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Demeure quelque tems muet à cet afpect.

Il cède, il dîne enfin: mais toujours plus farouche, 110 Les morceaux trop hâtez fe preffent dans fa bouche. Gilotin en gémit, & fortant de fureur,

Chez tous fes Partifans va femer la terreur. On voit courir chez lui leurs troupes éperduës, Comme l'on voit marcher les bataillons de Gruës; 115 Quand le Pygmée altier, redoublant fes efforts, De l'Hebre ou du Strymon vient d'occuper les bords. A l'aspect imprévû de leur foule agréable, Le Prélat radouci veut fe lever de table. La couleur lui renaît, fa voix change de ton. 120 Il fait par Gilotin rapporter un jambon. Lui-même le premier, pour honorer la troupe, D'un vin pur & vermeil il fait remplir la coupe : Il l'avale d'un trait: & chacun l'imitant,

La cruche au large ventre eft vuide en un inftant.

125 Si-tôt que du nectar la troupe eft abreuvée,
On deffert: & foudain la nappe étant levée,
Le Prélat, d'une voix conforme à fon malheur,
Leur confie en ces mots fa trop juste douleur.
Illuftres compagnons de mes longues fatigues,

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REMARQUES.

,, prenez de me fournir des armes contre ,, vous-même, au fujet de la critique que vous m'avez faite fur la piquûre de la Guêpe. Je n'avois garde de me fervir de ces armes, puis que franchement, avant votre Lettre, je ne favois rien du fait que vous m'y raportez. Je fuis ravi de vous devoir ma juftification, & je vous prie de le bien marquer dans votre Commentaire fur le Lutrin, &c.

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IMITATIONS. Vers 86. A piqué dans les flancs, aux depens de fa vie.] Virgile parlant des Abeilles. Liv. IV. des Géorg. Vers 236. Lafeque venenum

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Morfibus infpirant, & Spicula cæca relin

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ble nom étoit Gueronet. Le Tréforier lui donna enfuite la Cure de la Sainte-Chapelle.

Vers 112. Chez tous fes Partisans.] Les Chantres fubalternes étoient dans le parti du Tréforier contre le Chantre & les autres Chanoines; parce que ceux-ci leur refusoient de certains droits.

IMITATIONS. Vers 114. Comme Pon voit marcher les bataillons de Gruės; &c.] Homère, Iliade, L. III. v. 6.

Vers 115. Quand le Pygmée altier &c.] Peuple fabuleux qui habitoit aux environs de l'Hebre & du Strymon, Aeuves de Thrace. Les Pygmées n'avoient, dit-on, qu'une coudée de hauteur, & étoient en guerre continuelle avec les Grues, qui chafsèrent ces petits hommes de la ville de Géranie, felon Pline, L. IV. c. 11.

V v

Vers

130 Qui m'avez foûtenu par vos picules ligues,
Et par qui, maître enfin d'un Chapitre infenfé,
Seul à Magnificat je me vois encensé.

Souffrirez-vous toujours qu'un Orgueilleux m'outrage;
Que le Chantre à vos yeux détruise votre ouvrage;
135 Ulurpe tous mes droits, & s'égalant à moi,
Donne à votre Lutrin & le ton & la loi?

Ce matin même encor, ce n'eft point un mensonge,
Une Divinité me l'a fait voir en fonge,

L'infolent s'emparant du fruit de mes travaux,

140 A prononcé pour moi le Benedicat vos.

145

Oui, pour mieux m'égorger, il prend mes propres armes. Le Prélat à ces mots verfe un torrent de larmes. Il veut, mais vainement, poursuivre fon discours. Ses fanglots redoublez en arrêtent le cours. Le zèle Gilotin, qui prend part à fa gloire, Pour lui rendre la voix fait rapporter à boire; Quand Sidrac, à qui l'âge allonge le chemin, Arrive dans la chambre, un bâton à la main. Ce Vieillard dans le Choeur a déja vû quatre âges: 150 Il fait de tous les tems les differens usages: Et fon rare favoir, de fimple Marguillier, L'éleva par degrez au rang de Chevecier. A l'afpect du Prélat qui tombe en défaillance, Il devine fon mal, il fe ride, il s'avance, 155 Et d'un ton paternel réprimant fes douleurs: Laiffe au Chantre, dit-il, la trifteffe & les pleurs,

REMARQUES.

Vers 147. Quand Sidrac.] C'eft le nom ja vû quatre âges.] A vû renouveller le Chad'un vieux Chapelain-Clerc, ou d'un Chan- pitre quatre fois. Soixante ou foixante-dix tre Muficien, dont la voix étoit une fort bel- ans pourroient fuffire pour cela; mais on ne le Taille. On lui donne ici le caractère d'un doit pas prendre ces exprèffions poëtiques vieux Plaideur; & c'eft lui qui eft le Confeil dans une exacte rigueur. Homère dans l'ldu Tréforier. Le caractère de Sidrac eft for- liade, Liv. I. & dans l'Odyffée L. III. dit, mé fur celui de Neftor, fi renommé par fa que Neftor avoit déja regné trois âges. Le prudence confommée, & par la fageffe de fes long & glorieux Regne de Louis le Grand confeils. peut fervir de confirmation à cet exemple. Vers 149. Ce Vieillard dans le Chœur a dé-, Vers 15I. -------Vers 151. De fimple Marguillier.]

Prélat, & pour fauver tes droits & ton empire,
Ecoute seulement ce que le Ciel m'inspire.

Vers cet endroit du Choeur, où le Chantre orgueilleux
160 Montre, affis à ta gauche, un front fi fourcilleux,
Sur ce rang d'ais ferrez, qui forment fa clôture,
Fut jadis un Lutrin d'inégale structure,

Dont les flancs élargis, de leur vaste contour
Ombrageoient pleinement tous les lieux d'alentour.
165 Derriere ce Lutrin, ainfi qu'au fond d'un antre,
A peine fur fon banc on difcernoit le Chantre:
Tandis qu'à l'autre banc, le Prélat radieux,
Découvert au grand jour attiroit tous les yeux.
Mais un Démon, fatal à cette ample machine
170 Soit qu'une main la nuit eût hâté la ruïne,

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Soit qu'ainfi de tout tems l'ordonnât le Destin,
Fit tomber à nos yeux le Pûpitre un matin.
J'eus beau prendre le Ciel & le Chantre à partie:
Il fallut l'emporter dans notre Sacristie,
175 Où depuis trente hivers fans gloire enseveli,
Il languit tout poudreux dans un honteux oubli.
Enten-moi donc, Prélat. Dès que l'ombre tranquille
Viendra d'un crêpe noir envelopper la Ville;
Il faut que trois de nous fans tumulte, & fans bruit,
180 Partent à la faveur de la naissante nuit;

Et du Lutrin rompu réüniffant la mafse,
Aillent d'un zèle adroit le remettre en fa place.
Si le Chantre demain ofe le renverser,

REMARQUES.

C'est celui qui a foin des Reliques, & qui revêt les Chanoines de leurs Chapes.

Vers 152. Au rang de Chevecier.] C'eft celui qui a foin des Chapes, & de la cire, & qui diftribue aux Chanoines les bougies à Matines. Il a deux cens livres de gages, outre fes retributions du Choeur. C'eft un Sacriftain, qui ordinairement eft Prêtre. CHANGEMENT. lbid. Au rang de Chevecier.] On lifoit Cheffecier, dans les

premières éditions.

Vers 159. Vers cet endroit du Chour, &c.] C'est ici que commence l'Action du Poëme. L'Auteur difoit que ce Vers & les cinq fuivans lui avoient coûté beaucoup de tems & de peine.

Vers 162. Fut jadis un Lutrin.] On voit encore le trou dans lequel étoit autrefois planté le pivot du Lutrin, devant le Siège du Chantre:& Campos.ubi Troja fuit. V v 2 Vers

Alors de cent Arrêts tu le peux terraffer,
185 Pour foûtenir tes droits, que le Ciel autorise,
Abîme tout plûtôt; c'est l'esprit de l'Eglise.
C'est par là qu'un Prélat fignale fa vigueur.
Ne borne pas ta gloire à prier dans un Chœur.
Ces vertus dans Aleth peuvent être en ufage:
190 Mais dans Paris, plaidons: c'est là notre partage.
Tes bénédictions dans le trouble croiffant,

195

Tu pourras les répandre & par vingt & par cent:
Et pour braver le Chantre en fon orgueil extrême,
Les répandre à fes yeux, & le benir lui-même.
Ce Difcours auffi-tôt frappe tous les efprits;
Et le Prélat charmé l'approuve par des cris.
Il veut que fur le champ, dans la troupe on choififfe
Les trois que Dieu destine à ce pieux office.
Mais chacun prétend part à cet illuftre emploi.
200 Le fort, dit le Prélat, vous fervira de Loi.
Que l'on tire au billet ceux que l'on doit élire.
Il dit, on obéït, on fe preffe d'écrire.
Auffi-tôt trente noms, fur le papier tracez,
Sont au fond d'un bonnet par billets entaffez.

REMARQUES.

Vers 189. Ces vertus dans Aleth, &c.] Eloge très-délicat de Mr. Pavillon alors Evêque d'Aleth, dans le Bas Languedoc.

IMITATIONS. Vers 200. Le fort
vous fervira de Loi. &c.] Homère, Iliade
VII. v. 167. Hector aiant defié en combat
fingulier le plus vaillant des Grecs, neuf de
Jeurs Chefs fe préfentent pour combattre.
Neftor les oblige de s'en remettre au fort.
Chacun d'eux fait fa marque, & la jette dans
le Cafque d'Agamemnon. Neftor remue le
Cafque, & le fort tombe fur Ajax, fuivant les
vœux de toute l'Armée. Virgile, Enéïde V.
v. 490. a emploïé la même image:

Convenere viri, dejectamque area fortem
Accepit galea.

Vers 206. Guillaume, Enfant de Cheur.]
Il y avoit eu autrefois un Enfant de Chocur

de ce nom-là, qui avoit la voix fort belle, mais il avoit quitté cette Eglife long-tems avant l'évenement qui a donné occasion à ce Poëme.

Vers 211.

L'Enfant tire,& Brontin.] Son vrai nom étoit Frontin. Il étoit Prêtre du Diocèle de Chartres, & Sous-Marguillier de la Sainte-Chapelle.

Vers 216. Le fameux nom du Perruquier l'Amour.] Didier l'Amour, Perruquier, qui· demeuroit dans la Cour du Palais, & dont la Boutique étoit fous l'efcalier de la SainteChapelle. C'étoit un gros & grand homme d'allez bon air, vigoureux, & bien fait. Il avoit été marié deux fois. Sa première femme étoit extrèmement emportée, & d'une humeur très-facheufe. Moliere a peint le caractère de l'un & de l'autre, dans fon Medecin malgré lui, à la fin de la première-Scène, fur

ce

205 Pour tirer ces billets avec moins d'artifice,
Guillaume, Enfant de Choeur, prête fa main novice,
Son front nouveau tondu, fymbole de candeur,
Rougit en approchant d'une honnête pudeur.
Cependant le Prélat, l'œil au Ciel, la main nuë,
210 Benit trois fois les noms, & trois fois les remuë.
Il tourne le bonnet. L'Enfant tire: & Brontin
Eft le premier des noms qu'apporte le Destin.
Le Prélat en conçoit un favorable augure,

Et ce nom dans la troupe excite un doux murmure.
215 On fe taît; & bien-tôt on voit paroître au jour
Le nom, le fameux nom du Perruquier l'Amour.
Ce nouvel Adonis, à la blonde crinière,

Eft l'unique fouci d'Anne fa Perruquière.

Ils s'adorent l'un l'autre & ce couple charmant 220 S'unit long-tems, dit-on, avant le Sacrement. Mais depuis trois moiffons, à leur faint affemblage L'Official a joint le nom de mariage.

225

Ce Perruquier fuperbe eft l'effroi du quartier,
Et fon courage eft peint fur fon vifage altier.
Un des noms refte encore, & le Prélat par grace

REMARQUES.

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du quartier.] Quand il anivoit quelque tumulte dans la Cour du Palais, il y mettoit ordre fur le champ. Il avoit un grand fouët avec lequel il chaifoit les enfans & les chiens du quartier, qui faifoient du bruit ou qui fe battoient. Il fe fervoit même d'un bâton à deux bouts, pour écarter les Filoux & les Breteurs qui faifoient du defordre, & que le grand abord du monde attiroit au Palais. Pendant les troubles de Paris, le Peuple aiant mis le feu aux portes de l'Hôtel de Ville, le Sr.-l'Amour fe fit faire place à travers cette populace mutinée, & tira de l'Hôtel de Ville deux ou trois de fes Amis qui y étoient en danger.

CHANGEMENT. Ibid. Ce Perruquier fuperbe.] Cet Horloger, dans les éditions qui ont précedé celle de 1701.

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