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laine, va ronger les bourgeons des pins et le tendre feuillage des bouleaux. Ainsi, pour les êtres animés qui peuplent ces froides contrées, il est encore d'heureux jours: mais pour les exilés qui les habitent, il n'en est point.

La plupart de ces infortunés demeurent dans les villages qui bordent la fleuve, depuis Tobolsk jusqu'aux limites du cercle d'Ischim ; d'autres sont relégués dans des cabanes au milieu des champs. Le gouvernement fournit à la nourriture de quelques-uns, ceux qu'il abandonne vivent de leurs chasses d'hiver: presque tous sont en ces lieux l'objet de la pitié publique, et n'y sont désignés que par le nom de malheureux.

MADAME COTTIN.

LA FRANCE INDUSTRIELLE.

Il y a quelques années, je conçus le projet d'étudier la France, de connaître son sol, ses monuments, ses villes, ses hameaux, et cette vaste ceinture de fleuves, de mers et de montagnes, qui se déroule des Pyrénées aux Alpes, de la Méditerranée à l'Océan. J'espérais un grand plaisir de cette course; mes espérances ne furent pas trompées. Sous les climats les plus doux, je rencontrai des populations intelligentes et une singulière abondance de tous les biens de la terre. Je vis avec admiration d'innombrables vaisseaux entrer dans nos ports, et y verser les richesses des cinq parties du monde ; ces richesses, plus de cinquante mille voitures de roulage s'en emparent et les dispersent, çà et là, dans le pays dont elles entretiennent sans cesse le mouvement et la prospérité. Ici, les fers de la Norwège s'enflamment et s'amollissent sous le marteau des forgerons; là, se déploient en tissus moelleux les laines d'Espagne et de Cachemire; plus loin, des peuples d'ouvriers reçoivent le coton des Indes, le filent, le tissent et lui impriment les plus vives couleurs. J'étais ravi de tant de bien-être; mais ce qui excita vivement ma surprise, ce fut de voir l'impulsion immense donnée à tout le pays par l'éducation d'un insecte. Du Midi

au Nord, des frontières de l'Italie aux montagnes volcaniques du Vivarais, une chenille excite partout l'activité; à Avignon, à Lisle, à Vaucluse, on dévide ses cocons; en Normandie, les doigts exercés des femmes attachent ces fils à de légers fuseaux, et jettent mille gracieux dessins sur les mailles aériennes de nos blondes. A Saint-Étienne, ces mêmes fils se tissent en rubans qui se déroulent sur toute la surface de l'Europe; à Nîmes, on en fabrique des étoffes qui bruissent et chatoient comme des métaux ; à Lyon, ils se déploient en velours épais, en gazes transparentes comme l'air, et brillante comme la nacre, en satin, en damas, en lampas. A Paris enfin, la soie rivalise avec le pinceau, et va jusqu'à reproduire, sur les somptueuses tentures des Gobelins, les tableaux des plus grands maîtres. Telle est la richesse de la France. Mais ces chefs-d'œuvre de l'art, ces prodiges de l'industrie, que sont-ils en comparaison des biens que lui prodigue la nature? Vous y voyez tous les climats, vous y rencontrez toutes les cultures; au Midi, l'olivier, le citronnier, l'oranger; au Nord, le mélèze et le sapin, les deux extrémités de la chaîne botanique. Les arbres de la Perse et des deux Amériques viennent s'y mêler à l'orme féodal et aux chênes de la vieille Gaule; les fruits parfumés de l'Asie, au pommier indigène ; la flore entière de l'Orient, à l'humble viclette, à nos couronnes de bluets, aux bouquets champêtres de la pâquerette et de la mystérieuse verveine. Ainsi la France se couvre des productions du nouveau monde et des trésors de l'ancien. Du haut de ses coteaux chargés de vignes, des fleuves de vin coulent éternellement dans la coupe de tous les peuples, tandis que, sur ses larges plaines, les moissons ondoient, comme les flots de la mer, sous le vent qui les courbe, sous le soleil qui les mûrit.

A la vue de tant de biens, mon cœur bondissait de joie. Je m'écriais: Chère patrie! terre fortunée! tu possèdes tout, richesse, intelligence, liberté. Est-il sur le globe un spectacle comparable à celui de ta gloire? Je ne vois dans ton sein qu'un peuple, et, dans ce peuple, qu'une famille ! L. AIMÉ-MARTIN. De l'Education des Mères de Famille.

LES CATACOMBES DE ROME.

UN jour j'étais allé visiter la fontaine Egérie la nuit me surprit. Pour regagner la voie Appienne, je me dirigeai sur le tombeau de Cécilia Metella, chef-d'œuvre de grandeur et d'élégance. En traversant des champs abandonnés, j'aperçus plusieurs personnes qui se glissaient dans l'ombre, et qui toutes, s'arrêtant au même endroit, disparaissaient subitement. Poussé par la curiosité, je m'avance et j'entre hardiment dans la caverne où s'étaient plongés les mystérieux fantômes. Je vis s'allonger devant moi des galeries souterraines, qu'à peine éclairaient de loin à loin quelques lampes suspendues; les murs des corridors funèbres étaient bordés d'un triple rang de cercueils, placés les uns audessus des autres. La lumière lugubre des lampes, rampant sur les parois des voûtes, et se mouvant avec lenteur le long des sépulcres, répandait une mobilité effrayante sur ces objets éternellement immobiles.

En vain, prêtant une oreille attentive, je cherche à saisir quelques sons pour me diriger à travers un abîme de silence; je n'entends que le battement de mon cœur dans le repos absolu de ces lieux. Je voulus retourner en arrière, mais il n'était plus temps: je pris une fausse route, et, au lieu de sortir du dédale, je m'y enfonçai. De nouvelles avenues, qui s'ouvrent et se croisent de toutes parts, augmentent à chaque instant mes perplexités. Plus je m'efforce de trouver un chemin, plus je m'égare: tantôt je m'avance avec lenteur; tantôt je passe avec vitesse. Alors, par un effet des échos qui répétaient le bruit de mes pas, je croyais entendre marcher précipitamment derrière moi.

Il y avait déjà longtemps que j'errais ainsi i; mes forces commençaient à s'épuiser je m'assis à un carrefour solitaire de la cité des morts. Je regardais avec inquiétude la lumière des lampes presque consumée qui menaçait de s'éteindre. Tout à coup, une harmonie semblable au chœur lointain des esprits célestes sort du fond de ces demeures sépulcrales: ces divins accents

expiraient et renaissaient tour à tour; ils semblaient s'adoucir encore en s'égarant dans les routes tortueuses du souterrain. Je me lève, et je m'avance vers les lieux d'où s'échappent les magiques concerts; je découvre une salle illuminée. Sur un tombeau paré de fleurs, Marcellin célébrait le mystère des Chrétiens: des jeunes filles, couvertes de voiles blancs, chantaient au pied de l'autel; une nombreuse assemblée assistait au sacrifice. Je reconnais les Catacombes.

CHATEAUBRIAND.
Les Martyrs.

VOL DES INSECTES.

DE tous les volatiles, ceux dont le vol est le plus curieux et le plus à notre portée sont les insectes. Les uns ont des ailes de la plus fine gaze, comme la mouche: elle exécute toutes sortes de vols, et, quand il lui plaît, elle s'arrête en l'air, et y devient stationnaire ; d'autres, tels que les papillons, ont des ailes couvertes d'écailles fines comme la poussière, et brillantes des plus vives couleurs. Bien différentes de celles des oiseaux, qui se ressemblent toutes, et qui leur sont distribuées par paires, elles sont patronnées sur une infinité de formes, et quadruples. Les papillons n'ont point de queue, comme les oiseaux, mais la plupart sont couronnés d'antennes qui dirigent leur vol. Leur gouvernail est à leur tête. Le papillon, avec sa trompe et ses antennes à bouton, semblables aux filets à anthère qui sortent du sein des fleurs, avec ses ailes quadruples et éclatantes qui imitent leurs pétales, avec son vol incertain que balance çà et là l'haleine des zéphyrs, ressemble à une fleur volante. Il y en a qui, comme le ptérophore ou porte-plume, volent parmi les graminées avec deux ailes simples, faites comme deux plumes à écrire. Je me suis arrêté quelquefois avec plaisir à voir des moucherons, après la pluie, danser en rond des espèces de ballets. Ils se divisent en quadrilles, qui s'élèvent, s'abaissent, circulent et s'entrelacent sans se confondre. Les choeurs de danse de nos opéras n'ont rien de plus

compliqué et de plus gracieux. Il semble que ces enfants de l'air soient nés pour danser; ils font aussi entendre, au milieu de leur bal, des espèces de chants. Leurs gosiers ne sont pas résonnants comme ceux des oiseaux, mais leurs corselets le sont; et leurs ailes, ainsi que des archets, frappent l'air et en tirent des murmures agréables. Une vapeur qui sort de la terre est le foyer ordinaire de leurs plaisirs; mais souvent une sombre hirondelle traverse tout à coup leur troupe légère, et avale à la fois des groupes entiers de danseurs. Cependant leur fête n'en est pas interrompue. Les coryphées distribuent des postes à ceux qui restent, et tous continuent à danser et à chanter. Leur vie, après tout, est une image de la nôtre : les hommes se bercent de vaines illusions autour de quelques vapeurs qui s'élèvent de la terre, tandis que la mort, comme un oiseau de proie, passe au milieu d'eux, les engloutit tour à tour sans interrompre la foule qui cherche le plaisir. BERNARDIN DE ST. PIERRE.

ATTACHEMENT DE LA POULE POUR SES POUSSINS.

CETTE mère qui a montré tant d'ardeur pour couver, qui a couvé avec tant d'assiduité, qui a soigné avec tant d'intérêt des embryons qui n'existaient point encore pour elle, ne se refroidit pas lorsque ses poussins sont éclos; son attachement, fortifié par la vue de ces petits êtres qui lui doivent la naissance, s'accroît encore tous les jours par les nouveaux soins qu'exige leur faiblesse : sans cesse occupée d'eux, elle ne cherche de la nourriture que pour eux; si elle n'en trouve point, elle gratte la terre avec ses ongles pour lui arracher les aliments qu'elle recèle dans son sein, et elle s'en prive en leur faveur; elle les rappelle lorsqu'ils s'égarent, les met sous ses ailes à l'abri des intempéries, et les couve une seconde fois; elle se livre à ces tendres soins avec tant d'ardeur et de souci, que sa constitutiou en est sensiblement altérée, et qu'il est facile de distinguer de toute

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