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nouvelle peignait si bien la paisible félicité; et ce naturaliste que nous possédons encore parmi nous, et dont la vieillesse, si justement honorée, jouit, au milieu du calme d'une vie très-prolongée, heureuse et sereine, de la reconnaissance de ses contemporains, et de l'affection de mes savants collègues. J'en atteste même les illustres victimes de leur passion sacrée : Pline, qui meurt au milieu du Vésuve; tant de célèbres voyageurs qui expirent pour la science sur une terre étrangère, ces infortunés compagnons de La Pérouse, dont la mer a tout dévoré, excepté leurs droits sur la postérité. Et les sacrifices utiles, le dévouement généreux, le saint enthousiasme, n'ont-ils pas aussi leur bonheur suprême?

Non, après la vertu, rien ne peut nous conduire plus sûrement à la félicité que l'amour des sciences naturelles. Et vous qui m'écoutez, et qui, jeunes encore, formez notre plus chère espérance! vous, devant qui s'ouvre une carrière que vous pouvez illustrer par tant de travaux ! ah! lorsque vous aurez éprouvé cette vérité consolante que le bonheur est dans la vertu qui aime, et dans la science qui éclaire! lorsqu'au milieu de l'éclat de le gloire, ou dans l'obscurité d'une retraite paisible, vous jouirez du charme attaché à l'étude de la nature, et que votre cœur vous retracera vos premières années, vos premiers efforts, vos premiers succès, mêlez quelquefois à ces pensées le souvenir de celui qui alors ne sera plus, mais qui aujourd'hui, et de toutes les facultés de son âme et de son esprit, vous appelle aux plus heureuses destinées. LACEPÈDE,

Disc. de Clôture du Cours d'Histoire Naturelle.

LE MARECHAL DE BIRON À SES JUGES.

JE vous ai rétablis, messieurs, sur les fleurs de lis d'où les saturnales de la Ligue vous avaient chassés. Ce corps, qui dépend de vous aujourd'hui, n'a veine qui n'ait saigné pour vous. Cette main, qui a écrit ces lettres produites contre moi, a fait tout le contraire de ce qu'elle écrivait.

Il est vrai, j'ai écrit, j'ai pensé, j'ai dit, j'ai parlé plus que je ne devais faire. Mais où est la loi qui punit de mort la légèreté de la langue et le mouvement de la pensée ? Ne pouvais-je pas desservir le roi en Angleterre et en Suisse ? Cependant j'ai été irréprochable dans ces deux ambassades; et, si vous considérez avec quel cortége je suis venu, dans quel état j'ai laissé les places de Bourgogne, vous reconnaîtrez la confiance d'un homme qui compte sur la parole de son roi; et la fidélité d'un sujet, bien éloigné de se rendre souverain dans son gouvernement...

J'ai voulu mal faire ; mais ma volonté n'a point passé les bornes d'une première pensée, enveloppée dans les nuages de la colère et du dépit, et ce serait chose bien dure, que l'on commençât par moi à punir les pensées. La reine d'Angleterre m'a dit que, si le comte d'Essex eût demandé pardon, il l'aurait obtenu; je le demande aujourd'hui le comte d'Essex était coupable, et moi, je suis innocent.

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Est-il possible que le roi ait oublié mes services? Ne se souvient-il plus du siége d'Amiens, où il m'a vu, tant de fois, couvert de feu et de plomb, courir tant de hasards, pour donner ou pour recevoir la mort? Le cruel! il ne m'a jamais aimé que tant qu'il a cru que je lui étais nécessaire. Il éteint le flambeau en mon sang, après qu'il s'en est servi. Mon père a souffert la mort pour lui mettre la couronne sur la tête; j'ai reçu quarante blessures pour la maintenir; et, pour récompense, il m'abat la tête des épaules. C'est à vous, messieurs, d'empêcher une injustice qui déshonorerait son règne, et de lui conserver un serviteur, à l'État un bon guerrier, et au roi d'Espagne un grand ennemi.

MÉZERAY.

LES INVALIDES AU PIED DES AUTELS.

Qui de nous n'a pas vu quelquefois ces vieux soldats qui, à toutes les heures du jour, sont prosternés çà et là sur les marbres du temple élevé au milieu de leur

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auguste retraite ? Leurs cheveux, que le temps a blanchis, leur front, que la guerre a cicatrisé, ce tremblement, que l'âge seul a pu leur imprimer, tout en eux inspire d'abord le respect: mais de quel sentiment n'eston pas ému lorsqu'on les voit soulever et joindre avec effort leurs mains défaillantes, pour invoquer le Dieu de l'univers et celui de leur cœur et de leur pensée ; lorsqu'on leur voit oublier, dans cette touchante dévotion, et leurs douleurs présentes et leurs peines passées ; lorsqu'on les voit se lever avec un visage serein, et emporter dans leur âme un sentiment de tranquillité et d'espérance! Ah! ne les plaignez point dans cet instant, vous qui ne jugez du bonheur que par les joies du monde ! Leurs traits sont abattus, leur corps chancelle, et la mort observe leurs pas; mais cette fin inévitable, dont la seule image vous effraye, ils la voient venir sans alarmes : ils se sont approchés par le sentiment de celui qui est bon, de celui qui peut tout, de celui qu'on n'a jamais aimé sans consolation. Venez contempler ce spectacle, vous qui méprisez les opinions religieuses, et qui vous dites supérieurs en lumières ; venez, et voyez vous-mêmes ce que peut valoir, pour le bonheur, votre prétendue science. Ah! changez donc le sort des hommes, et donnez-leur à tous, si vous le pouvez, quelque part aux délices de la terre, ou respectez un sentiment qui leur sert à repousser les injures de la fortune; et, puisque la politique des tyrans n'a jamais essayé de le détruire, puisque leur pouvoir ne serait pas assez grand pour réussir dans cette farouche entreprise, vous, que la nature a mieux doués, ne soyez ni plus durs, ni plus terribles qu'eux ; ou si, par une impitoyable doctrine, vous vouliez enlever aux vieillards, aux malades et aux indigents la seule idée de bonheur à laquelle ils peuvent se prendre, parcourez aussi ces prisons et ces souterrains, où des malheureux se débattent dans leurs fers, et fermez de vos propres mains la seule ouverture qui laisse arriver jusqu'à eux quelques rayons de lumière. NECKER. Importance des Opinions Religieuses.

PROCLAMATION APRÈS LA BATAILLE DE MONDOVI, (22 Avril, 1796.)

SOLDATS, vous avez, en quinze jours, remporté six victoires, pris vingt drapeaux, cinquante pièces de canon, plusieurs places fortes, conquis la partie la plus riche du Piémont; vous avez fait quinze mille prisonniers, tué ou blessé plus de dix mille hommes.

Vous vous étiez jusqu'ici battus pour des roches stériles, illustrés par votre courage, mais inutiles à la patrie: vous égalez aujourd'hui par vos services l'armée conquérante de Hollande et du Rhin; dénués de tout, vous avez supplée à tout; vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans ponts, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie et quelquefois sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert. Grâces vous en soient rendues, soldats! la patrie reconnaissante vous devra sa prospérité et si, vainqueurs de Toulon, vous présageâtes l'immortelle campagne de l'an III, vos victoires actuelles en présagent une plus belle encore.

Les deux armées qui naguère vous attaquaient avec audace, fuient épouvantées devant vous. Les hommes pervers qui riaient des privations auxquelles vous étiez condamnés, et se réjouissaient, dans leur pensée, du triomphe de vos ennemis, sont confondus et tremblants.

Mais, soldats, il ne faut pas le dissimuler, vous n'avez rien fait, puisqu'il vous reste encore à faire: ni Turin ni Milan ne sont à vous; les cendres des vainqueurs des Tarquins sont encore foulées par vos ennemis.

Vous étiez dénués de tout au commencement de la campagne: vous êtes aujourd'hui abondamment pourvus; les magasins pris à nos ennemis sont nombreux; l'artillerie est arrivée : la patrie a droit d'attendre de vous de grandes choses: justifierez-vous son attente? Les plus grands obstacles sont franchis, sans doute; mais vous avez encore des combats à livrer, des villes à prendre, des rivières à passer. En est-il d'entre vous dont le courage s'amollisse? en est-il qui préféreraient

de retourner sur les sommets de l'Apennin et des Alpes, essuyer patiemment les injures d'une soldatesque esclave? Non, il n'en est point parmi les vainqueurs de Montenotte, de Millesimo, de Dego, et de Mondovi !

Tous brûlent de porter au loin la gloire du peuple Français, tous veulent humilier ces rois orgueilleux qui osaient méditer de nous donner des fers, tous veulent dicter une paix glorieuse, qui indemnise la patrie des sacrifices immenses qu'elle a faits: tous veulent, en rentrant dans leurs villages, pouvoir dire avec fierté : "J'étais de l'armée conquérante de l'Italie !" NAPOLÉON BONAPARTE.

L'ÉDUCATION DES FEMMES.

TOUT parle aujourd'hui d'améliorations dans les études. Nouvelle méthode ! c'est le mot qui retentit du plus petit hameau aux plus grandes villes.

Les vieilles routines qui ralentissent la marche des esprits sont attaquées de toutes parts. Chaque professeur se fait un devoir, un honneur de porter son tribut au nouveau monument que l'on élève à l'intelligence humaine, et l'on voit s'augmenter chaque jour le nombre des amis de la jeunesse, qui consacrent leurs veilles à frayer à l'enseignement une route plus sûre, plus rationnelle, plus en harmonie avec les besoins du siècle. Rester en arrière serait une honte pour les gens du monde ; ce serait un crime pour ceux dont les fonctions ont pour but l'instruction de leurs semblables.

C'est une espèce de magistrature qu'ils exercent: leur influence peut être salutaire ou funeste, suivant la marche qu'ils adoptent. Qu'ils y prennent garde! dans ce mouvement intellectuel ils ne peuvent rester stationnaires.

Je sais bien que l'embarras est grand parmi ces méthodes qui s'annoncent toutes pompeusement, et presque toujours avec le funeste appareil du charlatanisme. Que faire? Les essais sont souvent dangereux !

Mais ne faudrait-il pas prévenir les imaginations

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