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T'a soumis son orgueil au moment que l'Espagne,
Sûre de ce côté, tremblait pour l'Allemagne.
Ypres te voit paraître, il reconnaît tes lois,
Et rien ne se refuse à l'empire françois.

Quel trouble pour l'Europe! et combien d'épouvante
Jette dans tous les cœurs ta valeur triomphante?
Ces peuples, contre nous ardens à se liguer,
Attendent le moment qui les va subjuguer.

Nous seuls goûtons la paix que tes exploits nous donnent;
Et tandis qu'en tous lieux les trompettes résonnent,
Que leur bruit menaçant fait retentir les airs,
Paris ne les entend que dans nos seuls concerts.
A MAD. ***

Le Parnasse aujourd'hui célèbre votre fête ;

Les Muses de concert vous vont faire leur cour:
Ecoutez ce qu'ici la mienne vous apprête;

Je vais vous parler sans détour.

Je ne suis point votre conquête ;

Pour vos jeunes appas, je n'ai point pris d'amour :
Mettez-vous cela dans la tête.

Je sais que quelquefois des cris applaudissans

Vous mettent sans façon au rang des plus charmantes;
Des bords du grand bassin partent ces doux accens :
Ce ne sont pas flatteurs que

les

passans,

Et moins encore les passantes.

Mais que le grand bassin ne s'en offense pas;
Į Je n'ai point pris d'amour pour vos jeunes appas.
Tant mieux pour eux qu'on les admire;

Je n'ai point pris d'amour, ce mot vous doit suffire.
Mais à quoi bon le dire tant?

A quoi bon? Je suis très-content
D'avoir encor la force de le dire.

ÉNIGME SINGULIÈRE.

MoN nom est grec, non pas tiré du grec par force,

Par le secours d'une savante entorse;

Mais

grec, purement grec, et tel que Casaubon,
Les deux Scaliger et Saumaise,

Épris d'amour pour moi, se seraient pâmés d'aise,

En soupirant pour ce beau nom.

S'il m'eût manqué, réduite à me fournir en France,
J'en avais sous ma main un autre assez heureux,

Qui des siècles naissans retraçait l'innocence,
Les plus tendres liens, les plus aimables jeux :
Charmes qui de nos jours s'en vont en décadence.
Au défaut des deux noms il me serait resté
Une figure si parfaite,

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Que je pouvais en toute sûreté

Être Mathurine ou Colette.

Le mot de l'énigme est mademoiselle Lascaris, fille de feu le marquis d'Urfé. Après la prise de Constantinople par les Turcs, un seigneur Lascaris, de la maison des derniers empereurs grecs, se retira en France; il acquit quelques terres, qui sont tombées par succession dans la maison d'Urfe, sous la condition que dans la maison qui les posséderait, il y aurait toujours quelqu'un qui porterait le nom de Lascaris.

Si votre

A MAD...

I votre absence continue,

Je vous en avertis, mon amour diminue.

En vous différens dons des cieux

Font un tout rare et curieux :

Mais quand un si beau tout est un temps sans paraître

A mes yeux, à mes propres yeux,

Je viens à douter qu'il puisse être.

SUR MA VIEILLESSE.

Il fallait n'être vieux qu'à Sparte,

Disent les anciens écrits.

O Dieux! combien je m'en écarte,
Moi qui suis si vieux dans Paris!

O Sparte! Sparte, hélas! qu'êtes-vous devenue?
Vous savez tout le prix d'une tête chenue.
Plus dans la canicule on était bien fourré,
Plus l'oreille était dure et l'œil mal éclairé,
Plus on déraisonnait dans sa triste famille,
Plus on épiloguait sur la moindre vétille,
Plus contre tout son siècle on était déclaré,
Plus on était chagrin et misantrope outré,
Plus on avait de goutte et d'autre béatille,
Plus on avait perdu de dents de leur bon gré,
Plus on marchait courbé sur sa grosse béquille,
Plus on était enfin digne d'être enterré;
Et plus dans vos remparts on était honoré.

O Sparte! Sparte, hélas! qu'êtes-vous devenue?
Vous saviez tout le prix d'une tête chenue.

RÉPONSE

Aux vers de FONTENELLE sur sa vieillesse. Il avait alors quatre-vingt-douze ans.

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E ce pays si vanté

Je connais très-peu la carte:

Mais je crois, en vérité,

Qu'un vieillard de sa trempe eût été mal à Sparte.
Qu'auraient-ils fait de l'amant de Cypris,
Ces gens si durs, si peu nés pour les ris?
N'étant chez eux qu'un vieillard respectable,
Il eût perdu la moitié de son prix:

Pour être Fontenelle, il devait être aimable;
Voilà pourquoi les dieux l'ont placé dans Paris.

Le Prés. Hénaut lut à la reine les vers de Fontenelle, sur le respect que l'on avait à Sparte pour une téte chenue, et ses regrets sur ce que ce respect s'était bien perdu depuis. La reine lui dit : » Faites savoir à Fontenelle que j'ai vu >> ses vers, et qu'une tête comme la sienne doit trouver Sparte partout. » Le Président ne manqua pas de mander une réponse si flatteuse à Fontenelle. Il le fit même souvenir que ses premiers vers ayant été pour madame la dauphine de Bavière, ses derniers vers devraient bien être pour la reine. Il vint sur-le-champ chez le Président, et lui apporta ces quatre vers:

Je ne me flatte point du tout
De retrouver Sparte partout;
Mais vous, ô modèle des reines!
Vous trouveriez partout Athènes.

REMARQUES

SUR QUELQUES COMÉDIES D'ARISTOPHANE,

SUR LE THÉATRE GREC, etc.

Les Grecs sont harangueurs et rhéteurs jusques dans leurs tragédies. Vous voyez presque toujours deux personnages qui devraient se dire des choses vives et souvent interrompues, faire chacun un long discours qui a exorde, preuves et péroraison, et où l'un résume tranquillement tout ce qu'a dit l'autre.

Ces mêmes tragiques ont des lieux communs sans fin, et souvent mal placés, et qui ne s'appliquent pas si bien aux personnages qu'aux Athéniens, pour lesquels je ne doute point qu'ils ne fussent faits mais il n'y avait pas beaucoup d'art à cela.

:

Je voudrais bien savoir comment on me justifierait les reproches violens qu'Admète, dans Alceste, fait à son père Phérès, sur ce qu'il n'a pas voulu mourir pour lui. Il fallait que les Grecs fussent encore bien barbares, du temps qu'ils trouvaient cela beau.

Encore dans Alceste, il y a une description d'Hercule arrivé chez Admète, et qui aussitôt se met à faire bonne chère. Cette description est si burlesque, qu'on dirait d'un crocheteur qui est de confrairie. Je ne sais quelle idée les Grecs avaient d'Hercule, ou comment étaient faites leurs réjouissances.

On ne sait ce que c'est que le Prométhée d'Eschyle. Il n'y a ni sujet ni dessein, mais des emportemens fort poétiques et fort hardis. Je crois qu'Eschyle était une manière de fou qui avait l'imagination très-vive et pas trop réglée.

Le Plutus est fort bon. Il y a des choses aussi plaisantes que Molière en ait fait.

Aristophane paraît en un endroit s'y plaindre de ce qu'il n'y avait point de médecins à Athènes, parce que la médecine n'y était pas estimée.

Il fallait que les Athéniens ne fussent pas trop dévots; car cela se jouait devant eux, et les dieux sont traités dans cette comédie assez cavalièrement. Mercure vient se plaindre de ce qu'ils meurent tous de faim, depuis que Plutus a recouvré la vue, parce que tout le monde étant riche, on ne fait plus de sacrifices. Il pousse la chose jusqu'à demander un emploi chez Chremile, quel qu'il soit, du moins pour avoir de quoi manger. Il y a encore un en

droit on Aristophane décrit fort plaisamment la friponnerie du prêtre d'Esculape, qui ayant éteint les lumières dans le temple, venait ramasser et mettre dans un grand sac tout ce qu'on avait offert au dieu; et Carion, pour imiter le prêtre, mange la bouillie d'une vieille qui était auprès de lui. Les scènes de cette autre vieille qui entretenait un jeune homme, sont merveilleuses. Les scènes de la Pauvreté ne me plaisent guère; elles font même un mauvais effet, à quoi Aristophane n'a pas pris garde; car la Pauvreté fait voir des inconvéniens très-solides à l'égalité des biens, et on ne répond point à ses raisons; cela est cause que je ne suis pas si aise que Plutus ait recouvré la vue. Je le serais tout-à-fait sans cela; tous les effets qu'on en voit sont agréables.

Les Nuées eussent été bonnes contre un sophiste; mais non pas contre Socrate, qui n'était rien moins que sophiste. Le dessein de cette pièce est pourtant fort plaisant. Strepsiade est le vrai gentilhomme bourgeois, par la difficulté qu'il a d'apprendre, par ses méprises continuelles, et par la naïveté avec laquelle il rend ce qu'il a appris. Il ressemble fort aussi à George Dandin, quand il se plaint d'avoir épousé une femme de la ville, lui qui était un homme de la campagne. Les niaiseries qu'on fait faire à Socrate sur la mesure du saut de la puce, sont très-ridicules s; mais je ne crois pas que cela fût fondé. Aristophane dit beaucoup de bien de lui dans un chœur, et se plaint de ce que tous les comiques ne savaient point d'autre chanson que d'attaquer ce pauvre Hyperbolus. Je n'aime point ces deux personnages, dont l'un est le discours véritable, et l'autre le discours sophistique. Les personnages allégoriques ou métaphysiques ont fort mauvaise grâce parmi ceux qui sont vivaus, mais principalement ces deux discours-là ; ils disent pourtant de bonnes choses. Aristophane reproche à son siècle la délicatesse de se servir de bains chauds.

Les Grenouilles sont faites de deux morceaux, qui ne se ressemblent point. L'un est tout de plaisanteries et de jeux de théâtre sur le Voyage de Bacchus aux enfers; les différentes réceptions qu'on lui fait, et ses continuels changemens d'habits avec Xanthias, font un effet fort agréable: ce serait encore toute autre chose dans l'action; je n'ai rien vu de meilleur pour le jeu de théâtre. L'autre morceau des Grenouilles est tout de critique. Euripide reproche à Eschyle ses grands mots forgés à plaisir, l'enflure et l'obscurité de son style, une Niobé qui était tout un acte sur le théâtre, sans parler. Eschyle reproche à Euripide qu'il est grand causeur et sophiste; qu'il a un style mou; qu'il n'a pas fait comme lui des Perses et des Sept Chefs

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