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میں

ÉLÉMENTS

DE LITTÉRATURE.

E.

ECOLE. Une école est une pépinière d'hommes que l'on cultive pour les besoins ou les agréments de la société. De cette définition se déduisent naturellement tous les principes de l'institution, de la distribution, de la direction des écoles.

Les arts de pure industrie, auxquels l'exemple seul peut servir de leçon, et dont la pratique même est l'étude, n'ont d'autre école que l'atelier.

Les arts dont la pratique suppose quelque talent, quelques lumières, quelques facultés précédemment acquises; ceux, par exemple, qui demandent de l'intelligence et du goût, la justesse de l'œil et l'habileté de la main, pour inventer, choisir, exécuter les formes les plus régulières, les dessins les plus élégants, les combinaisons mécaniques les plus simples, les plus .solides, de l'effet le plus sûr et le plus désirable, ceux-là ont besoin d'une école. Mais dans cette école il doit y avoir des classes différentes pour les différents arts: le menuisier, le serrurier, n'est pas obligé de savoir dessiner les même choses que l'orfèvre ; chacun des élèves, n'ayant que son objet devant les yeux, n'en sera point distrait, et le saisira mieux et plus vite.

Il est une éducation nécessaire à tous les états. Dans une société d'hommes libres, où presque tous les engagements se forment par écrit, le laboureur, comme l'artisan, a besoin de se rendre compte de ce qu'il a, de ce qu'il doit, de ce qui lui est dû, de ce qu'il gagne et de ce qu'il dépense, de ce qu'il donne et de ce qu'il reçoit. C'est donc un établissement nécessaire, même dans les villages, que celui d'une école où l'on apprenne à lire, à écrire, à calculer, mais rien de plus. J'ai ouï dire que le paysan qui savait lire en était plus insolent; cela signifie peut-être plus éclairé

ÉLÉM. DE LITTÉR. - T. II.

sur ses droits et plus ferme à les soutenir. Mais plus cette instruction sera commune, moins elle aura l'effet qu'on appréhende : c'est un don précieux que celui de la parole, et personne ne s'en glorifie ni ne songe à s'en prévaloir.

C'est une institution digne d'un siècle philosophique et d'une nation policée, que celle des écoles pour les enfants aveugles et pour les sourds et muets de naissance. Il est à souhaiter qu'on en réduise les exercices au nécessaire et à l'utile. Ce qu'on y donnerait à la simple curiosité serait du temps perdu et cruellement dérobé à ces jeunes infortunés que l'on se propose d'instruire. Il s'agit de leur procurer les vrais moyens d'exister doucement par l'industrie et le travail; et c'en est bien assez pour leur intelligence, sans la fatiguer vainement.

Les arts qu'on appelle libéraux ne sauraient fleurir sans écoles. La peinture, la sculpture, l'architecture, la musique, ont des éléments, des méthodes, des procédés, qu'il faut avoir appris. Ceci n'a pas besoin de preuve.

Dans la Grèce, chaque artiste célèbre tenait école dans son atelier on s'y formait à son exemple, et il y joignait ses leçons.

En Italie, la peinture n'a été si florissante que parce qu'elle a eu des écoles ; et de tous les peintres fameux qu'elle a produits, le Corrége est le seul qui n'ait pris les leçons et la manière d'aucun maître ; mais dans un pays où un art est cultivé avec ardeur, un homme de génie n'a pas besoin de guide: son école est partout; et instruit par tous les exemples, il ne s'asservit à aucun.

En France, les arts ne prospèrent que par l'institution vraiment royale de leurs écoles, soit à Paris, soit au centre de l'Italie. Osons le dire, si on avait donné le même soin à cultiver, à former les talents d'un ordre encore plus élevé que ceux de la peinture, de la sculpture et de l'architecture, la France abonderait en hommes distingués dans tous les états. Les écoles de ces trois arts sont des modèles de l'émulation dont on pourrait animer tous les autres. Lorsque le roi de Suède vint à Paris pour la première fois, ce prince, qui voyageait en philosophe et qui observait en homme d'État, en voyant dans les salles de nos académies les chefs-d'œuvre de nos artistes, en parut vivement frappé. « Sire, lui dit le directeur de cette partie de l'administration, votre ma

jesté va voir la source de ces richesses et le berceau de ces talents. » Alors il conduisit le roi de Suède dans un vaste salon, où deux cents jeunes élèves dessinaient autour d'un modèle; et quoique la présence d'un grand roi fût un objet d'étonnement et de distraction bien puissant sur de jeunes têtes, on assure que le profond silence qui régnait dans l'école ne fut point troublé, et qu'aucun des jeunes dessinateurs ne leva les yeux, que lorsque le prince daigna demander à voir leurs études.

Il est difficile d'entendre comment l'envie que l'on témoigne d'avoir en France une bonne musique ne fait pas employer, pour cet art, le seul moyen de le favoriser. C'est dans des écoles que l'Italie a vu se fornier et ses chanteurs et ses compositeurs célèbres. L'art y décline depuis que les écoles n'ont plus des maîtres comme Durante et Porpora. A plus forte raison ne s'éleverat-il jamais dans un pays où, les talents étant presque abandonnés à eux-mêmes, on semble attendre de la nature et du hasard qu'ils fassent naître des musiciens et des chanteurs. (Depuis que cet article a été imprimé pour la première fois, l'école de musique a été établie; et le public en voit déjà les fruits éclore, et en applaudit les succès.)

Un objet bien plus sérieux et bien plus important est la culture des arts utiles et des sciences qui leur sont analogues; et à cet égard nous avons plus à nous féliciter qu'aucune nation de l'Europe. Nos écoles guerrières ont été ses modèles, et sont encore l'objet de son émulation. Notre école de chirurgie est la meilleure qui soit au monde. Celle de médecine fleurit dans plus d'une ville du royaume; cependant on y désire encore plus de sévérité dans l'admission des docteurs. Ce titre, prodigué à des ignorants, est un piége mortel pour la confiance publique, et peuple le monde d'assassins avec un brevet d'impunité.

Paris est plein d'excellents professeurs de chimie, de pharmacie, de botanique; des cours d'histoire naturelle s'y ouvrent tous les ans ; et parmi la foule de ceux qui en font un objet de curiosité, il en est assez qui en font une étude plus sérieuse et plus profonde.

Les mécaniques, l'astronomie, les mathématiques en général, sont négligemment enseignées dans les écoles publiques; mais

l'Académie des sciences est comme un sanctuaire où elles se réunissent; et l'ambition d'y entrer ajoute à la lumière qu'elles répandent une chaleur qui la rend féconde.

Qu'il me soit permis de dire un mot de ce qui nous reste à souhaiter.

A Paris, où les humanités sont bonnes, elles seraient encore meilleures si on y enseignait la langue française avec le même soin que les langues savantes; si, en cultivant la mémoire, on s'appliquait de même à former le goût; si l'histoire y faisait une partie des études; si la littérature moderne s'y mêlait à l'ancienne; si les régents des hautes classes étaient tous de la même force; et si, du moins pour la rhétorique, on avait soin de les choisir toujours parmi les gens de lettres, éprouvés et connus par leur goût et par leurs lumières, en attachant à leurs travaux de dignes encouragements. Dans une société d'études récemment établie sous le nom de Lycée, une élite de citoyens de l'un et de l'autre sexe vient de se procurer le précieux avantage d'une seconde éducation dans les lettres et dans quelques-unes des hautes sciences. On voit quel en est le succès: il est dû au choix qu'on a fait des professeurs que l'on s'est donnés, et cet exemple montre où l'on devrait les prendre pour l'éducation publique; mais au milieu ou vers la fin de la carrière d'un homme de lettres, comment l'engager à vouloir aller se former des élèves? Comme on engage tous les hommes à vouloir ce qu'on veut bien soi-même, par les deux grands mobiles auxquels rien ne résiste, surtout lorsqu'ils sont réunis.

L'éloquence, cet art qui n'a plus, il est vrai, la même influence et le même pouvoir qu'il avait autrefois dans Rome et dans Athènes, mais qui serait encore si nécessaire dans des emplois très-importants, l'éloquence est trop négligée dans nos écoles; l'étude du droit l'est encore plus dans l'université de Paris ; et non-seulement le droit public n'a point d'école où soient obligés d'aller s'instruire les jeunes gens que leur naissance, leur goût, leur caractère, et la trempe de leur esprit, destine aux négociations; mais le droit civil même n'a des écoles qu'en apparence. L'abus énorme d'être censé présent, dès qu'en payant on a pris l'inscription, fait que le professeur est presque seul dans son

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