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Car, le croiriez-vous bien ? on me vit là chantant
» Ces airs d'une muse champêtre,

» Ces mêmes airs que vous connoissez tant.
VICTOIRE le voulut, se délassant peut-être
De ces airs plus polis que sans cesse elle entend.
Je tremblois devant elle, et je chantai pourtant.

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"O ciel! qu'elle. fit bien connoître

Jusqu'où va son esprit, jusqu'où son goût s'étend!
Les endroits dont je crois qu'on peut être content
» Un souris fin, qui venoit à paroître,

» Les marquoit dans le même instant..

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Quand un berger qui vous adore,

Chante des vers qui furent faits pour vous

Vous devez bien savoir s'ils sont touchans et doux;

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» VICTOIRE le sait mieux encore.

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Puisqu'elle daigne m'écouter,ov
Toujours mes chants seront jugés par elle.
» Et pourquoi ne la pas chanter,
Me direz-vous? La matière est si belle !
» Je le sais bien; mais un simple hautbois,
A votre avis, y pourroit-il suffire ?
» Phœbus lui-même avec sa lyre,
Y penseroit plus d'une fois ..

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POÉSIES

PASTORALES.

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ALCAN DRE.

PREMIÈRE ÉGLOGUE

A MONSIEUR

QUAND je lis d'Amadis les faits inimitables, » Tant de châteaux forcés, de géans pourfendus, » De chevaliers occis, d'enchanteurs confondus"," » Je n'ai point de regret que ce soient-là des fables » Mais quand je lis l'Astrée, où dans un doux repos » L'amour occupe seul de plus charmans héros,

» Où l'amour seul de leurs destins décide,

» Où la sagesse même a l'air si peu rigide,

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Qu'on trouve de l'amour un zélé partisan

Jusques dans Adamas, le souverain druide;

» Dieux! que je suis fâché ce soit un roman !

que

» J'irois vous habiter, agréable contrée, » Où je croirois que les esprits

» Et de Celadon et d'Astrée b

"Iroient encore errans, des mêmes feux épris ;
» Où le charme secret, produit par leur présence,

>> Feroit sentir à tous les cœurs
» Le mépris des vaines grandeurs,
» Et les plaisirs de l'innocence.co

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O rives de Lignon! ô plaines de Forez!

» Lieux consacrés aux amours les plus tendres, Montbrison, Marcilli, noms toujours pleins d'attraits, Que n'êtes-vous peuplés d'Hylas et de Silvandres!

Mais pour nous consoler de ne les trouver pas,

» Ces Silvandres et ces Hylas,

Remplissons nos esprits de ces douces chimères, » Faisons-nous des bergers propres à nous charmer; Et puisque dans ces champs nous voudrions aimer, » Faisons-nous aussi des bergères.

Souvent en s'attachant à des fantômes vains Notre raison séduite avec plaisir s'égare, Elle-même jouit des plaisirs qu'elle a feints; » Et cette illusion pour quelque temps répare Le défaut des vrais biens que la nature avare 32 N'a pas accordés aux humains.

Ami, dans ce dessein je t'offre cet ouvrage; so Nous avons eu du ciel l'un et l'autre en partage » Le même goût pour les bergers. Nous n'imiterons pas du héros de Cervantes Dans de ridicules dangers

» Les prouesses extravagantes.

Sans doute nos esprits ne seront point blessés » Du fol entêtement de la chevalerie,

Jamais par nous des torts ne seront redressés ;
Mais pour cette puissante et douce rêverie,
Qui fit errer Lisis dans les plaines de Brie,
Avec quelques moutons à peine ramassés
» Rétablissant la bergerie

» Dans l'éclat des siècles passés,

» Cher ami sans plaisanterie,

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» N'en sommes-nous point menacés » ?

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LES bergers d'un hameau célébroient une fête ;
Chacun d'eux plus paré méditoit sa conquête,
Ne respiroit qu'amour, et n'étoit appliqué
Qu'au soin de voir, de plaire et d'être remarqué
Ce soin, mais plus secret, occupoit les bergères;
On avoit pris conseil des ondes les plus claires,
On avoit dérobé des fleurs aux prés naissans ;
Rien n'étoit oublié des secours innocens

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Qu'en ces lieux la nature et si simple et si belle,
Peut recevoir d'un art presqu'aussi simple qu'elle.
Ici, sous des rameaux exprès entrelacés,

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Où jouoient les rayons dont ils étoient percés ;
On formoit tour-à-tour des danses différentes :
Heureux ceux qui tenoient la main de leurs amantes!
Là, dans une campagne on disputoit un prix ;
L'amour plus que la gloire anime les esprits
Les belles aux bergers inspirent de l'adresse :
Heureux qui met le prix aux pieds de sa maîtresse !
Tout l'air retentissoit du bruit confus et doux
Des flûtes, des hautbois, et des oiseaux jaloux
Il naissoit mille amours, ce temps les favorise ;
Ils étoient moins craintifs, ce temps les autorise;
De toutes parts enfin, par mille jeux divers,
A la joie, au plaisir les cœurs étoient ouverts.
Alcandre, Alcandre seul n'en étoit point capable;
A peine il reconnut un jour si remarquable :
En voyant ce spectacle, il s'en trouva surpris;
Triste, mais tendre effet de l'absence d'Iris.
Il se dérobe, il fuit une importune foule;
Par des chemins couverts en secret il se coule.
Aussi-tôt qu'il arrive au milieu d'un côteau,
D'où les yeux aisément découvrent le hamean,

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Il y voit l'allégresse en tous lieux répandue,
Pour un amant qui souffre insupportable vue.
Il s'arrête, et pressé de ses vives douleurs :
Tout rit, tout est en joie ; et moi, dit-il, je meurs.
Deux fois du sein des eaux la lumière est sortie,
Depuis que du hameau ma bergère est partie;
Je faisois de la voir le plus doux de mes soins;
Si je ne la voyois, je la cherchois du moins ;
L'amour me conduisoit, et je ne manquois guère
A découvrir les lieux qui cachoient la bergère.
Mais maintenant, hélas! j'erre en ces mêmes lieux
Plein d'elle, et sans espoir qu'elle s'offre à mes yeux.
Ciel que le soleil marche à pas lents sur nos têtes !
Quels jours! quelle tristesse! et l'on songe à des fêtes!
On danse en ce hameau! que je me tiens heureux
D'être ici solitaire, éloigné de ces jeux !

Et qu'y ferois-je ? quoi! je pourrois voir Dorida
De louanges toujours et de douceurs avide,
Et Madonte qui croit qu'Iris ne la vaut pas,
Et Stelle qui jamais n'a loué ses appas,
Y briller en sa place, y triompher de joie !
Goûtez bien le bonheur que le ciel vous envoie,
Bergères; jouissez de mille vœux offerts
Dans l'absence d'Iris ; les momens vous sont chers.
Qu'elle eût orné les jeux ! que d'yeux tournés sur elle
Et qu'on m'eût rendu fier en la trouvant si belle!
Elle eût mis cet habit qu'elle même a filé,
Chef-d'œuvre de ses doigts qu'on n'a point égalé,
Souvent à cet ouvrage un peu trop attachée,
Il sembloit de mon chant qu'elle fût moins touchée.
Il est vrai cependant que, pour mieux m'écouter,
La belle quelquefois vouloit bien le quitter.
Elle auroit mis en noeuds sa longue chevelure,
La jonquille à ces noeuds eût servi de parure;

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