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<< Tout cela naît en un printemps; puis le vent les

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abat, et la forêt en pousse d'autres à la place. « Cette courte durée est commune à toutes choses;

« et toi, tu fuis ou poursuis toutes choses, comme

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si elles devaient être éternelles ! Encore un peu,

<«<et tu fermeras les yeux; et pour pleurer celui

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qui t'aura enseveli, il y en aura un autre. »

« La

<< durée de la vie de l'homme est un point; sa substance, un écoulement; sa sensation, une impuissance; son corps, un bâtiment qui tombe; « son âme une toupie qui tourne; sa fortune, une obscurité; sa renommée, un jugement d'aveu«gles. Bref, tout dans son âme est songe et fumée, << tout dans son corps passe et fuit; sa vie est une « guerre et le séjour d'un hôte; sa gloire après le << tombeau, un oubli. Qui peut le sauver? une << seule chose, la philosophie. >> Consolez-vous donc, pauvres hommes, à cause de votre faiblesse et à cause de votre grandeur, par la vue de l'infini d'où vous êtes exclus, et par la vue de l'infini où vous êtes compris, par la pensée du soleil éternel dont vous êtes un rayon et par la pensée de la nuit éternelle où ce rayon va s'éteindre. De tous côtés l'immensité vous presse et vous apaise; et la nature qui vous exalte ou qui vous écrase vous associe à sa force ou à son repos.

Nous avons beaucoup appris depuis seize siècles; mais nous n'avons rien découvert en morale qui

atteigne à la hauteur et à la vérité de cette doctrine. Notre science positive a mieux pénétré le détail des lois qui régissent le monde; mais, sauf des diffé– rences de langage, c'est à cette vue d'ensemble qu'elle aboutit.

LE BOUDDHISME.

Die Religion des Buddha und ihre Enstehung.

par M. KEPPEN.

SI.

Les Origines.

Ce livre est un résumé excellent et complet, comme il s'en fait souvent en Allemagne, des cinq ou six cents monographies et des cinq ou six mille dissertations spéciales qui pendant vingt ans se sont accumulées sur un sujet. Il est de plus fort clair, écrit en style abondant par un homme compétent, décidé, point pédant, excellent logicien et très au fait des matières philosophiques. Par malheur l'auteur est Allemand et il écrit en allemand, ce qui fait qu'en France on ne le lira guère; c'est pourquoi nous allons, avec son aide, exposer le sujet au lecteur 1.

1. Consulter encore: Spence Hardy, Manual of Buddhism, Eastern monachism; - E. Burnouf, Lotus de la bonne loi, Introduction à l'Histoire du Bouddhisme; Foucaux, Rgya tcher

I

Quand les Aryens descendirent à travers les passes du Caboul pour s'établir dans le Penjâb, ils ressemblaient fort aux Perses tels que les décrit Hérodote, ou aux Germains tels que les décrit Tacite. C'étaient des tribus demi-fixées, demi-errantes, ayant pour principale richesse de grands troupeaux de bœufs et de vaches, possédant des villages, des bourgs, et connaissant déjà l'agriculture, bref, situées, comme les peuplades d'Arminius et de Cyrus, sur les confins de la vie nomade et de la vie sédentaire, chaque famille régie par le père, chaque tribu menée par une sorte de roi ou chef de guerre; point de castes, point de corporation cléricale, chaque père de famille sacrificateur dans. sa maison; des mœurs simples, libres et saines, comme on en rencontre à l'origine chez tous les peuples de notre race; nulle rêverie mystique et maladive, au contraire, des sentiments måles, honorables, et des prières aux dieux pour demander la force, la gloire, la victoire et le butin.

Rol-pa;

Wilson, traduction du Rig-Veda;

· Stanislas Julien,

les Pèlerins bouddhistes. Colebrooke, In the philosophy of the

Hindus,

et surtout Lassen, Indische Alterthum.

Si maintenant on cherche le trait qui dès ce moment les distingue entre toutes ces races de la même souche, on le trouvera dans leur imagination, qui est de la plus rare délicatesse et de la plus étonnante fécondité. Nulle part le mythe n'a • été si transparent ni si abondant. Il semble que cette race ait été faite pour voir des dieux dans toutes les choses et des choses dans tous les dieux. C'est le Ciel lumineux qu'ils adorent, la grande clarté épanouie qui enveloppe et ranime toutes choses. C'est la Foudre victorieuse, le Tonnerre bienfaisant qui fend les nuages et délivre de leur prison les pluies fertilisantes; ce sont les deux Rayons jumeaux qui s'élancent du bord du ciel pour annoncer le retour de la lumière; ce sont les Rougeurs du matin, « les Aurores blanchissantes qui sortent de l'ombre avant le soleil, et, comme une jeune fiancée devant son époux, découvrent en souriant leur sein en sa présence. » C'est Agni, le feu qui sort des bâtons frottés l'un contre l'autre, « tout habillé de splendeur, aux couleurs changeantes, aux formes innombrables, mais charmant, qui court sur toute la terre, languit et renaît, « devient souvent vieux et redevient toujours jeune. Ce sont les vents, les fleuves, les divers aspects du soleil, bref les puissances naturelles, non pas transformées en hommes, comme chez Homère, mais intactes et pures. On n'imagine point, avant

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