Page images
PDF
EPUB

lire avec confiance. SAINT-REAL écrit avec force et élégance l'histoire romanesque de la Conjuration de Venise. Le père D'ORLÉANS nous intéresse au tableau des révolutions d'Angleterrre. On estime encore l'Histoire ecclésiastique de l'abbé FLEURI. Quel que soit le nombre et le mérite de ces travaux historiques, nous n'y trouvons aucun ouvrage de premier ordre. Le siècle de Louis XIV n'a produit dans le genre historique que deux chefs-d'œuvre l'Histoire universelle de BOSSUET, à laquelle il n'y a rien à comparer dans aucune langue, et les Mémoires du cardinal de RETZ, tableau animé et piquant des troubles de la Fronde, tracé par un écrivain supérieur, singulièrement spirituel, dans lequel l'imagination vient souvent en aide à la mémoire, et où le besoin d'apologie et le désir de briller transfigurent les faits et dénaturent les intentions.

Nous rencontrons au dix-huitième siècle trois grands noms dans l'histoire : SAINT-SIMON, MONTESQUIEU et VOL

TAIRE.

Les Mémoires de SAINT-SIMON, par l'intérêt soutenu du récit, l'importance des révélations historiques, l'énergique peinture des caractères, la profondeur des réflexions, l'originalité d'un style dont personne n'a surpris le secret et qui grave la pensée en traits ineffaçables, prennent place parmi les chefsd'œuvre de notre langue. M. Villemain n'a pas craint de rapprocher Saint-Simon de Tacite.

MONTESQUIEU, dans son livre sur la Grandeur et la Décadence des Romains, a dévoilé les principes qui font la force et la faiblesse des empires, et il a écrit un chapitre immortel de la philosophie de l'histoire. On a dit de lui qu'il abrégeait tout, parce qu'il voyait tout; et on peut ajouter qu'il voit avec clarté et qu'il résume avec profondeur.

Plusieurs historiens publicistes essayèrent de résoudre systématiquement le problème des origines de la monarchie française. Le comte de BOULAINVILLIERS retrouva dans la conquête des Francs les titres de la noblesse, titres réels dont

son Histoire de l'ancien gouvernement de France a exagéré la valeur. DUBOS et MABLY protestèrent contre la monarchie absolue, en recherchant la trace des libertés nationales et communales, l'un dans l'Histoire critique de l'établissement de la Monarchie française, l'autre dans ses Observations sur l'Histoire de France1.

VOLTAIRE a porté dans l'histoire toutes les qualités de son génie. Sa narration claire et rapide entraîne le lecteur; ses réflexions ingénieuses et souvent judicieuses satisfont et charment l'esprit; l'art par lequel il rattache les effets à leurs causes ne laisse pas languir l'intérêt; enfin la précision de son style net et animé complète la séduction. Il est irréprochable dans son Histoire de Charles XII, qui unit l'intérêt d'un roman à la sévérité de l'histoire. Le Siècle de Louis XIV serait littérairement irréprochable, si la division par matières, qui morcelle l'histoire et qui transforme en mosaïque ce qui devrait être un tableau, ne nuisait pas à l'intérêt en détruisant l'unité. Ajoutons que cette histoire a plutôt le caractère d'un panégyrique que d'un jugement impartial. L'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations trahit malheureusement une intention hostile au christianisme; mais on ne peut nier que la masse des faits qu'il résume, la chaîne qui les unit et le charme continu du style, ne fassent de cette vaste composition une œuvre remarquable.

RAYNAL, admirateur et disciple de Voltaire, écrivit, sous l'inspiration de Diderot, l'Histoire philosophique des deux Indes, où les déclamations d'une philosophie fastueuse et d'une incrédulité passionnée se mêlent à des recherches dont les uns ont vanté, les autres contesté l'importance et l'exactitude.

Parmi les écrivains du second ordre, on distingue VERTOT, dont le style est coulant et la narration attachante. On lit encore avec intérêt ses Révolutions de Suède et ses Révolutions romaines. L'Histoire des chevaliers de Malte, dont

1. M. Augustin Thierry a complété, de nos jours, et rectifié ces systèmes exclusifs par les Considérations qui précèdent les Récits mérovingiens.

Fཔ

la lecture est si attrayante, a été décréditée par sa fameuse réponse: «Il est trop tard, mon siége est fait. » Un historien qui laisse soupçonner sa véracités'expose au dédain et à l'abandon. On estime toujours l'Abrégé chronologique du président HÉNAULT .L'Histoire de l'anarchie de la Pologne par RULHIÈRE, qui a aussi écrit quelques vers agréables, est un morceau historique digne d'attention.

L'université de Paris a donné au dix-huitième siècle trois historiens, ROLLIN, CRÉVIER et LEBEAU. Rollin a écrit avec une simplicité pleine d'élévation morale l'Histoire ancienne et les commencements de l'Histoire romaine. Son but est plutôt la morale que l'érudition, et il inspire la vertu en reproduisant fidèlement les annales de l'antiquité, sur la foi des historiens originaux. Crévier a continué sur le même plan, avec un talent bien inférieur, le travail de Rollin. L'Histoire du Bas-Empire, par Lebeau, est un travail considérable et justement estimé.

L'Introduction au Voyage d'Anacharsis, par BARTHÉLEMY, est un excellent résumé, écrit avec beaucoup d'art, de l'histoire de la Grèce avant le siècle de Périclès. L'Histoire critique de la République romaine, par LÉVESQUE, jette aussi quelques lumières nouvelles sur une partie des annales de l'antiquité.

On fait peu de cas de VELLY et de ses continuateurs VILLARET et GARNIER, qui ont défiguré dans une longue compilation toutes les époques de l'histoire de France. ANQUETIL a mieux réussi, parce qu'il est plus court: il s'est fait beaucoup lire et médiocrement goûter. Ces écrivains manquent de critique et de style.

L'art d'écrire l'histoire a fait au dix-neuvième siècle de notables progrès. Il n'entre pas dans notre plan d'énumérer ici les travaux contemporains: mais il est vrai de dire que le progrès de la science historique est un des plus beaux titres de notre époque. Dans les divers systèmes de composition qui forment des écoles distinctes, érudite, philosophique ou descriptive, soit qu'elle ait interrogé les vieux monuments Littérature.

23

354

COURS DE LITTÉRATURE. HISTORIENS FRANÇAIS.

9

du passé, soit qu'elle ait recherché la loi qui unit les faits soit qu'elle ait voulu reproduire la physionomie des époques, l'histoire a creusé plus profondément, elle a mieux enchaîné, elle a peint plus fidèlement. Les noms viendraient en foule, au besoin, pour justifier ces assertions.

Au reste, il ne faut pas reporter exclusivement cette vue plus nette du passé à la sagacité des historiens contemporains. Leur initiation est un fait social; la lumière a brillé pour tous à des degrés divers; c'est le présent qui a éclairé les faits longtemps obscurcis. La révolution qui se continue sous nos yeux nous révèle chaque jour les secrets de l'histoire; nous travaillons à un travail de destruction et d'organisation qui met à découvert les mobiles constants de la volonté humaine et l'action de la force des choses. Depuis cinquante ans nous voyons comment se font et se défont les empires, quelle loi prépare leur établissement et précipite leur chute, quelle influence les événements exercent sur les hommes, comment les doctrines se modifient dans la fluctuation des faits et des situations. Cette expérience où nous sommes acteurs et spectateurs, et qui se poursuit sous le contrôle inquiet des partis intéressés à publier les faiblesses et les erreurs de leurs adversaires, cette expérience est l'enseignement le plus lucide et le plus complet que l'humanité puisse recevoir l'induction, qui dirige les sciences naturelles dans leur marche progressive, est d'un emploi plus légitime encore dans les sciences morales; car la conscience de chacun est un monde où les mêmes phénomènes s'accomplissent et sont saisis immédiatement: chacun éprouve ce que tous expriment, et l'analogie permet d'affirmer en autrui ce qu'on voit en soi-même. Ainsi les causes cachées des événements lointains sont manifestées par les causes patentes des faits contemporains; c'est pour cela que l'histoire est surtout clairvoyante après les grandes crises sociales, et que, parmi les historiens, les plus grands sont ceux qui ont pratiqué les hommes et les affaires.

FIN.

DE L'UNIVERSITÉ.

DE L'OUVRAGE.

DE LA LITTÉRATURE EN GÉNÉRAL. DE LA LITTÉRATURE EN GÉNÉRAL

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

65

7. De l'éloquence et de la rhétorique.

73

De la rhétorique.

65

67

[ocr errors]

De la division de l'éloquence en trois genres.

69

De la division de la rhétorique en trois parties.

Invention.

8. De l'ancienne division de l'éloquence en trois genres. 69 9. De l'ancienne division de la rhétorique en trois parties. 71 10. De l'invention. 11. Qu'est-ce que la preuve? Combien y a-t-il de sortes de preuves? A quelles sources l'orateur doit-il principalement VIII. De l'invention. puiser ses preuves? 75 De la preuve. — Diverses sortes 12. Des lieux communs. 76 de preuves. Sources aux13. De l'argumentation et de ses quelles l'orateur les doit puiser. diverses formes philosophiques et oratoires.

[ocr errors]

79 Des lieux communs.

73

75

76

« PreviousContinue »