En vain vous me frappez d'un son mélodieux, Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent, N'y forment qu'un seul tout de diverses parties; 1. Le barbarisme est une faute de langue; le solécisme est une faute contre la syntaxe. Dans ces deux vers des Femmes savantes: Mon Dieu! je n'avons pas étugué comme vous, Et je parlons tout droit comme on parle cheux [nous étugué et cheux sont des barba rismes; je n'avons et je parlons sont des solécismes. 2. Rien n'est plus vrai ; les contemporains peuvent s'y tromper, mais la postérité n'admet que les ouvrages bien écrits. 3. Scudéry disait toujours pour s'excuser de travailler si vite qu'il avait ordre de finir. (Note de Boileau.) Dépouillez1 devant eux l'arrogance d'auteur; Mais sachez de l'ami discerner le flatteur. Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue. Tout est charmant, divin; aucun mot ne le blesse; Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible, Et d'abord prend en main le droit de l'offensé 6. Ah! monsieur, pour ce vers je vous demande grâce, Répondra-t-il d'abord. Ce mot me semble froid, Je le retrancherais. - C'est le plus bel endroit ! Ce tour ne me plaît pas. Tout le monde l'admire. >> Ainsi toujours constant à ne se point dédire, 1. On disait indifféremment dépouiller l'arrogance ou se dépouiller de... 2. Dès le premier vers. 3. Fait qu'il s'extasie, qu'il tombe en extase. 4. La Fontaine a dit avec un plus grand bonheur d'expression : Remettez pour le mieux ces deux vers à la fonte. 5. Intraitable quand il s'agit de ses vers. 6. Ses vers sont pour ainsi dire des personnes qu'on insulte et dont se fait le défenseur. N'est rien qu'un piège adroit pour vous les réciter. CHANT II Le second chant est consacré aux genres secondaires: l'Élégie, Idylle, l'Ode, le Sonnet, l'Épigramme, le Rondeau, la Ballade, le Madrigal (ces trois derniers sont simplement mentionnés), la Satire et le Vaudeville, c'est-à-dire la Chanson. Les préceptes donnés par le poète sont de véritables modèles du genre didactique. On lui a seulement reproché quelques omissions; on le blame surtout d'avoir passé sous silence la Fable et la Fontaine. Mais il est facile de justifier Boileau: la Fable n'était alors représentée en France que par les 6 livres donnés au public en 166, au moment même ou Boileau commençait l'Art poétique. En outre le poète s'était interdit de parler des vivants (il ne nommera ni Corneille ni Racine au Ille chant); enfin il prétendait si peu donner une nomenclature complète qu'il n'a parlé ni de l'Épître ni de la Poésie didactique.] Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête, De superbes rubis ne charge point sa tête, Et, sans mêler à l'or l'éclat des diamants, Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornements : 1. N'est pas autre chose. 2. Aussitôt qu'il a réussi à vous en infliger la lecture. 3. Il faudrait le pluriel; le singulier était très usité dans ce | cas au dix septième siècle. 4. Finir enfin est un pléonasme répréhensible. 5. Pierres précieuses de couleur rouge. 10 なご Telle, aimable en son air, mais humble dans son style, Fait parler ses bergers comme on parle au village. Entre ces deux excès la route est difficile : 1. Idylle vient d'un mot grec qui signifie petit tableau; ce mot sert aujourd'hui à désigner les petits poèmes qui ont pour objet la peinture de la vie champêtre. L'idylle se trouve ainsi confondue avec l'égloque, qui affectait plus particulièrement la forme dialoguée. 2. Ne sachant plus que faire, comme le cerf forcé par les chiens. 3. Expression figurée; la lyre sert à représenter la poésie distinguée; les autres instruments de musique, comme la flûte, le hautbois, et plus loin les pipeaux rustiques, symbolisent la poésie pastorale. Entonner ou emboucher la trompette c'est faire de la poésie épique. 4. Dieu champêtre, inventeur de la fûte ou du chalumeau. 5. V. p. 45, note 5. 6. Gothique était alors synonyme de barbure, et les contemporains de Boileau avaient le plus profond mépris pour l'architecture gothique du treizième siècle, que nous admirons sans réserve. 7. Ronsard et Marot avant lui avaient changé en noms vulgaires les noms poétiques de Tircis, Mélibée, Amaryllis, Lycoris, etc.; on trouve dans leurs églogues des personnages appelés Guillot, Murgot, Pierrot, Marion, etc. 8. Virgile (70-19 av. J.-C.) a composé des Églogues, un poème didactique intitulé les Géorgiques, et un poème épique en douze chants, l'Enéide. Théocrite, poète sicilien du troisième siècle av. J.-C., est surtout célèbre par ses Idylles, supérieures aux Églogues de Virgile. Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés. Seuls, dans leurs doctes vers, ils pourront vous apprendre 4 du coeur D'un ton un peu haut, mais pourtant sans audace, Je hais ces vains auteurs dont la muse forcée Leurs transports les plus doux ne sont que phrases vaines : Que bénir leur martyre, adorer leur prison, Et faire quereller les sens et la raison. Ce n'était pas jadis sur ce ton ridicule Qu'Amour dictait les vers que soupirait Tibulle ", 7. |