Page images
PDF
EPUB

des athlètes devenues des poses plastiques arrangées pour l'effet de la rampe. Les facilités offertes au public pour voir des exercices sérieux le rendront exigeant pour les contrefaçons.- Immenses arènes. Chasses d'animaux sauvages. Combats de taureaux. La miévrerie hypocrite de notre époque défend l'introduction en France, ou au moins à Paris, de ces nobles luttes de l'homme courageux avec la bête furieuse; le costume prête au développement des formes et le caractère de la lutte au jeu des physionomies. Les taureaux s'y montrent dans toute la beauté de leur colère et de leur liberté. On dit, il est vrai, qu'il est cruel de répandre le sang de ces animaux. Nos gastronomes ont des raffinements d'humanité; ils pleurent sur un taureau tué noblement, et ils font bouillir des animaux vivants, et ils mettraient à la broche la création entière. — On dit aussi qu'il ne faut pas habituer le peuple à la vue du sang. Le xvIII° siècle n'avait montré sur ses théâtres qu'amours poudrés, que bergères fardées, que marquises enrubannées dans leurs robes à paniers, lorsque l'échafaud se dressa sur la place de Grève, tandis qu'en Espagne, où les combats de taureaux existent depuis tant d'années, où l'état révolutionnaire est l'état normal, le peuple n'a jamais approché, dans ses plus grandes fureurs, des excès dont nous avons donné l'exemple. Quant aux vengeances personnelles et à l'intervention du poignard dans les mœurs publiques, elles ne sont pas plus fréquentes en Es pagne qu'en Italie et en Grèce, où les spectacles sanglants ne se sont pas renouvelés depuis l'antiquité.

MAINTIEN DU GOÛT PUBLIC PAR L'INITIATION DES CITADINS
À LA BELLE NATURE.

Plantations et promenades parisiennes. Ce qu'est la nature pour le citadin. Il lui faut une nature mitigée, comme on fait boire au malade le lait coupé. Le désordre des plantations au milieu de la rectitude architectonique de nos constructions, les lignes serpentantes des allées sablées à côté de nos rues alignées, forment un contre-sens choquant. — L'architecte Le Nôtre fut le premier à comprendre qu'il était nécessaire de créer un intermédiaire entre l'architecture aux lignes droites et la nature aux lignes assouplies. De là ses dispositions admirables de jardins réguliers, échelonnés sur des terrasses à balustrades ornées; ses parterres largement découpés et parsemés de statues élevées sur de riches piédestaux; ses bassins de toutes formes, animés de jets d'eau de toutes combinaisons, devenant la transition naturelle entre l'œuvre de l'homme et l'œuvre de Dieu. Quelque chose, d'une part, assez régulier, assez architectonique pour s'allier et se fondre dans la construction d'un palais ou d'un château, d'autre part assez riche de verdure et de fleurs, assez libre d'allure dans sa régularité pour s'unir insensiblement aux grandes perspectives de la forêt, aux prairies émaillées de fleurs, aux cascades naturelles des eaux. C'est ainsi qu'il comprit Versailles se prolongeant sur les bois de Satory. — L'Angleterre, après avoir

chargé Le Nôtre de disposer ses plus beaux parcs, tels que ceux de SaintJames et de Greenwich, dans le système régulier imaginé par lui, fut la première à s'engouer des jardins irréguliers repoussés par Louis XIV dans la personne de Duverny. Elle développa hardiment toutes les ressources de ce système et lui donna son nom. Pour rester conséquente, elle tomba même dans l'exagération. En amenant jusqu'au perron du château les allées sinueuses, les eaux serpentantes et les arbres dans toute la liberté de leur végétation, elle rendit choquante la ligne droite de l'architecture, la roideur des pilastres, la rectitude et l'aplomb des colonnes; alors le lierre et la vigne vierge furent chargés de dissimuler l'architecture et de la transformer; on alla plus loin, on se réfugia dans le gothique, on se livra aux enfantillages du genre rustique. De ce moment, les grandes beautés de l'art furent remplacées par les fantaisies pittoresques et par la création coûteuse des beautés soi-disant naturelles, telles que cascades factices tombant du haut de rochers apportés à grands frais, grottes mystérieuses bâties de main d'homme et revêtues de coquillages. Quel caractère doivent avoir les plantations dans une ville et les promenades des citadins hors de la ville? Je parlerai des plantations de Paris, en recherchant les embellissements propres aux voies publiques d'une grande ville. Voyons ici quelles promenades réclame la capitale. Pour la population parisienne, pressée entre les murs étroits de ses rues et de ses maisons, entassée par couches superposées d'étages peu élevés, la promenade, au moins au jour du repos, c'est la santé. La poule au pot rêvée par Henri IV pour toute la France ne vaudrait pas, pour Paris, les belles promenades que son édilité peut lui donner. Sur la rive droite le bois de Boulogne; Monceaux, que M. Laffitte n'a pas transformé en un quartier tout bâti pour que la ville pût l'acheter aujourd'hui, et Vincennes. Sur la rive gauche le jardin des Plantes; le Luxembourg, ne formant, avec sa pépinière, qu'un vaste parc, et une nouvelle promenade acquise par la ville dans les fonds boisés d'Aulnay et du Plessis-Piquet. On donnera à ces six grandes promenades tout le charme de la campagne dans sa liberté naturelle, l'art n'y ajoutant que les grandes allées nécessaires à la circulation, l'abondance des eaux, la richesse d'une végétation variée et de fleurs abondantes; partout des partis-pris larges, des dispositions simples, et, quand la main de l'homme doit se montrer, comme dans l'architecture et son ornementation sculptée, une exquise simplicité. Point d'enfantillages qui rappellent les puérilités bourgeoises, maisons rustiques, grottes mousseuses, chalets suisses, ou, ce qui est pire encore, kiosques en découpures, maisonnettes d'ébénistes, qui d'Enghien et de Trouville se répandent en tous lieux avec une contagieuse rapidité. Que partout la beauté de l'art soit en rapport avec la beauté de la nature, comme à Delphes, comme à Olympie, comme près de Paris, lorsque François I acceptait les plans et projets de Jérôme della Robbia pour associer, dans le château du bois de Boulogne, toutes les délicatesses de l'art aux délices de la campagne; comme autour de Rome, lorsque des nobles italiens dispo

saient les parcs élégants des villas Médicis, Borghèse, Pamphili. — Chaque promenade parisienne aura son architecte paysagiste, un artiste d'assez de talent pour comprendre les libertés que l'art peut accepter dans ce milieu particulier qui n'est plus la ville, qui n'est pas encore la campagne, et qui participe de l'une et de l'autre, genre mixte qui constitue la promenade d'une grande ville. Il composera, pour toutes les constructions, les projets les mieux appropriés à chaque emplacement, et il sera fait des concessions d'autant plus avantageuses aux entrepreneurs de cafés et de restaurants, de concerts et de spectacles en plein air, qu'ils accepteront des projets plus élégants, qu'ils les construiront en matériaux plus riches, qu'ils les feront orner de fresques intérieures et extérieures par des artistes plus capables. Ces six promenades deviendront ainsi un programme pour l'architecture dans ses créations les plus variées, les plus osées en même temps; elles seront, en outre, un auxiliaire, un terrain d'expérimentation et un déversoir pour le muséum d'histoire naturelle et le musée du Louvre. Voici comment: la botanique et la culture scientifique ont prospéré et rendu des services au jardin des Plantes aussi longtemps que le terrain a offert à la végétation assez d'espace pour développer ses racines et ses branches, assez d'air sain pour respirer; mais, d'un côté, les besoins de la circulation des visiteurs, les bâtiments des serres et des collections, l'extension de la ménagerie et l'abondance des richesses acquises ont singulièrement diminué l'espace consacré à la culture; de l'autre côté, les vignes qui entouraient le jardin des Plantes à l'époque de sa fondation, et au milieu desquelles Guy Patin venait boire avec Guy la Brosse le vin du cru, ont été remplacées par des usines, par la gare du chemin de fer d'Orléans, couverte de locomotives toujours chauffées, et par les habitations d'une population serrée, qui exhalent dans l'air des gaz meurtriers. Par ces raisons, les expériences de culture, si utiles anciennement, deviennent impossibles de nos jours, si l'on n'offre pas au Muséum de vastes terrains d'expérimentation. Les promenades de Paris les lui donneront dans des conditions d'autant meilleures qu'elles permettront de répartir plantes et arbres suivant la nature du sol, je dirais presque suivant le climat qui leur convient, la forêt de Vincennes différant essentiellement des hauteurs du Plessis-Piquet. L'architecte paysagiste resterait chargé de toutes les plantations, parce que, outre ses connaissances pittoresques, il aura été reçu bachelier ès sciences naturelles et aura suivi les cours du professeur de botanique et de celui de culture pratique, pour pouvoir comprendre l'importance des expériences et suivre les indications de la science. De cette façon, les plantations des promenades parisiennes hors de Paris ne perdront rien sous le rapport pittoresque, et elles gagneront singulièrement en intérêt, les essences rares portant sur des cartels l'historique de leur origine, les plantes nouvelles étiquetées, les unes et les autres devenant des occasions d'enseignement pour le public, des sujets d'étude pour la science, des renouvellements d'idées pour les artistes. Le public parisien ne respecte rien, dira-t-on; il coupera les fleurs

et taillera les arbres.

lui défend de faire.

Le public est un enfant qui fait volontiers ce qu'on Au lieu d'inscrire sur vos poteaux : Défense de.....

sous peine d'amende, il est interdit de..., inscrivez, comme dans les jardins publics de l'Allemagne : Ces parterres et ces fleurs sont placés sous la protection des promeneurs. A qui demande si peu et ne menace pas on accorde tout. A cette flore agrandie du jardin des Plantes je voudrais associer une faune en liberté, qui serait plus nouvelle, et pourrait être aussi utile pour la șcience et pour les arts. L'État nourrit depuis bien des années, pour la plus grande joie des conscrits de la garnison et des bonnes d'enfants, quelques lions qui de l'immensité du désert passent sans transition dans une cage de quatre mètres carrés, et des ours qui descendent des Alpes majestueuses pour monter à un triste bâton au fond d'un cul de basse-fosse. Il serait temps de donner à ce chapitre du budget un emploi sérieux. Des animaux sauvages mis en cage dans l'antiquité. Asie, Égypte, Grèce, Rome, Byzance, Orient et Occident du moyen âge. Lions et tigres des ménageries royales en France depuis le x111° siècle. — Les animaux du jardin des Plantes. Les riches crédits du jardin Zoologique de Londres. Le pauvre budget du muséum d'histoire naturelle. Les animaux devraient être disséminés par espèces dans nos promenades. Emploi du fer pour fabriquer des enceintes que l'œil ne voit pas et qu'aucun lion, qu'aucune hyène ne sauraient ni franchir ni briser.- Vallons plantés d'arbres séculaires, qui dissimulent leurs enceintes de murailles et de grilles, au fond desquels se promènent les ours, les tigres et autres animaux grimpants. Girafes, bisons, éléphants, zèbres et lamas ayant la liberté avec tous ses droits, moins celui de faire le mal. Volières de 500 mètres d'étendue, englobant les grands arbres, et donnant à la population volatile une illusion de la liberté. - Chevaux, ânes, vaches et brebis ramenés le plus près possible de leur type primitif par les croisements avec les individus choisis en tous pays et par les libres allures.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Les pelouses émaillées de ces animaux se passent de fleurs et brillent harmonieusement au soleil, car la nature a donné au pelage de ses créatures, comme aux corolles des fleurs, les nuances qui se fondent le mieux avec la verdure ou qui tranchent le plus franchement sur elle. Cette girafe est de la couleur des feuilles mortes, cette vache de la nuance des fleurs de pêcher; qu'un beau taureau charollais, au manteau rose et blanc, traverse à gué la petite rivière qui serpente dans le pré, ne sentirez-vous pas venir à vous comme une senteur mythologique? Vous voyez Jupiter, vous cherchez Europe, vous comprenez mieux l'esprit poétique des Grecs, qui divinisa les impressions produites par les beautés de la nature. pour la première fois les animaux sauvages dans des conditions favorables. - Reproduction assurée des races devenues rares. — Croisements faciles. - Caractères et mœurs remis en évidence. Pour la première fois aussi les artistes se feront une idée de la beauté de ces créatures rendues à la

[ocr errors]

La science étudiera

liberté. A quel point de vue améliore-t-on les races? La Société d'en

traits.

couragement ou le Jockey-Club n'a qu'un but, la vitesse; qu'un succès en vue, la croissance rapide et la puissance donnée à certains muscles. Les formes résultant de cette éducation sont en contradiction directe avec celles des animaux créés par le bon Dieu. Cette tête fine, admirablement placée sur une encolure gracieusement arrondie, ces proportions si heureuses entre la hauteur et la longueur, entre le corps et les membres qui le supportent, tout cela est horriblement défiguré. De leur côté, les sociétés d'agriculture, et à leur suite toute la France agricole, ne comprennent qu'un genre de progrès : l'engraissement. Ne parlez pas de formes proportionnées et de beauté naturelle, on vous rirait au nez; parlez viande. Faire de la viande aux dépens de tout respect de la créature de Dieu, c'est là le but avoué et poursuivi aveuglément. L'idéal de l'agronome est une table de chair sur ses quatre pieds, une masse de graisse ambulante. Les comiées partagent cette manière de voir. Ils décernent leurs prix à des caricatures d'animaux dont l'État publie complaisamment, dans des rapports officiels, les hideux porOn vante ce progrès, on s'extasie sur la puissance de l'homme, qui transforme à son gré des créatures divines. On est dans l'erreur. - En quittant la voie prescrite par la nature, en faussant, en faisant dévier son cours, on n'obtient que de fâcheux résultats. Des parallelogrammes de chair ne font pas seulement des monstres de vaches et de brebis, cela fait aussi peu de lait et de mauvaise viande; des chevaux qui, par croisements successifs, tiennent des espèces sautantes et bondissantes, comme les lièvres, les lévriers et les sauterelles, ne sont pas seulement des types de laideur, ce sont aussi des chevaux pleins de tares, défectueux pour tous les services, à l'exception d'un seul, celui d'une course momentanée, dont on exagère chaque jour la rapidité en en diminuant la durée, comme si le nec plus ultra devait être quelque bond prodigieux. J'ai étudié longuement et pratiquement le système du pur sang en Angleterre, en Allemagne et en France; j'ai éprouvé, au désert même, le cheval arabe, et j'admets l'utilité du pur sang, à la condition de le contrôler par d'autres épreuves que celle de la vitesse. Si vous demandez des exercices plus en rapport avec les besoins, vous obtiendrez des animaux plus conformes au type primitif du vrai cheval. La vitesse seule, à faible poids et de courte durée, s'obtient au détriment de toutes les qualités qui font la force, la résistance et le fond, et ces qualités venant à manquer, au lieu de l'ampleur des formes, des justes proportions entre la hauteur des jambes et la largeur du flanc ou de la poitrine, vous avez des animaux à croupe haute, à flancs déprimés, à jambes grêles, à poitrine étroite. Si vous donniez des prix de courses de vitesse et des prix plus élevés pour des courses de fond à lourds poids, vous encourageriez les éleveurs à chercher dans les races orientales les qualités qui répon draient à ces exigences; si enfin vous fixiez des récompenses pour la beauté des formes obtenues par le pur sang, mais en dehors de toute autre condition, vous ajouteriez encore un stimulant à l'élève des chevaux selon la saine raison. Les étalons de l'État auront leur écurie annexée à l'une des prome

« PreviousContinue »