fublime.

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Mais M. Boileau a, fi l'on en croit fon Commentateur, reparé fes critiques indifcrettes par un beau trait de générosité ,, envers Corneille; il fit rétablir fa penfion, ,, qu'on avoit fupprimée.

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,, La penfion de Corneille ne fut point retranchée par Monfieur de Louvois après la mort de Monfieur Colbert: on défie de donner la moindre preuve de ce fait. Ainfi M. Boileau n'a pas été dans l'occafion de jouer le rôle généreux qu'on lui attribue, de courir chez Madame de Mon,, tefpan, de parler au Roi avec chaleur. Pour les deux cens Louïs envoyez par le Roi au grand Corneille peu de jours avant ,, fa mort, le fait eft vrai; le Roi fût du Père de la Chaife que l'argent manquoit à cet illuftre malade, fort éloigné de thefaurifer, & fa Majefté lui envoya deux cens Louïs. Je ne contefte pas qu'ils n'ayent été portez par Monfieur de la Chapelle,

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"

A fu très-finement tracer fur mon visage,
De tout faux Bel-Esprit l'ennemi redouté.

5 Mais dans les Vers pompeux, qu'au bas de cet Ouvrage Tu me fais prononcer avec tant de fierté, D'un Ami de la Verité

Qui peut reconnoître l'image?

LIV.

Pour un autre Portrait du même.

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E cherchez point comment s'appelle
L'Ecrivain peint dans ce Tableau:
A l'air dont il regarde & montre la Pucelle,
Qui ne reconnoîtroit Boileau?

REMARQUES.

, parent de M. Boileau. Je veux croire que lui-même dans fon Portrait. On fauvoit en M. Boileau, inftruit de l'état où étoit M. core cette répetition, Dans mes Ecrits, & En Corneille, en parla à Madame de Montef- moi, qui eft dans les autres Vers. Mais il ,, pan, & peut-être au Roi: je ne prétends répondit ce qui fuit, par fa Lettre du 6.,, pas lui ôter la gloire que mérite cet effort Mars, 1707.,, Suppofé que ce qui eft dit ,, de générofité; mais M. Boileau n'a point,, dans les deux derniers Vers fût vrai à mon fait rétablir la penfion de M. Corneille,,, égard, Docte répond admirablement à Per

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ni dit ce qu'on lui fait dire pour en obtenir

le rétabliffement: c'eft tout ce que j'avoisà prouver, je l'ai prouvé fans replique: ,, quand la penfion fut fupprimée après la ,, mort de Monfieur Fouquet, M. Boileau,, n'étoit pas en état d'agir pour la faire rétablir elle n'a pas été fupprimée après la ,, mort de M.Colbert. App. de l'Ed. d'Amft.] EPIGR. LII. Monfieur Le Verrier aiant fait graver en 1704. le Portrait de Mr. Def préaux, par Drevet, célèbre Graveur, fit mettre ces quatre Vers au bas du Portrait. Ils font de Mr. Defpréaux lui-même, qui les fit, piqué de ce qu'un de fes Amis en avoit fait de fort mauvais; mais il ne voulut pas que l'on fût qu'il en étoit l'Auteur. On lifoit dans toutes les copies: Sans peine à la Raifon afferviffant &c. mais les deux premiers mots ont été changez dans la dernière édition de 1713. On avoit proposé à l'Auteur de changer ainfi les deux derniers Vers:

Boileau dans fes Ecrits, docte, enjoué, fu blime,

Afu raffembler Perse, Horace, & Juvé nal.

Afin d'éviter de faire parler Mr. Defpréaux

,, fe, Enjoué à Horace, & Sublime à Juvé

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nal. Ils avoient été faits d'abord indirects,

& de la manière dont vous me faites voir que vous avez prétendu les rajufter; mais cela les rendoit froids, & c'eft par le con,, feil de gens très-habiles qu'ils furent mis en ftile direct la Profopopée aïant une ,, grace qui les anime, & une fanfaronade ,, même, pour ainsi dire, qui a fon agré

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L V.

Vers pour mettre au bas d'une méchante gravure qu'on a faite de moi.

U célèbre Boileau tu vois ici l'image.

Douci, c'eft là, diras-tu, ce Critique achevé?

D'où vient ce noir chagrin qu'on lit fur son visage?
C'est de se voir fi mal gravé.

L V I.

Sur mon Bufte de Marbre, fait par Mr.Girardon, Premier Sculpteur du Roi.

Grace

Race au Phidias de notre âge,

Me voilà fûr de vivre autant que l'Univers:

Et ne counut-on plus ni mon Nom, ni mes Vers; Dans ce Marbre fameux, taillé fur mon Visage, 5 De Girardon toujours on vantera l'Ouvrage.

REMARQUES.

ment, & montrant au doit le Poëme de la Pucelle, qui paroît ouvert fur une table. I accompagna fon préfent de ces quatre Vers, qui fervent d'Infcription au Tableau.

EPIGR. LV. Cette gravûre étoit faite fur un autre Portrait de l'Auteur, peint par Bouis. Le Graveur aïant achevé fon ouvrage, vint trouver Mr. Defpréaux, & le pria de lui donner des Vers pour mettre au bas de fa gravûre. Mr. Defpréaux lui répondit, qu'il n'étoit ni affez fat pour dire du bien de lui-même, ni affez fot pour en dire du mal. Cependant, quand le Graveur fut forti, aïant fait réfléxion fur l'air refrogné du Portrait, la pensée de cette Epigramme lui vint à l'efprit & il la rima fur le champ.

Au refte, le meilleur de tous les Portraits de Mr. Defpréaux, eft, fans contredit, celui que Mr. Couftard, Confeiller au Parlement de Paris, fit peindre en 1704. par le fameux Rigaud, & enfuite graver par Drevet, pour en faire des préfens. Il a fait mettre fous le Portrait de fon Illuftre Ami, une Inscription Latine également belle, & par

fa noble fimplicité, & par la jufteffe de l'éloge qu'elle contient. Elle caractèrife les moeurs & les Ouvrages de ce grand homme. La voici. NICOLAUS BOILEAU DESPREAUX, MORUM LENITATE, ET VERSuuM DICACITATE ÆQUE INSIGNIS. A la fin de cette Infcription, l'on avoit marqué la naiffance de Mr. Defpréaux au premier jour de Novembre 1637. Voïez la caufe de cette erreur dans la Remarque I. fur la Préface de l'Auteur. C'eft fur ce même Portrait qu'on a gravé celui qui est au commencement de ce Livre.

Vers 1. Du célèbre Boileau.] Dans l'édition de 1713. on a mis: Du Poète Boileau.

EPIGR. LVI. Ce Bufte eft dans le Cabinet de Mr. Girardon, & l'on en a tiré plufieurs Copies, en marbre & en plâtre.

Vers 5. De Girardon toûjours on vantera 'Ouvrage.] Charles-Quint difoit, qu'il avoit reçû trois fois l'immortalité des mains du Titien; parce que le Titien avoit fait autant de fois le Portrait de cet Empereur.

AVERTISSEMENT

M

AU LECTEU R.

ADAME de Montespan & Madame de Thianges fa Saur, laßes des Opera de Monfieur Quinaut, propoferent au Roi d'en faire faire un par Monfieur Racine, qui s'engagea affez legerement à leur donner cette fatisfaction, ne fongeant pas dans ce moment-là à une chofe, dont il é toit plufieurs fois convenu avec moi, qu'on ne peut jamais faire un bon Opera: parce que la Musique ne fauroit narrer: que les paffions n'y pouvoient être peintes dans toute l'étenduë qu'elles demandent: que d'ailleurs elle ne fauroit fouvent mettre en chant les expressions vraiment fublimes courageuses. C'est ce que je lui repréfentai, quand il me déclara fon engagement; & il m'avoüa que j'avois raison: mais il étoit trop avancé pour reculer. Il commença dès-lors en effet un Opera, dont le jujet étoit la Chûte de Phaëthon. Il en fit même quelques Vers qu'il recita au Roi, qui en parut content. Mais comme Monfieur Raeine n'entreprenoit cet Ouvrage qu'à regret, il me témoigna refolument qu'il ne l'acheveroit point que je n'y travaillaffe avec lui,& me déclara avant tout, qu'il falloit que j'en compofaffe le Prologue. F'eus beau lui représenter mon peu de talent pour ces fortes d'Ouvrages,& que je n'avois jamais fait de Vers d'amourette. Il perfifta dans fa réfolution, & me dit qu'il me le feroit ordonner par le Roi. Je fongeai donc en moimême à voir de quoi je ferois capable, en cas que je fuffe abfolument obligé de travailler à un Ouvrage, fi oppofé à mon genie & à mon inclination. Ainsi, pour m'essayer, je traçai, fans en rien dire à perfonne, non pas même à Monfieur Racine, le canevas d'un Prologue; j'en compofai une premiere Scène. Le fujet de cette Scène étoit une difpute de la Poëfie & de la Musique, qui fe querelloient fur l'excellence de leur Art, & étoient enfin toutes prétes à fe féparer, lorfque tout à coup la Déeffe des Accords, je veux dire l'Harmonie, defcendoit du Ciel avec tous fes charmes tous les agrémens, & les reconcilioit. Elle devoit dire enfuite la raison qui la faifoit venir fur la Terre, quiTM n'étoit autre que de divertir le Prince de l'Univers le plus digne d'être

REMARQUE S.

1 Elle ne fauroit fouvent mettre en chant &c. Mr. de Lulli a donné entre autres un exemple du contraire dans la belle Idylle fur la Paix, de Mr. Racine lui-même; & quoi

qu'elle foit remplie d'expreffions extrêmement fortes & fublimes, le Muficien n'eft pas demeuré au deffous du Poëte.

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