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Vous n'êtes pas touchans, mais vous êtes tranquilles :
Ah! ne me laissez pas le loisir de songer

Que l'on puisse avoir un berger.

Fontaines, fleurs, oiseaux, charmes pleins d'innocence, Aidez à m'occuper, j'aurai recours à vous;

Sauvez-moi de l'amour : hélas! pour ma défense

Sera-ce assez que vous conspiriez tous ?

D'où vient que je suis effrayée
Des efforts qu'il me va coûter?
N'en serai-je pas bien payée,

Et le repos peut-il trop s'acheter?
Les plus tendres bergers, et Myrtille lui-même,
N'ébranleroient pas mon dessein.

Non, Myrtille à mes pieds l'entreprendroit en vain;
Quand on a le cœur tendre, il ne faut pas qu'on aime.

AINSI

INSI parla Délie; alors du dieu du jour

Le char penchoit un peu vers la fin de son tour;
Mais le char de la nuit n'avoit pas pris sa place
Que Délie à Myrtille avoit déjà fait grace.
il n'étoit point volage : il avoit seulement
Eprouvé sa bergère, et feint un changement;
Crime qu'avec plaisir on pardonne au coupable,
Après que d'un plus grand on l'a jugé capable.
Myrtille en peu de temps se vit assez aimé,
Pour savoir le dessein que l'on avoit formé.
Il ne demeura pas tout-à-fait inutile ;
Quelquefois il fit rire, et Delie, et Myrtille.

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CE E présent pastoral doit-il être pour vous? » Hélas! je ne vous trouve aucun trait de bergère.

» Vous n'avez point ce tendre caractèrë,

» Des belles de nos bois l'agrément le plus doux :

» Mais vous avez en récompense

» Dans l'air, dans le visage assez de majesté, » Dans l'humeur assez de fierté,

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Et peut-être un peu d'inconstance;

» Enfin vous êtes nymphe, à ce que font juger » Vos appas, vos défauts, trop bizarre mélange, » Et trop capable encor de plaire et d'engager : » Vous êtes nymphe, et moi qui sous vos loix me range, » Je ne suis qu'un simple berger.

» Tendresse qui jamais n'étale ses services, » Délicatesse sans caprices,

>> Soins plus amoureux que brillans,

» Timidité flatteuse, ardeurs toujours égales, Transport qui sont ensemble et doux et violens, Respect, constance, enfin les vertus pastorales,

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» Voilà quels sont tous mes talens.

» Mais toute nymphe que vous êtes,

Que vous faut-il de plus que des flammes parfaites ; » Un berger fidèle a de quoi

Payer le cœur des nymphes même ;

Et qui d'un certain ton peut dire, je vous aime
Ne voit rien au-dessus de soi.

» Je ne crois pas qu'on vous irrite

> En vous tenant ce superbe discours ;

» Chacun, autant qu'il peut, fait valoir son mérite, » Les bergers ne sauroient vanter que leurs amours »

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כל

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ARCAS

RCAS et Palemon, tous deux d'un âge égal, L'un pour l'autre tous deux concurrens redoutables,

» Se répondant tous deux par des chansons semblables » Formoient un combat pastoral.

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» Ce n'étoit point la méprisable gloire

Ou du chant, ou des vers, qui piquoit leurs esprits. » Ils disputoient un plus illustre prix;

» Chacun prétendoit la victoire

» Pour la beauté dont il étoit épris.

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Qui dans ses jeunes ans enflamma tant de cœurs,

כל

Qu'une expérience savante

Rendoit en fait d'amour l'oracle des pasteurs,

» Et dont la vieillesse galante

» Souvent par ses avis se plaisoit à former

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ככ

Quelque beauté simple et naissante,

Qui n'eût su qu'être aimable et non se faire aimer.

» Le berger qui des deux auroit le moins su plaire, »Ne devoit point payer deux chevreuils et leur mère A son rival victorieux,

>> Dans des temps plus grossiers peine assez ordinaire: Il falloit, ô loi plus sévère !

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>> Et que

n'eût-il pas aimé mieux ? "Que du berger vainqueur il chantât la bergère.

» Aussi de quelque beau feu ne furent-ils pas pleins?

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» Quels efforts des deux parts! O toi, muse rustique; Qui, laissant à tes sœurs la trompette héroïque, N'enfles que des pipeaux assemblés par tes mains Toi, qui du superbe Parnasse

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Négligeant les lauriers sacrés,

Te couronnes le front avec autant de grace "Des simples fleurs qui naissent dans les prés » Redis-moi le combat ardent, quoique paisible, Que se livrèrent les bergers.

ככ

» Tu n'as jamais connu de combat plus terrible, Tes héros n'ont jamais couru d'autres dangers

ARCAS.

Αυ

parti de Philis tu dois la préférence, Amour; elle n'a point de mépris pour tes loix.

PALEM O N.

Si Daphné n'aime pas, tu sais en récompense,
Amour, combien Daphné fait aimer dans ces bois.
ARCA S.

De Vénus quelquefois avez-vous vu l'image?
Elle a les cheveux blonds, et ma bergere aussi.
PALEM ON.

Avec ses cheveux noirs Daphné plaît davantage ;
Pardonne-moi, Vénus, mon cœur en juge ainsi.

ARCA S.

Quand Philis a mêlé des fleurs dans sa coëffure, Quel charme pour les yeux, quel péril pour les cœurs !

PALEM ON.

Quand Daphné se fait voir sans aucune parure,
Elle sait mieux charmer qu'une autre avec des fleurs.

!!

ARCAS.

L'enjoûment de Philis la rend encor plus belle,
Et de jeux et de ris une troupe la suit.

PALEM O N.

Daphné dans sa langueur à les graces pour elle
Et les graces toujours ne font pas tant de bruit.

ARCA S.

D'une foule d'amans Philis est entourée,
Et je vois que mon choix s'est trop fait

PALEM O N.

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approuver.

Daphné fuit ses amans, elle vit retirée :
Heureux qui lui pourroit fournir de quoi rêver!

ARCA S.

Pour gagner tous les cœurs, le ciel fit ma bergère;
Sa beauté, sa douceur, tout plaît au même instant.
PALEM O N.

Lorsque l'on voit Daphné douce ensemble et sévère,
On n'oseroit l'aimer; mais on l'aime pourtant.

ARCA S.

N'est-ce pas
à Philis que tous les vœux s'adressent
S'il vient en ce hameau des pasteurs étrangers?

PALEM O N.

Oui, pendant leur séjour autour d'elle ils s'empressent;
Daphné n'est pas si propre aux amans passagers.

Dans le crystal des eaux souvent Philis se mire,
Et là contre mon cœur elle apprête des traits.
Ruisseaux, peignez-lui bien la beauté qui m'attire,
Philis en croira mieux les sermens que je fais.

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