Le Français, né malin, forma le Vaudeville 1; Et fournir, sans génie, un couplet à Linière 4. 1. Sorte de chanson faite généraĺement sur un air connu. Vaudeville (autrefois Vau-de-Vire) tire son nom de la Vallée de Vire en Normandie, patrie du poète Olivier Basselin, qui passe pour avoir inventé le vaudeville au xve siècle. 2. Construit, le mot élever est là pour la rime. 3. Allusion au poète Petit, auteur de Paris ridicule. qui fut pendu et brûlé en place de Grève, près de l'Hôtel de Ville, pour quelques chansons impies; cette exécution eut lieu durant la minorité de Louis XIV. 4. V. p. 94, note 4. 5. Prenez garde qu'un sot orgueil ne vous enivre. Les fumées de l'orgueil sont ici comparées à celles du vin. 6. On appelle impromptus des vers faits sur-le-champ, sans préparation aucune. 7. Graveur célèbre auquel on doit d'admirables portraits d'après les plus grands peintres. Né en 1630, Nanteuil mourut en 1678; il a laissé environ deux cents chefs-d'œuvre. CHANT III [Consacré à ce qu'on nomme les genres principaux, l'Épopée, la Tragédie et la Comédie, ce 3o chant est le plus beau du poème. On a critiqué l'ordre suivi par Boileau (1° Tragédie; 2° Épopée ; 3o Comédie), et cette critique serait fondée si l'Art poétique était un traité en prose. Il est facile de voir, à certains vers de transition assez malheureux, que Boileau avait suivi d'abord l'ordre logique; il a cru devoir changer ensuite pour mettre au début mème de ce chant une comparaison destinée dans sa pensée à attirer l'attention du lecteur.] Il n'est point de serpent, ni de monstre odieux, Du plus affreux objet fait un objet aimable 1. 1. Digne d'admiration, c'est possible; mais pour rendre un monstre aimable il faut que l'art l'idéalise au lieu de l'imiter. 2. Allusion à la tragédie d'Edipe roi. Le malheureux Edipe, apprenant qu'il est le meurtrier de son père et l'époux de sa propre mère, s'arrache les yeux de désespoir et reparait ensuite sur la scène. 3. Les trois tragiques grecs ont dépeint non pas, comme le dit Boileau, 6 1 les alarmes, mais bien les fureurs d'Oreste, alors que ce héros, pour venger la mort d'Agamemnon, vient de massacrer sa mère Clytemnestre. 4. Divertir avait encore au temps de Boileau le sens de détourner l'attention, de distraire. 5. Expression très vive pour dire que plus on les voit jouer plus on les trouve beaux. 6. Agréable parce qu'elle est bien imitée par l'art. Souvent ne nous remplit d'une douce terreur, 3 Que dès les premiers vers l'action 3 préparée Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué. 1. Conforme aux lois de la composition dramatique. 2. Rendu plus tiede, moins chaud quand il s'agit d'applaudir. 3. La marche de la pièce. 4. Fit connaître très exactement. 5. Au delà des Pyrénées, c'està-dire en Espagne. Boileau, qui ne connaissait pas Shakespeare, fait ici allusion au plus fécond de tous les poètes dramatiques espagnols, ȧ Lope de Vega (1562-1635.) 6. Edition de 1713: un fait seul. 7. C'est là ce qu'on appelle la règle des trois unités (unité de lieu, de temps et d'action). On a écrit des volumes pour ou contre ces fameuses règles que Boileau adopte, mais qu'il n'a pas inventées. Ceux qui font de la tragédie le spectacle de l'âme ne sont point gênés par la règle des unités; Racine l'applique à la rigueur sans la moindre contrainte. D'ailleurs le véritable objet de ces règles est de ne pas dérouter le spectateur, de ne pas lui faire une 186 OEUVRES DE BOILEAU. Caisse-blen Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable : Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux1. Que le trouble, toujours croissant de scène en scène, 4 Eschyle dans le chœur jeta les personnages, D'un masque plus honnête habilla les visages, fatigue d'un divertissement; il ne chicanera pas l'auteur pour des infractions légères aux règles qui concernent le temps et le lieu. 1. Horace n'admettait pas que Médée égorgeât ses enfants sur la scène; dans l'Horace de Corneille, Camille est frappée derrière le théâtre; Athalie de même est emmenée par les lévites pour être égorgée. 2. Ces brusques revirements sont ce qu'on nomme les péripéties du drame. 3. Boileau esquissant à grands traits l'histoire de la tragédie (du grec tragos, bouc, et ôde, chant (chant du bouc), suit les indications que lui fournissait Horace; on sait aujour- 5. Eschyle (525-456 av. J.-C.) 3 Sur les ais d'un théâtre en public exhaussé Des vers trop raboteux polit l'expression, Chez nos dévots aïeux, le théâtre abhorré Joua les saints, la Vierge et Dieu, par piété. 1. Sur les planches. 2. Brodequin n'est pas le mot juste; c'est cothurne qu'il faut dire, mot déjà employé dans l'Épître à Racine (v. p. 141, note 5.) 3. Sophocle (495-405 av. J.-C.) avait composé durant sa longue carrière plus de cent tragédies; il en reste sept qui sont des chefs-d'œeuvre. Racine le considérait comme le poète tragique idéal, et se demandait toujours: « Que dirait Sophocle, s'il voyait jouer cette tragédie? » On remarquera que Boileau ne dit rien d'Euripide (485-406 av. J.-C.); ce n'est pas par dédain, car son ami Racine appréciait fort l'auteur d'Iphigénie; mais il craignait, sans doute, d'être un historien trop exact et non ce qu'il voulait être, c'est-àdire un poète. 4. En effet les Romains n'ont pas de grands poètes tragiques; les combats de gladiateurs leur tenaient lieu de tragédies. 5. Les Pères de l'Église grecque et latine ayant proscrit le théâtre, il n'en fut pas même question durant sept ou huit cents ans ; les longs festins, les cours d'amour et les tournois suffisaient à « divertir » nos bons aïeux. 6. C'est une erreur, mais personne alors ne connaissait l'histoire littéraire du moyen âge. Ce fut l'Église qui,sans le vouloir, ressuscita le théâtre. On chanta d'abord la Passion de J.-C. comme on la chante encore le dimanche des Rameaux; puis on la représenta hors des églises, puis on joua des Mystères, des Miracles, des Moralités, etc. Les Confrères de la Passion, auxquels Boileau semble faire allusion, étaient des bourgeois et non des pèlerins. 7. C'est-à-dire les héros d'Homère, et la scène représenta la ville de Troie; c'est encore une erreur, car les tragédies du seizième siècle sont grecques ou romaines (Cléopâtre, Didon) elles ne sont pas troyennes. 8. En Grèce et à Rome les acteurs |