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être double et dissimulé, est un mérite qui honore. Toutes ses sociétés sont empoisonnées par le défaut de sincérité; la parole n'y est plus l'interprète des cœurs, elle n'en est que le masque qui le cache et qui le déguise; les entretiens n'y sont que des mensonges affectés, sous les dehors de l'amitié et de la politesse On se prodigue-4 l'envi®I§§ louanges et les adulations, et on porte dans le coeur IT haine, la jalousie et le mépris de ceux qu'on loue. Bom! de se regarder tous comme ne faisant entre euxIqu’UM même famille dont les intérêts doivent être communs b semble que les hommes ne se lient ensemble que pour se tromper mutuellement et se donner le change. Imterel le plus vil arme le frère contre le frère, l'ami contre l'aint, I rompt tous les liens du sang et de l'amitié et c'est uffi motif si bas qui décide de nos haines et de ros amours ! Les besoins et les malheurs du prochain ne trouvent que de l'indifférence et de la dureté, même dans les cœurs, lorsqu'on peut le négliger sans rien perdre, ou qu'on ne gagne rien à le secourir."

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Si nous connaissions le fond et l'intérieur du monde; si nous pouvions entrer dans le détail secret de ses soucis et de ses noires inquiétudes; si nous pouvions percer cette première écorce qui n'offre aux yeux que joïe, que plaisirs, que pompe et magnificence, que nous le trouverions différent de ce qu'il paraît! nous n'y verrions que des malheureux; le père divisé d'avec l'enfant, l'époux d'avec l'épouse; le secret des familles ne cacher aux yeux du public que des antipathies, des jalousies, des murmures, motio des dissensions éternelles. Les amitiés y sont troublées par les soupçons, par les intérêts, par les caprices; les liaisons les plus étroites y sont refroidies par l'inconstance; les engagements les plus tendres y finissent par la haine et la perfidie; les fortunes les plus brillantes y perdent tout leur agrément par les assujettissements qu'elles exigent, les

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places les plus honorables n'y font sentir que le chagrin de ne pouvoir monter plus haut: chacun s'y plaint de sa destinée; les plus élevés n'y sont pas les plus heureux ; ils montent par leur rang et par leur fortune jusqu'au-dessus des nuées; on les perd de vue, si haut ils sont placés ; ils paraissent au-dessus, du reste des hommes par les hommages qu'on leur rend, par l'éclat qui les environne, par les graces qu'ils distribuent, par des adulations éternelles dont la prospérité et la puissance sont toujours accompagpées et par la satiété même des plaisirs, et par la gene des assujettissements et des bienséances, et par la bizarrerie de leurs désirs, et par l'amertume de leurs jalousies', et par la bassesse qu'ils emploient pour plaire au maître, et par les dégoûts qu'ils en essuient, ils sont plus bas que le peuple, et plus malheureux que luibisob rep end 12% o sup tu975ort on aisdborg ub zurollar esl Lememe.

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La vraie Gloire.

La gloire est un sentiment qui nous élève à nos propres yeux, et qui accroît notre considération aux yeux des hommes éclairés. Son idée est indivisiblement liée avec celles d'une grande difficulté vaincue, d'une grande utilité subséquente au succès, et d'une égalé augmentation de bonheur pour l'univers, ou pour la patrie. Quelque génie que je reconnaisse dans l'invention d'une arme meurtrière, ub ZUT ZUG 1911385 j'exciterais une juste indignation, si je disais que tel homme ou telle nation eut la gloire de l'avoir inventée. La gloire, du moins selon les idées que je m'en suis formées, n'est pas la récompense du plus grand succès dans les sciences. Inventez un nouveau calcul; composez un poëme sublime; ayez surpassé Cicéron ou Démosthène en éloquence Thucydide ou Tacite dans l'histoire ; je

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vous accorderai la célébrité, mais non la gloire. On ne l'obtient pas davantage de l'excellence du talent dans les arts. Je suppose que vous avez tiré d'un bloc de marbre, ou le Gladiateur, ou l'Apollon du Belvédère; que la Transfiguration soit sortie de votre pinceau, ou que vos chants simples, expressifs et mélodieux, vous aient placé sur la ligne de Pergolèse, vous jouirez d'une grande réputation, mais non de la gloire. Je dis plus, égalez Vauban dans l'art de fortifier les places; Turenne ou Condé dans l'art de commander les armées; gagnez des batailles, conquérez des provinces, toutes ces actions seront belles, sans doute, et votre nom passera à la postérité la plus reculée; mais c'est à d'autres qualités que la gloire est réservée. On n'a pas la gloire pour avoir ajouté à celle de sa nation. On est l'honneur de son corps, sans être la gloire de son pays. Un particulier peut souvent aspirer à la réputation, à la renommée, à l'immortalité: il n'y a que des circonstances rares, une heureuse étoile, qui puissent le conduire à la gloire.

La gloire appartient à Dieu dans le ciel. Sur la terre, c'est le lot de la vertu, et non du génie ; de la vertu utile, grande, bienfaisante, éclatante, héroïque. C'est le lot d'un monarque qui s'est occupé, pendant un règne orageux, du bonheur de ses sujets, et qui s'en est occupé avec succès. C'est le lot d'un sujet qui aurait sacrifié sa vie au salut de ses concitoyens. C'est le lot d'un peuple qui aura mieux aimé mourir libre, que de vivre esclave. C'est le lot, non d'un César ou d'un Pompée, mais d'un Régulus ou d'un Caton. C'est le lot d'un Henri IV (1).

RAYNAL. Histoire philosophique.

(1) Voyez, dans la Philosophie morale et pratique, un autre morceau sur la Gloire.

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Par elle l'homme ose franchir les bornes étroites dans lesquelles il semble que la nature l'ait renfermé: citoyen de toutes les républiques, habitant de tous les empires, le monde entier est sa 'patrié. La science, comme un guide aussi fidèle que rapide, le conduit de pays en pays, de royaume en royaume; elle lui en découvre les lois, les mœurs, la religion, le gouvernement : il revient chargé des dépouilles de l'Orient et de l'Occident; et joignant les richesses étrangères à ses propres trésors, il semble que la science fui ait appris à rendre toutes les nations de la terre tributaires de sa doctrine.

Dédaignant les bornes des temps comme celles des lieux, on dirait qu'elle l'ait fait vivre long-temps avant sa naissance. C'est l'homme de tous les siècles, comme de tous les pays. Tous les sages de l'antiquité ont pensé, ont parlé, ont agi pour lui; ou plutôt il a vécu avec eux, il a entendu leurs leçons, il a été le témoin de leurs grands exemples. Plus attentif encore à exprimer leurs mœurs qu'à admirer leurs lumières, quel aiguillon leurs paroles ne laissent-elles pas dans son esprit ? quelle sainte jalousie leurs actions n'allument-elles pas dans son cœur?

Ainsi nos pères s'animaient à la vertu : une noble émulation les portait à rendre à leur tour Athènes et Rome jalouses de leur gloire; ils voulaient surpasser les Aristide en justice, les Phocion en constance, les Fabrice en modération, et les Caton même en vertu.

Que si les exemples de sagesse, de grandeur d'ame, de générosité, d'amour de la patrie, deviennent plus rares que jamais, c'est parceque la mollesse et la vanité de notre âge ont rompu les noeuds de cette douce et utile société que la science forme entre les vivants et les illustres

morts, dont elle ranime les cendres pour en former le modèle de notre conduite.

D'AGUESSEAU. Nécessité de la Science.

La fausse et la véritable Érudition.

Nous savons qu'il est une science peu digne des efforts de l'esprit humain; ou plutôt il est des savants peu estimables, de qui le bon sens paraît comme accablé sous le poids d'une fatigante érudition. L'art, qui ne doit qu'aider la nature, l'étouffe chez eux, et la rend impuissante. On dirait qu'en apprenant les pensées des autres, ils se soient condamnés eux-mêmes à ne plus penser, et que la science leur ait fait perdre l'usage de la raison. Chargés de richesses superflues, souvent le nécessaire leur manque; ils savent tout ce qu'il faut ignorer, et ils n'ignorent que ce qu'ils devraient savoir.

A Dieu ne plaise qu'une telle science devienne jamais l'objet de nos veilles ! mais ne cherchons point aussi à faire, des défauts de quelques savants, le crime de la

science même.

Il est une culture savante, il est un art ingénieux qui, loin d'étouffer la nature et de la rendre stérile, augmente ses forces et lui donne une heureuse fécondité; une doctrine judicieuse, moins attentive à nous tracer l'histoire .des pensées d'autrui, qu'à nous apprendre à bien penser; qui nous met, pour ainsi dire, dans la pleine possession. de notre raison, et qui semble nous la donner une seconde fois, en nous apprenant à nous en servir; enfin, une science d'usage et de société, qui n'amasse que pour répandre, et qui n'acquiert que pour donner. Profonde sans obscurité, riche sans confusion, vaste sans incerti

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