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Le Soir (Echos de la Chambre) :

« Quoi qu'il arrive, tout est pardonné. Le Soir l'a dit et les députés qui sont là jugent que le Soir a bien raison: il faut soutenir les ministres. >>

La Presse :

<< Nous sommes convaincus que la Prusse cédera... La victoire morale sera donc complète. Si nous étions capables de plus de vanité que d'orgueil, le triomphe nous serait facile. Notre diplomatie humiliée par nos agents serait relevée par notre politique. »

L'Univers :

« Les agents prussiens pourront donc faire savoir à S. M. Guillaume et à M. de Bismark que nos ministres ont incontestablement été dans cette circonstance les organes contenus de l'opinion générale. »

La Liberté :

« Nous ne pouvons avoir de doute, car les hésitations de la Prusse prouvent qu'elle ne cédera que devant la peur... Finissons-en ! »

Comme le Journal des Débats et le Temps prêchent la patience et la conciliation, le Français proteste :

<< Non! ce n'est pas là de la grande politique. Il y avait autre chose à faire que de continuer à récriminer contre les termes d'une déclaration déjà vieille de plusieurs jours. Il fallait soutenir au contraire les réclamations de la France, tout en veillant à ce qu'elles fussent limitées. >>

Quelques jours plus tard, les négociations du gouvernement ont abouti; et il annonce que le prince de Hohenzollern abandonne la candidature.

Est-ce la paix avec honneur? L'opinion publique

est-elle satisfaite? Non; presque tous les journaux indépendants jugent que le retrait pur et simple de la candidature ne prouve pas qu'elle ne sera pas posée plus tard. Ils veulent des garanties. Ils veulent que le gouvernement prussien (et non plus seulement le prince de Hohenzollern) s'engage à ne jamais laisser ce projet reparaître:

La Presse:

<< Que la Chambre intervienne. Qu'elle retrouve un de ces élans par lesquels elle a accueilli la déclaration du 5 juillet. Elle a soutenu la politique de la France quand cette politique était hardie et nationale. Qu'elle relève maintenant ceux qui voudraient faiblir. »

L'Opinion nationale ne peut croire que le différend soit terminé et qu'il faille se réjouir :

« Nous nous étions dit: la France ne veut plus de la politique de concessions... De là, l'adhésion donnée à la crânerie du cabinet, et l'espèce d'allégresse avec laquelle on allait au-devant d'une guerre dont la gravité pourtant n'échappait à personne. »

Le Gaulois :

<< Paris a donné hier, la France donnera aujourd'hui le spectacle d'une grande nation plongée dans la stupeur, par une nouvelle qu'on salue ordinairement avec des cris de joie. »

L'Univers:

<< La renonciation des princes de Hohenzollern aura pour résultat, si elle est acceptée comme valable, de ridiculiser nos réclamations... que faire ? Ne faudrait-il pas parler net et dire tout haut que la candidature du prince de Hohenzollern, bien qu'habilement retirée, a montré

l'ambition de la Prusse et son dessein d'isoler la France, de l'entourer d'ennemis que devant de tels projets nous devons tout au moins exiger la stricte observation du traité de Prague et que nous l'exigeons? »>

Le Figaro :

« La France ne désire pas la guerre, mais elle ne la redoute pas... Elle veut des garanties. »

Le National :

« C'est une paix sinistre que celle dont on nous parle depuis vingt-quatre heures. >>

La Liberté :

« Les journaux prussiens continuent à célébrer la victoire remportée par le cabinet du 2 janvier. >>

Paris-Journal:

« Qui diable se serait douté que nous aboutirions à ce joli résultat? »

La Gazette de France :

<< Il faut rendre cette justice à M. le comte de Bismarck... » Il a jugé du premier coup nos hommes d'Etat à l'œuvre; il sait ce qu'il peut attendre d'eux, en dépit des apparences. C'est très fort. »

Le Siècle :

« Qui nous répond que dans trois mois, dans six mois, la question du Nord-Schleswig, la question des rapports entre l'Allemagne du Sud et la Confédération du Nord ne nous condamneront pas aux mêmes alarmes?... La France repousse toute solidarité avec des hommes qui peuvent à ce point la compromettre. La paix pouvait être honorable; ils feront si bien qu'elle sera ridicule et éphémère. »

Le comte de Bismarck nous guettait. Il enregistrait la marche de l'exaspération allumée par lui, résolu de nous pousser à bout, même en forçant la main à son roi, qui n'acceptait pas sans crainte et sans scrupule les hasards du conflit.

Comme Guillaume s'était dérobé aux instances de notre ambassadeur, en déclarant n'avoir rien de plus à lui dire que ce qui avait été dit déjà, le ministre dénature le caractère de cette réponse et rédige une dépêche fausse qu'il jette dans la circulation. D'après le télégramme arrangé avec une audace et une perfidie incomparables, le roi avait refusé de recevoir notre ambassadeur: c'était un outrage pour la France. Bismarck comptait que l'indignation la pousserait aux imprudences suprêmes. Il ne se trompait pas. Il tenait le moyen de nous affoler et de nous laisser, suivant les apparences du moins, la responsabilité de la déclaration de guerre.

Au bruit de l'injure prétendue, la presse éclate en protestations et en cris de vengeance. Quatre ou cinq députés de la gauche essayant de soutenir que la nouvelle reste douteuse ou que le fait n'a pas la portée qu'on lui attribue, les journaux fulminent, le gouvernement suit l'impulsion générale: la parole est au canon.

Aussi haut que lui parle la presse, pour recommander l'union et pour promettre la victoire.

En dépit du réel désir de concorde, les récrimina

tions ne tardent pas à se faire place; et elles sont motivées par la réserve que le gouvernement veut imposer à la curiosité.

Le 19 juillet, il propose et fait adopter cette loi:

Art. 1o.- Il pourra être interdit de rendre compte, par un moyen de publication quelconque, des mouvements de troupes et des opérations sur terre et sur mer.

Cette interdiction résultera d'un arrêté ministériel inséré au Journal Officiel.

Art. 2.

Toute infraction à l'article 1er constituera une contravention qui sera punie d'une amende de 5.000 fr. à 10.000.

En cas de récidive, le journal pourra être suspendu pendant un délai qui n'excédera pas six mois.

Art. 3.

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La présente loi cessera d'avoir effet si elle n'est pas renouvelée dans le cours de la prochaine session ordinaire.

Trois jours après apparaît l'arrêté prévu :

Nous, garde des sceaux, ministre de la Justice, avons arrêté et arrêtons ce qui suit:

Article unique.

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A partir de ce jour il est interdit de rendre compte, par un moyen de publication quelconque, des mouvements de troupes et des opérations militaires sur terre et sur mer.

Paris, 22 juillet 1870.

ÉMILE OLLIVIER.

La plupart des journaux réclament contre une telle contrainte.

A la mesure qui vient d'être notifiée, ils opposent le texte de << l'invitation » publiée en Allemagne :

« J'ai l'honneur d'inviter (ergebenst) les honorables

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