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son style; l'autre à en relever les couleurs. Dans l'un, le dialogue est plus lié; dans l'autre, il est plus rapide. Dans Racine, il y a plus de justesse; dans Voltaire, plus de mouvement. Le premier l'emporte pour la profondeur et la vérité; le second, pour la véhémence et l'énergie. Ici les beautés sont plus sévères, plus irréprochables; là elles sont plus variées, plus séduisantes. On admire dans Racine cette perfection toujours plus étonnante à mesure qu'elle est plus examinée; on adore dans Voltaire cette magie qui donne de l'attrait même à ses défauts. L'un vous paraît toujours plus grand par la réflexion; l'autre ne laisse pas maître de réfléchir. Il semble que l'un ait mis son amour-propre a défier la critique, et l'autre à la désarmer. Toupal am Enfin, si l'on ose hasarder un résultat sur des objets livrés à jamais à la diversité des opinions, Racine, lu par telligd zulq teooriatlo connaisseurs, sera regardé comme le poëte le plus parfait qui ait écrit, Voltaire, aux yeux des hommes rassemblés au théâtre, sera le génie le plus tragique qui ait régné sur la scène (1).us P

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29.

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si Le même.

Turenne et Condé (2).

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C'a été dans notre siècle un grand spectacle, de voir dans le même temps et dans les mêmes campagnes, ces hommes que la voix commune de toute l'Europe egalait aux plus grands capitaines des siècles passés, tantôt à la tête de corps séparés, tantôt unis, plus encore par le concours i mêmes pensées, que par les ordres que l'inférieur recevait de l'autre ; tantôt opposés front à front, ia br.996 395

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(1) Voyez ci-dessus, Corneille et Racine

(2) Voyez, plus haut, le portrait de Turenne. ab chital

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et redoublant, l'un dans l'autre, l'activité et la vigilance; comme si Dieu, dont souvent, selon l'Écritures, la sagesse se joue dans l'univers, eût voulu nous les montrer en toutes les formes, et nous montrer ensemble tout ce qu'il peut faire des hommes. Que de campements, que de belles marches, que de hardiesse, que de précautions, que dé périls, que de ressources! Vit-on jamais en deux hommes les mêmes vertus, avec des caractères si divers pour nè dire si contraires? L'un paraît agir par des réflexions profondes; et l'autre par de soudaines illuminations: celuici par conséquent plus vif, mais sans que son feu eût rien de précipité; celui-là d'un air plus froid, sans jamais rien avoir de lent, plus hardi à faire qu'à parler, résolu et déterminé au-dedans, lors même qu'il paraissait embarrassé au-dehors. L'un, dès qu'il parut dans les armées, donne une haute idée de sa valeur, et fait attendre quelque chose d'extraordinaire; mais toutefois s'avance par ordre, et vient comme par degrés aux prodiges qui ont fini le cours de sa vie ; l'autre, comme un homme inspirë, dès sa première bataille, s'égale aux maîtres les plus consommés. L'un, par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain et fait taire l'envie ; l'autre jette d'abord une si vive lumière, qu'elle n'osait l'attaquer. L'un enfin, par la profondeur de son génie, et les incroyablės ressources de son courage, s'élève au-dessus des plus grands périls, et sait même profiter de toutes les infidélités de la fortune; l'autre, et par l'avantage d'une si haute naissance, et par ces grandes pensées que le ciel envoie, et par une espèce d'instinct admirable dont les hommes ne connaissent pas le secret, semble né pour entraîner la fortune dans ses desseins et forcer les destinées. Et afin que l'on vît toujours dans ces deux hommes de grands caractères, mais divers; l'un, emporté d'un coup soudain, meurt pour son pays, comme un Judas le Machabée; l'armée le pleure

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comme un père ; et la cour, et tout le peuple gémit; sa piété est louée comme son courage, et sa mémoire ne se flétrit point par le temps: l'autre, élevé par les armes au comble de la gloire comme un David, comme lui meurt dans son lit, en publiant les louanges de Dieu, et instruisant sa famille, et laisse tous les cœurs remplis tant de l'éclat de sa vie, que de la douceur de sa mort. Quel spectacle de voir et d'étudier ces deux hommes, et d'apprendre de chacun d'eux toute l'estime que méritait l'autre noitenim the

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BOSSUET. Oraisons funèbres.

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Guillaume III laissa la réputation d'un grand politique, quoiqu'il n'eût point été populaire, et d'un général à craindre, quoiqu'il eût perdu beaucoup de batailles. Toujours mesuré dans sa conduite, et jamais vif que dans un jour de combat, il ne régna paisiblement en Angleterre, que parcequ'il ne voulut pas y être absolu. On l'appelait, comme on sait, le stathouder des Anglais, et le roi des Hollandais. Il savait toutes les langues de l'Europe, et n'en parlait aucune avec agrément, ayant beaucoup plus de réflexion dans l'esprit que d'imagination. Son caractère était en tout l'opposé de Louis XIV; sombre, retiré, sévère, sec, silencieux autant que Louis était affable. Il haïssait les femmes autant que Louis les aimait. Louis faisait la guerre en roi, et Guillaume en soldat. Il avait combattu contre le grand Condé et contre Luxembourg, laissant la victoire indécise entre Condé et lui à Sénef, et réparant en peu de temps ses défaites à Fleurus, à Steinkerque, à Nerwinde; aussi fier que Louis XIV, mais de cette fierté triste et mélancolique qui rebute plus qu'elle n'impose,

de son

Si les beaux arts fleurirent en France par les soins roi, ils furent négligés en Angleterre, où l'on ne connut plus qu'une politique dure et inquiète, conforme au génie du prince.

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190 189 190 1 Ceux qui estiment plus le mérite d'avoir, défendu sa patrie, et l'avantage d'avoir acquis un royaume sans droit de la nature, de s'y être maintenu p être aimé, d'avoir gouverné souverainement la Hollande sans la subjuguer, d'avoir été l'ame et le chef de la moitié de l'Europe, d'avoir eu les ressources d'un général et la valeur d'un soldat, de n'avoir jamais persécuté personne pour la religion, d'avoir méprisé toutes les superstitions des hommes, d'avou été simple et modeste dans ses mœurs; ceux-là sans doute donneront le nom de Grand à Guillaume plutôt qu'à Louis. Ceux qui sont plus touchés des plaisirs et de l'éclat d'une cour brillante, de la magnificence, de la protection donnée aux arts, du zèle pour le bien public, de la passion pour la gloire, du talent de régner; qui sont plus frappés de cette hauteur avec laquelle des ministres et des généraux ont ajouté des provinces à la France, sur un ordre de leur roi qui s'étonnent davantage d'avoir vu un seul État résister à tant de puissances; ceux qui estiment plus un roi de France qui sait donner l'Espagne à son petit-fils, qu'un gendre qui détrône son beau-père; enfin, ceux qui admirent davantage le protecteur que le persécuteur du roi Jacques, ceux-là donneront à Louis XIV la préférence.

197911

329 7

2005

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Ménippe est l'oiseau paré de divers plumages qui ne sont pas à lui; il ne parle pas, il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l'esprit

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des autres, qu'il y est le premier trompé, et qu'il croit souvent dire son goût, ou expliquer sa pensée, lorsqu'il n'est que l'écho de quelqu'un qu'il vient de quitter. C'est un homme qui est de mise un quart d'heure de suite, qui Te "moment d'après baisse, dégénère, perd le peu de lustre qu'un peu de mémoire lui donnait, et montre la corde: Tui seul ignore combien il est au-dessous du suBlime et de l'héroïque, et incapable de savoir jusqu'où Pon peut avoir de l'esprit, il croit naïvement que ce qu'il ena, est tout ce que les hommes en sauraient avoir: aussi a-t-il l'air et le maintien de celui qui n'a rien à dé1976 h sirer sur ce chapitre, et qui ne porte envie à personne. Il se parle souvent à soi-même, et il ne s'en cache pas: ceux qui passent le voient, et il semble toujours prendre un parti, ou décider qu'une telle chose est sans réplique.

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vous le saluez quelquefois, c'est le jeter dans l'embarras "de savoir s'il doit rendre le salut ou non; et pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée. Sa vanité l'a fait honnête homme, l'a mis au-dessus de lui-même, l'a fait devenir ce qu'il n'était pas. L'on juge, en le voyant, qu'il 'n'est occupé que de sa personne, qu'il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie, qu'il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler.

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LA BRUYÈRE.

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Le Fat.

J'entends Théodecte de l'antichambre; il grossit sa voix à mesure qu'il s'approche, le voilà entré: il rit, il crie, il éclate: on bouche ses oreilles, c'est un tơnnerre il n'est pas moins redoutable les choses qu'il par dit, que par le ton dont il parle il ne s'apaise, il ne revient de ce grand fracas que pour bredouiller des vanités

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